Le duel capillaire, le retour ! |PV Kenji|

C’était une belle journée, même s’il commençait à faire de plus en plus froid. Halloween approchait et la ville de Kumoru avait déjà revêtu quelques décorations, des rues en passant par les magasins. Ce qui m’avait tiré dehors en cette belle journée d’hiver, c’était un texto que j’avais reçu quelques jours auparavant de la part de Laureleï. Notre dernière rencontre ne s’était pas aussi bien passée que ce que j’avais espéré, puisqu’elle m’avait clairement fait comprendre que je devais faire un choix : soit je continuais à la voir en tant que son petit-ami, soit je devais l’oublier. Ça m’avait un peu déchiré le cœur qu’elle me confronte à un tel choix, mais il avait malheureusement été vite fait : j’avais choisi de couper les ponts, comme elle me l’avait demandé. Nous avions passé les fêtes de Noël ensemble l’an passé, et cette « rupture » avait eu lieu peu de temps après. Le plus triste, c’était que j’appréciais vraiment Laureleï. J’avais beaucoup aimé ces moments passés ensemble, et je n’avais pas été la revoir à chaque fois simplement pour profiter de la chaleur de son corps.

Cette séparation m’avait donc laissé un goût amer, et j’avais eu l’impression de perdre ce qui pouvait s’apparenter à une amie (malgré nos ébats et le fait que notre relation était quand même basée sur un gros mensonge). J’avais réussi à l’oublier par la suite, surtout grâce à Axel qui avait vite pris une place très importante dans ma vie. Quelle ne fut donc pas ma surprise de recevoir un texto de la part de l’enseignante, il y avait de ça quelques jours ! Apparemment, elle avait réussi à prendre suffisamment de recul sur notre histoire, et elle souhaitait me revoir parce que je lui manquais. Forcément, j’avais tout de suite accepté ! Ça me faisait plaisir de pouvoir la revoir et de partager de nouveau quelques moments avec elle ! Et puis, peut-être qu’elle aurait moins de mal à savoir comment réagir avec moi si on mettait les choses à plat et qu’on se cantonnait à une relation purement amicale. Il fallait dire que depuis ma première fois avec Axel, je n’avais plus du tout envie de batifoler à droite à gauche, ce qui ne faisait qu’augmenter le nombre de questions que je me posais nous concernant…

Quoi qu’il en soit, j’avais proposé à Laureleï qu’on se retrouve dans le grand parc du quartier d’Ishin, en clin d’œil à notre première rencontre qui avait eu lieu dans le parc aux daims de Nara. Elle m’avait dit qu’elle venait pour le week-end, et j’avais déjà planifié quelques activités pour lui faire découvrir ma ville, comme elle avait pu le faire pour moi quand je m’étais déplacé à Nara. J’étais arrivé un peu en avance, tout guilleret, vraiment content à l’idée de pouvoir la revoir, sans aucune arrière-pensée. Et j’espérais qu’il en était de même pour elle, sinon le week-end risquait de prendre une tournure beaucoup moins agréable…

Assis tranquillement sur un banc, dans une tenue plus décontractée que lors de notre première rencontre, je m’amusai sur mon téléphone portable avec un jeu d’enquêtes. Vêtu d’un jean et d’une veste bien chaude, j’attendais tranquillement que ma jolie blonde fasse son apparition. Je levai parfois mon nez de mon écran pour essayer de la repérer, et ce fut lors d’une de ces manœuvres que je repérai une silhouette qui me semblait familière. Je plissai les yeux au fur et à mesure que cette personne avançait vers moi. Yeux qui finirent par s’ouvrir grands comme des soucoupes en découvrant l’identité de cet homme qui m’approchait : Kenji Onizuka, le professeur d’histoire-géographie que j’avais abordé à Nara quelques mois plus tôt.

« Eh bien… Je m’attendais à voir arriver une jolie blonde aux formes agréables à regarder, je dois avouer que je suis un peu déçu. »

J’affichai un sourire en coin, ne détachant pas mes yeux de Kenji. Nous en étions venus aux mains la dernière fois, alors je m’étais aussitôt mis sur la défensive, prêt à réagir si jamais il décidait de m’attaquer.

« Que me vaut ce plaisir ? »

J’avais rangé mon téléphone, attendant des réponses. Comment se faisait-il que Kenji se trouve face à moi alors que j’étais censé rencontrer Laureleï ? Est-ce qu’ils avaient parlé de moi ? Ce n’était pas à exclure étant donné qu’ils enseignaient tous les deux dans la même académie, mais… Je n’aimais vraiment pas cette désagréable sensation de m’être fait entuber…

Ça n'avait pas été évident de récupérer le numéro de Finn. Depuis votre dispute, on ne pouvait pas dire que Laureleï te portait dans son coeur. Ça n'avait pas été une rupture sèche et ferme, mais tu avais bien senti qu'elle avait instauré une distance. Ce qui t'avait quelque peu conforté dans le fait qu'il était mieux de ne rien lui dire... elle ne t'avait pas prévenu qu'elle partait non plus, pas d'au revoir, rien. Alors réussir à obtenir le numéro du mec qu'elle avait fréquenté mais avec qui elle avait dû couper les ponts parce que pas les mêmes attentes, ça t'avait semblé mission impossible... d'autant qu'il avait fallu lui mentir encore, ce dont tu avais horreur. Cacher des choses passe encore, mentir, c'était pas trop ton truc. Tu avais expliqué que suite à sa défection, on t'avait confié une expo (à la con) sur les pays du monde et que tu cherchais des ressortissants étrangers, et qu'il te manquait quelqu'un du nord... elle t'avait filé son numéro, en te signalant que c'était pas malin et qu'elle apprécierait de ne plus avoir à te parler, ni à Finn d'ailleurs. Elle voulait passer à autre chose. C'était douloureux... mais au moins c'était clair... et au moins tu étais sûr qu'elle ne s'approcherait plus de lui non plus...

À l'inverse, embobiner Finn avait été effroyablement facile. C'était presque troublant... D'autant que de ce qu'avait dit Laureleï, la fin avait été compliquée... Mais non, en quelques messages à base "Oh bah tiens je passe sur Kumoru prochainement et je me disais que ça pourrait être chouette qu'on se revoit", le rendez-vous avait été fixé... Ça confirmait que les deux n'avaient pas du tout la même image de cette relation ! Enfin ça t'arrangeait bien. Mentir à Laureleï ça avait déjà été assez dur comme ça, surtout que votre amitié s'était finie là dessus, alors en plus te faire passer pour elle... Pas terrible.

Vêtu d'un simple jean et et d'un pull, tu avais pris le train, comatant, essayant vaguement de penser à un plan pour la suite des opérations. Tu ruminais surtout... sur le papier effectivement vous aviez potentiellement un but commun, dans les faits... soit c'était un flic, et ces bêtes-là n'attiraient que des emmerdes, soit le mec était tellement pourri que ça reviendrait à s'associer avec le diable. D'un autre côté, quoi qu'il ait fait, la trêve était terminée et tu avais commencé à recevoir la visite de quelques membres du gang décidés à te faire revenir. Tu supposais un genre de rite de passage, de bisutage. Pour le moment le niveau n'était pas bien élevé et tu avais toujours pu t'en sortir. Mais ça devait plus compliqué, et que les derniers combats il avait fallu sortir les rasoirs. La vue des lames aiguisées avait suffi à les mettre en déroute. Mais tu sentais bien que ça ne serait pas le cas éternellement. On finirait par t'envoyer autre chose que les nouveaux à tester... Il était donc plus que temps d'agir !

Tu avais trouvé le parc sans trop de difficulté, idem pour le lieu de rendez-vous. Tu es venu en avance, histoire de repérer les lieux. C'est vrai que tu craignais moins les témoins ici, à part des mafieux tu ne connaissais personne. Mais ça restait son terrain. Autant être un minimum prudent. Finnarrive à peu près à l'heure. Inutile de tournicoter trois milles ans ! Pas d'entrée fracassante ni rien. Tu t'avances tranquillement vers lui. En plus, c'est la meilleure façon d'apprécier le subtil mélange de stupeur, de méfiance et de déception sur son visage. Ok ça valait le coup de t'être fait passer pour Laureleï juste pour ça. Tu le salues de la main, comme on le ferait entre amis, et lui offre un immense sourire.

"Ha, c'est souvent le problème avec les sites de rencontre ça ! Les gens trichent avec leur photo on est toujours déçu. Je te comprends."

Tu sens qu'il se tend. En même temps, votre dernière rencontre ne s'est pas vraiment passée sans encombre. Et puis lui il était venu pour un rendez-vous galant, alors forcément, il a un temps de retard. Tu aurais presque envie de le snober d'un "c'est chiant hein !", mais tu te contentes de savourer en silence. À la place tu t'assois tranquille à côté de lui. De l'extérieur, vous avez vraiment l'air d'amis qui se retrouvent.

"Ceci dit, tu risques d'attendre longtemps. Aux dernières nouvelles elle a quitté le pays et ne souhaite plus entendre parler de toi. Ni de moi d'ailleurs si ça peut te consoler."

Ça c'est plus parce que tu t'en veux d'avoir usurpé l'identité de Laureleï que d'avoir piégé Finn. Rien que pour ça, cette visite valait le coup ! Ceci dit, tant que tout n'est pas clair, tu préférerais être sûr qu'il va lui foutre la paix...

"Sinon je me disais qu'on avait une conversation à terminer."

D'autant que la moitié des infos que tu lui avais filées la dernière fois étaient soit périmées, soit inutiles. Au mieux, ça l'avait pas avancé à grand chose, au pire ça l'avait foutu dans la merde. Franchement tu préférerais la deuxième. Vu la merde que sa visite a foutu dans ta vie, ce serait un juste retour de bâton. Pas évident d'envisager qu'il va vous falloir bosser ensemble maintenant...

La surprise était bien réelle : plutôt que de voir Laureleï m’approcher de son pas gracieux avec ses longs cheveux blonds au vent… Je me retrouvai face à un type bien plus carré et pas du tout mon genre. Bon, y’avait toujours le petit côté « chevelure soyeuse au vent », mais non, ça ne suffisait pas à faire passer la pilule. Ils m’avaient bien eu tous les deux…

« Ah ça… Fais-moi penser à me désinscrire de ce genre de plateformes dès ce soir. Ma déception est beaucoup trop grande pour que je puisse m’en remettre. T’exagères en plus, t’aurais pu jouer le jeu jusqu’au bout et te ramener avec une robe ! »

De l’extérieur, on devait vraiment laisser penser qu’on était amis et qu’il était tout à fait normal qu’on se retrouve sur ce banc, dans ce parc du quartier riche de Kumoru. Pourtant, je m’étais aussitôt mis sur mes gardes en le voyant s’approcher, prêt à répliquer si jamais il décidait de se venger en me collant un poing dans la gueule. Mais non, il vint tranquillement s’assoir à côté de moi, prolongeant cette conversation anodine concernant Laureleï. Je restai toujours attentif à ses mouvements, me tournant un peu plus vers lui pour mieux anticiper, ne pouvant malgré tout pas m’empêcher de lâcher un profond soupir à la fin de sa tirade.

« J’me disais aussi… J’ai voulu croire qu’elle avait envie de passer de nouveau un peu de temps avec moi, mais vu la manière dont on s’était quitté la dernière fois, j’aurais dû me méfier un peu plus. Faut dire que j’ai pas du tout imaginé qu’elle pourrait participer à ton petit piège… J’imagine que tu lui as pas dit la vérité ? »

Mon regard ne se détachait plus de lui. Je scrutai le moindre de ses mouvements, mais aussi toutes les expressions qui pouvaient passer sur son visage. J’essayais de comprendre ce qui avait bien pu le pousser à venir jusqu’ici et, surtout, à vouloir me retrouver.

« À terminer ? Il me semble qu’on avait été au bout des choses la dernière fois, non ? Enfin, je dois avouer que tes infos étaient un peu pourries quand même… À croire que ton passe-temps préféré dans la vie, c’est de m’entuber en fait. Qu’est-ce que tu veux ? Ma mission pour ton ancien gang s’est pas forcément très bien terminée, mais j’ai tenu ma promesse, je leur ai rien donné de ce que je savais sur toi et ta copine. Et comme c’est toi qui as monté tout ce plan rien que pour me revoir, j’imagine que t’as quelque chose à me demander. Ou alors tu veux finir « cette » discussion-là… Désolé, mais j’suis pas intéressé, me bastonner pour des cacahuètes, c’est pas ma came. »

De toute façon, tant qu’on était dans ce parc, il ne pouvait rien faire contre moi. Il y avait bien trop de témoins et la police rôdait toujours bien plus ici que dans les autres quartiers de la ville. Si jamais on signalait une bagarre, mes collègues ne tarderaient pas à rappliquer.

Je commençai donc légèrement à me détendre, maintenant que la surprise était passée, et j’en profitai pour sortir une cigarette, tendant mon paquet à mon voisin.

« T’en veux une ? D’ailleurs, j’sais pas si tu t’es un peu renseigné sur Kumoru avant de venir, mais j’te conseille d’attendre qu’on soit parti d’ici si tu veux vraiment me casser la gueule. Les flics risquent de vite te coffrer si tu peux pas te retenir, et je dois avouer que ça m’enchanterai pas trop de me retrouver en garde à vue à cause de toi. »

Surtout que bon, la plupart des policiers qui patrouillaient ne me connaissaient pas, histoire de faire plus crédible si jamais ils finissaient par me tomber dessus. Quoi qu’il en soit, il ne me restait plus qu’à attendre que Kenji me dise enfin pourquoi il avait monté tout ce stratagème pour réussir à me revoir.

"Et bien justement figure toi que j'avais trouvé une robe qui me faisait des fesses incroyables, mais impossible de trouver une veste pour aller avec. Je suis tout aussi déçu que toi sur ce coup-là !"

Puis bon, c'était rare les robes avec des poches. Leur principal défaut ! Et pour le coup, tu n'allais clairement pas venir à Kumoru sans tes armes habituelles, les poches étaient donc une nécessité ! Enfin en attendant la situation t'amusait drôlement. Tu savais déjà que ça allait devenir rapidement bien plus sérieux, alors autant profiter de la blague !

"Tu veux dire est-ce que je lui ai dit que le mec qu'elle aimait était en fait un mercenaire en mission dans sa ville à l'occasion ? Non, j'ai rien dit. Elle était déjà suffisamment malheureuse de la fin de votre histoire, inutile d'en rajouter une couche. Si jamais on te demande t'es censé faire une présentation sur ce que mange les nordiques à Noël prochainement. "

C'était pas tellement pour le protéger lui. Qu'elle le déteste, tu t'en foutais bien, au final, c'était même mieux. Tant que tu n'en saurais pas plus sur ses positions réelles, il valait mieux qu'elle reste à distance... Résultat, tu t'étais enfoncé encore plus dans les non dits, comme depuis votre soirée, et c'était toi qui avait pris tout son mépris, pour deux. C'était dur, mais tu étais sincère : ça ne servait à rien de rajouter à sa tristesse.

Alors qu'Alex râle quant à ta demande, tu affiches un air faussement choqué, tout ce qu'il y a de plus caricatural.

"Comment ? Tu veux dire que des informations obtenues sous la menace, la contrainte et l'humiliation seraient de piètre qualité ??? Alors ça ! Qui l'aurait cru ! Vraiment, c'est une incroyable découverte ça. Tu devrais publier un papier là-dessus, je pense que tu dois pouvoir obtenir un prix ou un truc du genre."

Tu ne sais pas si c'est le fait d'avoir été pris par surprise, ou la déception, mais tu avais souvenir d'un garçon plus rapide de la comprenette... là il perdait trop de temps à rester sur la défensive, on avançait à rien. En même temps, si t'arrêtais de jouer au con, ça irait peut-être un peu plus vite !

"En plus c'était même pas pour t'embêter. Enfin si, un peu, j'avoue. Mais ça ce n'était qu'un agréable effet secondaire. À la base, le plan c'était juste de gagner du temps. Je t'aurais filé des infos dignes de ce nom, tout le monde aurait fait le lien en un claquement de doigt. Deux jours après j'aurais fini éviscérer dans un coin de rue. On aime pas la trahison dans le milieu en général, Tetsuya encore moins. S'il a l'air de vouloir changer d'activité, je doute qu'il ait changé là-dessus. Avec un pot pourri d'infos de qualité variable, tu me foutais la paix et j'étais pas traçable. Point final. Mais ravi que ça t'ait embêté au passage."

C'était quand même pas compliqué à comprendre. Pour un mercenaire, il avait pas l'air de savoir comment ça marchait dans le milieu... ou alors tu l'as vraiment mal jugé et il est beaucoup plus con que ce que tu penses. Si c'est le cas, ça risque de compliquer les choses par la suite... enfin, il a l'air de commencer à se détendre, il va peut-être avoir quelques neurones qui vont se remettre à fonctionner. En attendant, tu acceptes une clope... tu n'as jamais été un gros fumeur... tu en fumes peut-être trois par an... si ça peut l'aider à comprendre que tu vas lui coincer la tête dans le banc, même si t'en meurs d'envie. Tu avais oublié qu'il était aussi horripilant.

"Merci !"

Tu lèves les yeux au ciel.

"Je t'ai déjà dit d'arrêter de me prendre pour un bleu. Pour quelqu'un qui cherche des infos, t'écoutes pas beaucoup en fait. Évidemment que j'ai fait mes recherches. Ceci dit, c'est pas que ça m'amuserait pas de t'envoyer en garde à vue, mais personnellement ça fait longtemps, et ça ne m'a pas franchement manqué. Tu sais qu'on y dort très mal ?"

Il l'aurait quand même pas volé sa beigne... mais tu as promis à Amelia de pas être un crétin fini et auto-destructeur. Tu avais sans doute sous-estimer sur ton propre niveau de crétinerie, ce qui n'aide vraiment pas à la tâche ! Tu réfléchis un instant en tirant sur ta clope, le corps toujours aussi détendu. Le fait est que tu ne peux pas vraiment te permettre de cramer cette piste-là. Les choses ont déjà commencé à empirer de ton côté, les mecs qu'on t'envoie sont de plus en plus costauds. Tôt ou tard, tu vas finir soit par te gauler et perdre ton emploi, ce qui t'obligera à revenir à Kumoru la queue entre les jambes pour rejoindre ton gang, soit par te faire buter. Et très franchement, aucune de ces deux options ne te vendent particulièrement du rêve.

"C'est pas l'envie de t'en foutre une qui manque. Franchement tu l'aurais pas volée. Mais pour le moment c'est pas au programme. Je suis là parce que le temps que j'ai gagné en te filant ces fameuses infos est arrivé à son terme. Fin du compte à rebours. Il me faut donc un nouveau plan si je veux continuer d'échapper à mon gang. Ça ne m'enchante guère, mais j'ai réalisé que potentiellement on avait le même objectif. Surtout si ta mission avec eux s'est pas très bien finie. J'imagine que ça te fait autant plaisir à toi qu'à moi, mais j'ai pas l'impression que tu ais beaucoup plus de choix que moi."

Faudrait peut-être que t'arrêtes de le provoquer ceci dit si tu veux que ça marche. D'autant que tu veux bien te forcer à bosser avec mais que tu as quand même une condition à poser. Hors de question de bosser avec quelqu'un qui connaît tout ton parcours là où pour toi il est à peine un mirage ! C'est le meilleur moyen de mal finir.

Même si j’étais un peu tendu à l’idée de retrouver Kenji face à moi au lieu de la délicieuse Laureleï, je devais avouer que nos piques étaient toujours aussi drôles. C’était vraiment dommage qu’on se soit rencontrés dans une telle situation… J’étais presque sûr qu’on aurait pu super bien s’entendre si on avait fait connaissance dans un cadre qui n’impliquait aucun gang ! Je pouffai donc à ses mots concernant la robe qu’il avait trouvée, avant de carrément me mettre à rire en entendant l’excuse bidon qu’il avait sortie à son ancienne collègue pour récupérer mon numéro de téléphone.

« Sérieux ? C’était ça ton excuse ? Et elle t’a vraiment cru ? Je prends bonne note en tout cas, j’tâcherai de prévoir une liste de trucs qu’on mange par chez moi à Noël juste pour être un minimum crédible ! En tout cas, je savais que j’étais pas le meilleur pour mentir, mais on dirait que j’ai trouvé encore pire que moi, bien joué ! »

Je n’étais pas complètement idiot, j’avais bien compris qu’il n’avait rien dit à Laureleï non pas pour me protéger moi, mais pour la protéger elle. C’était aussi la raison pour laquelle je ne lui avais jamais parlé de ce que je faisais au quotidien. Elle n’avait rien demandé et ne méritait pas d’être mêlée à tout ça, ni de souffrir à cause des choix de vie que j’avais fait. De toute façon, j’étais presque sûr à 100 % qu’elle n’aurait pas compris si j’avais tâché de lui expliquer que j’étais actuellement un mercenaire qui bossait pour le gang le plus offrant. Avoir l’air d’un bad boy et en être un pour de vrai, c’était complètement différent ! Et il était tout bonnement hors de question que je lui raconte la vérité à mon sujet. Il n’y avait que très peu de personnes qui étaient au courant de ma mission d’infiltration en cours, et c’était très bien comme ça. L’ébruiter, ce serait mettre en danger les personnes au courant en plus de moi-même. Et ma mission primait sur absolument tout le reste.

À la suite des mots de Kenji, je ne pus m’empêcher de plisser les yeux alors que je le dévisageai. Il se foutait littéralement de ma gueule et, pour le coup, j’avais bien envie de lui coller mon poing en plein milieu du visage pour le faire redescendre. Ce n’était vraiment pas le moment de rire, et surtout pas à ce sujet. A cause de ses infos périmées, j’avais à peine pu aider mes collègues à avancer sur le cas de ce gang, et je m’étais mis en danger inutilement en me rebellant contre mes clients.

« Hahaha, très drôle… C’est comme ça que tu me remercies alors que j’ai pris des risques pour toi, je vois… La prochaine fois, je me souviendrai de ne pas avoir autant de scrupules à pourrir la vie d’un type qui me paraissait sympathique au premier abord. »

J’avais été plutôt froid dans mes mots et le regard que je lui avais lancé en même temps, mais s’il avait tenu à me voir pour se foutre de ma gueule, il était mal tombé. J’avais juste envie de m’allumer ma clope et de me lever pour le laisser dans sa merde, puisque j’imaginais assez aisément qu’il n’avait pas fait le déplacement jusqu’ici simplement pour se foutre de moi. Et puis, même si je faisais mine d’être vexé à cause de la qualité de ses infos, je savais pertinemment qu’il avait agi pour le mieux, dans son intérêt à lui.

L’échange de clopes fait, je ne pus m’empêcher de le piquer un peu à mon tour. Après tout, c’était moi qui étais en position de force dans cet échange vu qu’il était venu à moi dans un but bien précis. Je n’allais donc pas me priver d’en profiter, surtout pas après son petit manège de tout à l’heure.

« J’ai pas besoin de chercher les informations, tu vas finir par me les donner toi-même, comme un grand ! »

Et je lui offris mon plus beau sourire de sale gosse alors qu’il me disait que l’envie de m’en coller une ne lui manquait pas.

Il finit toutefois par m’expliquer les véritables raisons qui l’avaient poussé à me retrouver : comme je m’en étais douté, il avait besoin de moi pour se sortir de cette mauvaise passe dans laquelle il se trouvait. J’haussai une épaule à la fin de son discours, continuant à fumer tranquillement ma cigarette.

« Ah… C’est bien dommage ça… Mais peut-être que si tu m’avais filé les bonnes infos dès le début, j’aurais pu faire en sorte que tu sois un peu moins dans la merde. Certes, la mission ne s’est pas forcément bien terminée, mais la seule chose que j’ai perdue c’est ma crédibilité auprès de leur gang. Ils ont jugé que je n’étais pas apte à répondre à leurs attentes, mais j’ai commencé à me faire un nom parmi d’autres gangs qui sont bien plus importants que celui-là, alors je n’ai rien à craindre. S’ils ne veulent pas avoir de soucis avec mes employeurs et se lancer dans une guerre qu’ils ne gagneront pas en s’en prenant à moi, ils ont plutôt intérêt à me foutre la paix. Donc faudrait que tu m’expliques ce que j’ai à y gagner en me mouillant, encore une fois je précise, pour toi. Faut pas oublier que c’est toi qui viens me demander de l’aide. Si le jeu en vaut pas la chandelle, j’ai aucune raison de te rendre ce service mon chou. »

Tu rigoles avec lui, c'est tellement absurde...

"Ha mais attends, jme retrouve vraiment à organiser ce truc de merde, c'est ça le pire ! Et c'est encore plus chiant que ce que t'imagines. Une belle expo bien lisse et pas polémique du tout sur les pays du monde, youhou. En vrai le seul mensonge c'est que t'es pas invité."

Et c'est bien pour ça que c'était crédible comme histoire, parce que dans le fond c'était tout à fait crédible ! Complètement con, mais crédible.

C'est assez rigolo de le voir se tendre. Tu restes impassible. Tu t'en fous bien de ses histoires dans le fond... Ça l'a foutu dans la merde ? Parce que toi non peut-être ? Tu restes calme. Tu regardes tranquillement autour de toi, les gens passer, les plantes. En vrai, vue la journée qui s'annonce, tu le considères assez peu comme une menace. Au pire tu prendras des coups. C'est tout. S'il avait voulu te faire la peau ça serait déjà fait.

"Quand t'auras fini de jouer les preux chevaliers tu me feras signe. Tu m'as utilisé. Point barre. Si j'avais obtempéré dès le début t'aurais effectivement pourri ma vie sans scrupule. Si je t'avais filé les infos que tu voulais, t'aurais aussi pourri ma vie toujours sans scrupule. T'as choisi le scénario dans lequel t'étais le plus gagnant. J'ai fait la même de mon côté. Tu m'as utilisé. Je t'ai utilisé. Un partout la balle au centre. C'est pas Disney. Y a pas les gentils d'un côté et les méchants de l'autre. Arrête de faire comme si t'étais innocent dans cette histoire."

C'était quand même lui qu'était venu te chercher à la base... En plus, tu trouves ça plutôt gonflé de sa part. Le mec se présente comme mercenaire, donc par nature, offrant ses services au plus offrant, mais en plus même pas un mercenaire fiable, puisque finalement prêt à planter une mission pour une autre. Donc bon, se plaindre avec autant d'énergie qu'on était qu'un pauvre gars innocent que le grand méchant avait roulé, c'était quand même pas mal abusé ! Il avait le droit de pas être content de s'être fait roulé, ça c'était normal. Tu t'attendais pas à ce qu'il t'accueilles à bras ouverts non plus ! T'aurais même trouvé ça drôlement suspect. Mais faire comme s'il avait aucune responsabilité dans la situation actuelle, c'était quelque peu agaçant.

Tu acceptes la clope. Au moins ça t'occupe les mains. Ça commence à être pénible de pas juste lui en foutre une en vrai. Ou juste de rester bêtement assis alors que clairement t'as autre chose à faire qu'attendre qu'on vienne te cueillir. D'autant que cette conversation n'avance, ce qui est quand même pas mal ta faute, faut bien l'avouer ! Du coup, Finn en profite pour te faire payer ton apparition de tout à l'heure. Comme si t'allais lui cracher quoi que ce soit si facilement... t'étais pas con au point d'aller te foutre sous la dépendance de quelqu'un d'autre pour couper celle d'avec ton gang ! Ça, ça marcherait que sur du court terme. Et par la suite, on en reviendrait au même point. Du coup, tu lui réponds simplement en souriant avant de reporter ton attention sur ta clope. Qu'il vide son sac, et qu'on avance. Puis c'est intéressant de voir comment sa situation a évolué depuis la dernière fois. C'est bien, il fait son trou. T'es pas sûr qu'on protège les mercenaires, c'est pas vraiment à ça que ça sert. Tu le laisses finir sa tirade, et lui réponds tranquillement, la voix toujours aussi calme.

"Mais dis moi mon chou, comment j'étais censé savoir que t'étais quelqu'un de confiance ? Tu t'es pointé, tu m'as menacé, a menacé mes proches, m'a frappé, fait du chantage. Exactement comme tout ceux qui sont venus après toi. Mais t'as l'air persuadé qu'à toi j'aurais dû faire confiance. C'est fascinant tu trouves pas ?"

Tu plantes tes yeux dans les siens.

"Après c'est ptet moi qui suis con hein. Paraît que les gens qu'ont vécu dans la rue perdent beaucoup en compétence sociale. Alors j'ai peut-être raté un signe. T'es peut-être trop subtil pour moi. Parce que tu vois, de mon point de vue, y a pas de grande différence entre toi et les autres. À part que les autres se racontent pas qu'ils sont innocents dans cette histoire, peut-être, mais ça tu vois au final ça me dit pas plus pourquoi j'aurais dû te faire confiance. En plus tu m'excuseras, mais des types qui échappent à leur gang pour aller se foutre sous la protection d'un autre, même plus costaud, c'est rarement des histoires avec un happy end. Donc garde ton CV pour quelqu'un que ça impressionnera, c'est cool pour toi, mais perso ça me fait ni chaud ni froid."

Tu reprends ta position face au parc. Qui plus est, des types avec des CVs de ce genre qui se font couler du genre au lendemain parce qu'ils ont parlé à la mauvaise personne, c'était pas rare non plus. Il avait pas choisi un boulot avec la plus grande espérance de vie non plus.

"Ceci dit t'as raison, pourquoi tu le ferais, c'est une bonne question. Je t'exaspère, tu m'horripiles. Pas vraiment l'association du siècle. Mais si tu crois que Tetsuya est hors course parce que loin d'avoir le gang le plus puissant, alors t'as quelques trains de retard. C'est pas ça qu'il vise, c'est pas pour ça qu'il est dangereux. Donc la vraie question c'est : une association ça t'intéresse ou pas ? Si tu peux pas me voir en peinture, je vais pas t'emmerder inutilement, j'ai d'autres choses à faire, et me créer des dettes auprès d'autres orgas m'intéresse pas. Si c'est ça, autant que je passe au plan B direct."

Ce qui ne t'arrangerait vraiment pas du tout. Le plan B présente beaucoup trop de facteurs imprévus. Mais c'est pas comme si t'avais jamais été convaincu qu'il te suivrait sur ce coup-là !

« Ah nan mais j’imagine parfaitement le côté chiant de l’organisation de ce truc ! Ça me fait penser aux vieux exposés tous pourris qu’on nous demandait de faire à l’école ! Et puis, tu vas peut-être pas me croire, mais ça me ferait beaucoup rire d’y participer finalement ! Ça t’éviterait d’avoir à porter sur tes petites épaules le fardeau d’un mensonge comme ça ! »

Le pire, c’était que j’étais sincère ! Je sentais la soirée bien pourrie, mais étrangement, ça me tentait bien plus qu’une énième mission dangereuse. J’avais un peu envie de souffler et si ça induisait me retrouver dans une expo toute pourrie dans une académie cotée, alors ça ne me dérangeait absolument pas ! Encore fallait-il que cette deuxième rencontre se déroule bien si je voulais espérer que Kenji m’offre une opportunité d’y faire une petite apparition… Ou alors, je pourrais toujours opter pour la solution de me pointer là-bas en mode « Ah bon ? J’suis pas sur la liste ? Pourtant, j’avais été invité par Kenji Onizuka, le professeur d’histoire-géographie ! ». Ça serait hyper facile de faire croire au premier venu que je le connaissais depuis des années vu toutes les infos que j’avais pu dégoter de lui !

Mais l’heure n’était plus à la rigolade, ni aux expos pourries. La conversation se fit plus sérieuse, et je ne pus m’empêcher de rouler des yeux en entendant sa réponse. Mais qu’il était chiant ce type ! J’essayais d’être sympa, et lui, c’était comme s’il faisait tout pour qu’on ne puisse pas bien s’entendre, ne cessant de me rabâcher que je n’étais pas innocent dans cette histoire, et qu’il fallait que j’arrête de me persuader du contraire.

« J’ai jamais dit que j’étais innocent et encore moins que je t’avais pas utilisé. Certes, j’ai choisi le meilleur scénario pour moi, mais j’peux t’assurer que si j’avais voulu, il aurait pu être bien pire pour toi. M’enfin, on sait tous les deux qu’avec des « si », on pourrait refaire le monde. Ce qui est fait est fait, et je pense qu’on a bien plus à faire avec la situation présente que de débriefer notre première rencontre. »

Mais la suite de ses mots me laissa comprendre qu’il ne semblait pas beaucoup plus disposé à faire avancer la situation. J’inspirai profondément avant de soutenir son regard. J’avais tellement envie de me lever et de le laisser planté là, comme un con sur son banc ! Je finis par masser doucement mes tempes, non sans cacher mon agacement grandissant.

« J’t’ai jamais demandé de me faire une confiance aveugle, surtout que oui, les faits ont pas joué en ma faveur lors de notre première rencontre. Mais putain, fourre-toi dans le crâne que si j’étais vraiment aussi mal intentionné que ça à ton sujet, j’aurais pu prendre les infos et te tirer une balle entre les deux yeux juste après pour ramener ton cadavre à ton ancien gang. J’aurais fait d’une pierre deux coups et ça m’aurait évité de me mettre ces types à dos. J’ai pas confiance en toi non plus, mais y’a quand même un truc qui s’appelle le doute raisonnable. Si t’étais pas aussi borné à vouloir garder tes œillères, t’essaierais de douter un minimum de ma culpabilité. »

Oops… Est-ce que je ne venais pas de ressortir un bout de mes cours de droit que j’avais suivis à la fac ? Bouaf, au pire… Je n’avais pas besoin de cacher à qui que ce soit que j’avais des compétences en la matière. C’était même plutôt pratique pour savoir comment il était justement possible de contourner la loi.

En tout cas, je ne pus me retenir de rire en l’entendant affirmer que notre association était foireuse dès le départ puisque nous ne pouvions pas nous supporter.

« Et c’est quoi ce fameux plan B ? »

La curiosité était un vilain défaut, mais j’avais bien envie de connaître sa deuxième option si jamais je refusais de lui apporter mon aide. Seulement, même si l’envie de le faire chier était toujours aussi présente, j’avais quand même de quoi glaner quelques infos supplémentaires en m’associant à lui. Et puis… J’étais vraiment beaucoup trop curieux pour refuser de toute façon.

« Bon… Si tu tiens tant que ça à t’associer à moi, va falloir que t’arrêtes de me voir comme un ennemi ou une menace, sinon, on peut laisser tomber dès maintenant. J’suis okay pour te filer un coup de main. J’me dis que je pourrai sans doute en tirer profit, et si c’est pas le cas… Disons que t’auras une dette envers moi. Et cette dette tu me la devras à moi, pas à une organisation. Ça te va comme arrangement ? »

Je lui tendis ma main afin de sceller notre accord, avant d’afficher un nouveau sourire malicieux.

« Et t’as raison, tu me sors par les yeux, j’ai hésité à me barrer pour te laisser planté là, tout seul comme un con, mais au fond, j’t’aime bien Kenjinounet. Essayons de bien nous entendre le temps de cette affaire ! »

Et cette fois aussi, j’étais sincère.

« Alors, c’est quoi ton plan au juste ? »

Tu éclates de rire.

"Trop aimable de ta part ! J'espère que t'as une cravate, sinon ça va faire râler les bourges ! C'est quand même fait pour leur faire cracher des thunes ce genre de conneries."

D'ailleurs, il allait falloir que t'en trouves une avec leur connerie... ou en tout cas des fringues un peu plus présentable et sérieux que l'habituel de ta garde-robe. Décidément, tant d'efforts pour un truc aussi à la con.

Enfin c'était pas tout ça, mais il allait peut-être falloir être sérieux un peu ! D'une certaine façon, heureusement que Finn est un peu moins têtu que toi, parce qu'avec ta tête de bois, vous auriez pas franchement avancé... Il va vraiment falloir que tu lâches du lest si tu espères pouvoir aller quelque part ! Là dessus, il a raison, t'es bien obligé de l'admettre. C'est juste pénible. Ça t'énerve de pas pouvoir t'en sortir tout seul, et ça t'énerve de t'être fait avoir. Alors si en plus faut aller demander de l'aide à celui qui t'a roulé... pas vraiment le genre de plan qui te met de bonne humeur. Tu te laisses donc sermonner sans rien dire. Ça t'agace mais dans le fond, tu le sais.

"Tu parles bien dis donc. Si ça peut te rassurer je le sais tout ça. Je plaide coupable. D'expérience la confiance ça te mène surtout à l'hosto, directement amené par les flics sans passer par la case garde à vue. Pas mon point fort donc. Bref, mes excuses. Tu as raison, autant ne pas épiloguer là dessus."

Apparemment, ta proposition l'amuse. Bah, tu ne réagis pas trop, c'est vrai que dans le fond, la situation est quand même un peu drôle, c'est absurde après tout ! Autant en rire. Tu souris aussi. Au moins la tension retombe un peu. C'est déjà ça. C'est donc évidemment pile le moment pour te demander c'est quoi le plan B. Aaaah, le plan B ! Un véritable chef d'oeuvre le plan B ! Tellement que tu t'es bien gardé d'en parler à Amelia tellement tu savais que tu te prendrais une baffe, voire deux, tout en te faisant traiter d'énorme crétin suicidaire. Ce qui n'était pas totalement faux, il fallait bien l'admettre ! Tu affiches donc un énorme sourire de gamin tout fier de sa connerie.

"Et bah j'irai directement défier Tetsuya en duel. Au moins comme ça on en finira une bonne fois pour toutes de ces conneries !"

Le problème c'est que comme concrètement ça fait bien quatre ans que tu n'es plus vraiment dans le gang, et plus vraiment en dehors, ça laisse beaucoup trop de zones d'ombre et ça rend difficile de prévoir le déroulé de la suite... Dans tous les cas, Tetsuya acceptera, il aurait trop à perdre à refuser. Par contre, impossible de savoir s'il respecterait les règles, impossible de savoir comment les autres réagiraient quelle que soit l'issue du combat. En bref, c'était se jeter dans la gueule du loup sans aucune certitude de pouvoir en ressortir. Mais tu n'allais pas attendre éternellement que la situation s'empire encore longtemps comme ça. Une fin, même mauvaise, ça vaudrait toujours mieux que l'escalade.

La proposition de Finn est disons... correcte. Tu supportes mal l'idée d'avoir une dette envers qui que ce soit, surtout dans ce milieu. Mais la proposition est honnête... et c'est sans doute mieux que le plan B. Tu lui sers donc la main.

"C'est honnête. Ça me va."

Tu éclates de rire suite à sa déclaration.

"C'est mon charme ça que veux-tu ! Ceci dit si j'arrive à supporter une bande de riches qui discutent autour de petits fours pendant toooooute une soirée en faisant le concours de qui a la plus grosse, je dois pouvoir réussir à bosser avec toi le temps de cette mission. Normalement je suis pas encore complètement con, juste à moitié."

Tu te lèves, écrase le mégot de la clope sur le bord de la poubelle avant de l'y jeter, reviens t'assoir tranquillement.

"T'as lu Peter Pan ou pas ? Genre le bouquin, pas le Disney."

Parce qu'avant de pouvoir envisager le moindre plan, il va falloir lui faire comprendre comment ça marche dans ce gang, et pourquoi c'est un brin différent des autres...

"Dans le Disney, Peter Pan est un gentil gars, et les garçons perdus ses potes, blablabla. Le bouquin est un brin plus glauque. Personne se barre tant que Peter l'a pas décidé. Et comme lui a décidé de pas bouger, tu peux crever sur place. Tetsuya fonctionne sur ce principe. Il recrute exclusivement des paumés, des qu'ont plus nulle part où aller ni personne. On commence par t'accueillir dans la famille, blabla, et puis on te demande de participer aux frais, parce que c'est ce que font les membres d'une famille. En général, avant que t'ais compris ce qui se passe, tu peux plus te barrer. En gros les gens restent parce qu'ils ont l'impression de faire partie d'un groupe, mais dans les faits, si les flics te chopent ou s'il t'arrive une merde, personne t'aidera. Parce que ça pourrait faire tomber la "famille". Et par là comprends qu'on parle de Tetsuya. C'était déjà pas mal quand j'y étais, mais apparemment il a pas mal creusé le côté culte de la personnalité. Donc on se retrouve avec d'un côté ceux qu'ont trop la trouille de partir, de l'autre ceux qui le vénèrent. Ça fait pas bon ménage. Quand j'y étais, on se contentait de combats illégaux, des paris qui allaient avec, et quelques casses à la con. Il a gardé ça. Ça lui sert de devantures pour louer des mercenaires par la suite. En gros pas de marchandises, pas de lutte de territoire. Mais un stock plus ou moins illimités de paumés qui n'ont nulle part où aller et plus rien à perdre."

Tu laisses un temps, histoire qu'il calcule tout seul le bordel que c'est.

"En bref, à part en éliminant Tetsuya, le gang va rester actif et continuer à racler et faire du dégât dans son sillage. C'est pour ça que je te disais que c'était pas une question d'être plus puissant que ses voisins. Il cherche pas à être plus puissant, il cherche à ce qu'ils aient besoin de lui. Lui il se contentera de regarder le massacre de loin."

Je me joignis à lui pour rire, lui promettant que je ne lui ferais pas honte, et que je viendrais à son exposition avec le costume 3 pièces le plus cher en ma possession, bien sûr agrémenté d’une cravate. Enfin… Je me demandais quand même si je pourrais vraiment y assister… Tout dépendrait certainement de ce nouveau rendez-vous qu’il m’avait donné aujourd’hui même. En tout cas, je devais avouer que ça me ferait plaisir d’y aller ! Et puis… Il devait bien y avoir de la bouffe gratuite dans ce genre d’événements, non ? D’une pierre deux coups ! Ça m’éviterait de manger des nouilles instantanées pour un soir !

Nous entrâmes finalement dans le vif du sujet. Ou du moins, on eut une première tentative pour le faire. Il fallait dire qu’avec les deux têtes de con qu’on était, si on continuait à se borner sans se laisser une chance, on n’allait pas aller bien loin ! Quand je le fis remarquer à Kenji et que celui-ci m’offrit des excuses, je restai complètement interdit à le fixer avec mes yeux écarquillés.

« Wow… Si je m’étais attendu à ça… Le Grand Kenji qui me fait des excuses… »

Ouais, bon, ce n’était clairement pas le moment de le taquiner, il allait finir par prendre la mouche et se tirer alors qu’il venait de s’efforcer de faire un pas vers moi. Je pouffai donc doucement.

« Désolé, ça m’a vraiment surpris, je m’y attendais pas ! En tout cas, excuses acceptées ! »

Et Kenji eut le droit d’admirer une nouvelle fois ma tronche de déterré quand il m’expliqua son plan B. Je le fixai sans rien dire, avant de cligner plusieurs fois des yeux.

« Euh… Dis, tu tiens vraiment à la vie ou pas ? Parce qu’il m’a l’air un peu pourri ton plan B… Autant que t’ailles te tirer une balle dans la tête dans une ruelle sombre, on retrouvera aussi ton cadavre dans un caniveau, mais ça aura été plus vite expédié… »

Fort heureusement, son plan de départ me convenait, on pourrait donc mettre de côté ce plan B tout nul. La seule condition à ce coup de main que je lui offrais, c’était qu’il me devrait un service par la suite. Je ne savais pas encore quand j’allais le lui demander, ni ce en quoi ça consisterait, mais c’était toujours une bonne chose quand on avait des dettes envers vous, surtout dans ce monde-là ! Nous nous serrâmes donc la main pour conclure cet accord que nous venions de passer, et les mots qui suivirent me firent rire à mon tour.

« Ouais, tout réside dans le « pas encore »… Mais j’avoue, j’devrais être quand même beaucoup moins barbant que tous ces grands pontes que tu dois côtoyer dans ton académie de riches ! Ils sont bons au moins vos petits-fours ? »

Détail important !

Quoi qu’il en soit, il ne fallait pas oublier que, même si on avait fait la paix et que la tension était redescendue entre nous, nous devions toujours mettre un plan d’attaque au point ! Et pour ça, il fallait déjà que Kenji m’explique comment ce fameux Tetsuya fonctionnait. J’écoutai attentivement toutes les informations qu’il me donnait, avant de claquer assez bruyamment ma langue contre mon palais en grimaçant. Je ne m’étais pas rendu compte de tout ça en jouant les mercenaires d’un soir pour lui, mais ça craignait bien plus que ce que j’imaginais finalement…

Je me levai à mon tour pour jeter mon mégot de cigarette, en profitant pour m’étirer un peu et faire craquer certaines articulations avant de me rassoir à côté de lui.

« Okay, j’vois le genre… Une belle grosse merde quoi… T’as encore des contacts ? Des gars qui étaient là en même temps que toi, qui ont pas réussi à s’en sortir et qui bossent toujours pour lui ? Tu connais le fonctionnement de ce malade, mais il nous faut des informations plus récentes pour qu’on en sache plus sur ses planques et ses effectifs réels. L’idéal, ce serait qu’on arrive à mettre la main sur un type qui veut se sortir de tout ça et qui serait prêt à nous donner des infos pour qu’on puisse y voir plus clair et connaître le moment et le lieu idéal pour l’attaquer. On est grillés tous les deux de toute façon, on pourra pas l’approcher directement. Par contre, je connais un de leurs QG, ils ont réquisitionné l’arrière d’un bar de strip-tease pour s’y installer, c’est là que j’me suis fait embaucher pour remettre la main sur toi. D’autres personnes me doivent un service alors je peux toujours envoyer quelqu’un à l’intérieur pour se faire passer pour un client et essayer de nous faire sortir un type vulnérable qu’on pourra manipuler. T’en penses quoi part’naire ? »

Si t'avais su qu'il suffisait que tu t'excuses pour qu'il ferme sa gueule deux secondes tu l'aurais fait beaucoup plus tôt ! Ou pas... parce que t'as quand même une sacrée tête de bois quand tu t'y mets ! Mais en tout sa tête t'amuse beaucoup. Comme si tu t'excusais si peu que ça...

"Je suis pas si prévisible que ça en vrai très cher !"

Pour le coup, sa tête à l'annonce de ton plan B valait le détour à elle seule ! Presque encore meilleure que quand il a compris que tu n'étais pas Laureleï. Ça allait être difficile de pas faire exprès de le faire tourner en bourrique si c'était aussi drôle à chaque fois ! En attendant, tu prends ton air et ton ton le plus professoral pour lui répondre.

"Non là tu confonds. Ça c'est le plan C voyons ! Tu vas beaucoup trop vite dans la mise en pratique !"

En plus non, tu n'étais pas suicidaire. Juste... carrément auto-destructeur. Mais ça, c'était pas franchement nouveau, t'avais pas attendu qu'il te le signale pour en avoir conscience. Tu verrais quand toute cette histoire serait terminée pour tâcher de corriger ça. En attendant, c'était peut-être justement ta meilleure chance de venir à bout de tout ça. Après tout, c'était pas le moment d'avoir peur de mourir, ça n'allait clairement pas aider à avancer !

"Homme de peu de foi donc. Je suis pas si facile à crever que ça ! Et puis bon, c'est pas pour rien que c'est le plan B. C'est bien parce qu'il est moins bon que le B. Enfin il est quand même meilleur que le C si tu veux mon avis. Le plan C craint un peu. En plus, quitte à se suicider, autant le faire ailleurs que dans le caniveau. Donc non, l'est vraiment mauvais le plan C."

Enfin, c'était pas le tout de faire les malins, mais il allait bien falloir rentrer dans le vif du sujet. Pour ça, tu acceptes de lui en devoir une. Ça ne te plaît clairement pas. Avoir des dettes dans ce milieu, c'est jamais bon signe. D'autant que si tu veux bien bosser avec, tu n'as toujours pas pleinement confiance en lui. C'est une alliance pour atteindre un intérêt commun, tu ne te fais pas trop d'illusion là-dessus. Après tout, tu l'as rencontré alors qu'il plantait justement une mission pour laquelle il était engagé pour une plus grosse... Mais le plan B étant franchement mauvais, il allait falloir t'en contenter en attendant, et faire au mieux. Tu verrais plus tard... comme à chaque fois, tu te contentes de gagner du temps.

"En même temps ça abîme les neurones de prendre des coups sur la gueule, je vais pas aller en m'arrangeant si toutes les semaines je reçois la visite des anciens collègues ! Mais promis, les petits fours sont parfaits. Petit tuyau : ces gens aiment s'écouter parler. Tu les lances et après tu peux juste bouffer tranquillement en ayant le cerveau qui vadrouille ailleurs. Enfin fais gaffe faut toujours qu'ils en commandent avec de l'aubergine dedans, toujours pas compris qui mangeait ça..."

Trêve de plaisanterie. Tu lui expliques donc le fonctionnement de Tetsuya et de son clan, enfin le tiens... Tu vois bien à sa tête qu'il avait lui même mal estimé la situation. Pas vraiment une surprise... C'est typiquement le genre de choses qui ne se voient pas particulièrement de l'extérieur. La machine est trop bien huilée pour ça. Tu l'écoutes, essayant de voir comment compléter.

"Après ta première visite j'ai repris contact avec deux potes de l'époque qui y sont encore. Jme doutais bien que ça en resterait pas là, et jvoulais comprendre quel intérêt il avait à se barrer à Kumoru. À l'heure actuelle il a une vingtaine d'hommes, et deux lieutenants qui vendraient leur mère au marché noir pour lui. Histoire de rajouter des intermédiaires et d'être moins traçable. Par contre il continue de présenter ses combattants lui-même lors des combats. Ça lui permet de se faire voir et ramasser les cartes de visite, ainsi que la thune des paris. Il est sur deux arènes principales dans la ville. Une sur les docks, une autre en sous-sol en ville. Pour savoir où et quand il y va, le plus simple ça reste encore de savoir quand combat son champion. Ça on devrait pouvoir trouver l'info sans trop de soucis auprès des amateurs."

C'est assez étrange de te rappeler qu'à l'époque d'ailleurs, c'était toi le champion en question. Et effectivement, en y repensant, tu ne crois pas que Tetsuya ait raté un seul de tes combats à l'époque... mais pour le coup, Osaka ou Kumoru, c'était pas bien différent. Le monde des combats illégaux, tu connaissais comme ta poche, on y connaît encore ton nom d'ailleurs...

"À mon avis, le plus simple serait de le choper là. Doit y avoir un moyen de retourner la populace contre lui. Les combats truqués ça arrive, par contre si tu te fais gauler les gens apprécient pas trop. Y a moyen de pouvoir bidouiller quelque chose, même à deux. Paradoxalement, c'est sans doute là que Tetsuya est le moins entouré. Ça la foutrait mal de vendre des gros durs et d'arriver avec ta garde perso. Par contre, si les gars ont bien voulu me renseigner, à ta place je compterais pas trop sur eux."

Tu soupires, replaces tes cheveux.

"La dernière fois qu'on s'est vu, on avait beau avoir tout affronté ensemble, il a suffi d'un mot de Tetsuya pour qu'ils me laissent crever sur place. À moins que tu puisses leur promettre qu'il y aura pas de conséquences pour eux, comptes pas en tirer plus que quelques infos non traçables. Le risque est trop grand sinon. Personnellement c'est pas une promesse que je me permettrais de leur faire. J'ai pas spécialement envie de les foutre dans la merde si jamais ça foire."

Tu jettes un regard à Finn en souriant.

"Après tout ils ont pas signé pour le plan B, et encore pour le plan C !"

Je pouffai en l’entendant. Nombreux étaient ceux qui se pensaient immortels ou du moins, pas faciles à crever. Je devais avouer que moi aussi j’en faisais partie, sans doute parce que j’adorais l’adrénaline que me procurait le danger de ma mission actuelle, mais il ne fallait pas se leurrer… Ni lui, ni moi, n’étions si difficiles à tuer. Il suffisait d’une balle bien placée, d’une fraction de seconde, et tout était fini.

Après les explications concernant tous ses plans, à croire qu’il en avait un pour chacune des lettres de l’alphabet, je ne pus contenir mon rire quand il m’expliqua comment se déroulaient ces fameux événements organisés dans son académie guindée.

« Je vois que t’as la stratégie parfaite pour ce genre de soirées ! Je prends note en tout cas, et si jamais t’as besoin de quelqu’un prêt à se sacrifier pour toi, je suis là ! Tu sais pas ce que tu perds, c’est super bon l’aubergine ! Suffit juste de savoir bien la cuisiner ! »

Et ce n’était certainement pas moi qui en serais capable, mais je me souvenais presque parfaitement du goût des petits plats contenant de l’aubergine de ma mère. C’était tout bonnement impossible de ne pas aimer ce légume avec sa façon de le préparer ! D’ailleurs, elle avait toujours tellement bien cuisiné qu’il n’y avait aucun aliment que je n’aimais pas manger !

Mais bref, nous n’étions pas là pour parler de sa soirée, et encore moins d’aubergines. Kenji se lança donc dans de longues explications sur le fonctionnement de son ancien gang et de ce fameux Tetsuya à sa tête, avant de m’exposer son plan.

« Mouais, c’est quand même carrément moins glamour d’aller dans une arène de combats plutôt que dans un club de strip-tease… En plus d’avoir pas mal de plans complètement pourris, tu fais tout pour me motiver à t’aider… »

Je soupirai doucement avec un petit sourire en coin, lui signifiant que c’était ironique. C’était beaucoup moins tentant de voir des mecs se taper dessus que des filles en petites tenues en train de se trémousser devant soi, mais soit… Pour le coup, son plan n’avait pas l’air de craindre plus que le mien et je devais lui faire confiance : c’était lui qui connaissait le plus ce gang. Alors s’il me disait qu’il serait plus simple de choper Tetsuya à ce moment-là, je ne pouvais pas refuser sa proposition.

« Enfin okay, ça me semble être pas mal comme idée, même si c’est pas du tout glamour. Au moins, on est sûr de réussir à le trouver, et on est sûr aussi qu’on n’aura pas à faire face à toute une armée de petits sbires. J’te mentirais en te disant que je sais exactement comment ça se passe dans ce genre d’endroits parce que j’ai pas encore eu l’occasion d’y mettre les pieds, mais j’imagine que tu comptes te faire passer pour un parieur pour entrer ? T’es sûr qu’il faut pas genre un laisser-passer ? J’veux bien qu’il veuille se faire un paquet de thunes sur les paris, mais faut quand même qu’il puisse filtrer un minimum les gens histoire de pas finir par voir les flics débarquer pour fermer son petit business ! »

Et c’était dans des moments comme ça que je ressentais grandement le manque d’expérience. Pour le moment, je ne m’étais attaqué qu’à des gangs de bien moindre envergure, et même si j’avais une petite idée de comment pouvait fonctionner ce genre de lieux, je n’avais pas eu l’occasion d’en faire l’expérience moi-même. Je ne pouvais me baser que sur les films, séries ou rapports que j’avais lus ou vus... Autant dire que c’était pas terrible…

« Pour le trucage de paris, ça peut aussi être une bonne idée… Mais à moins de se lancer directement dans l’arène en mode « ouuuh, j’suis un p’tit nouveau, j’suis trop nul » et finalement renverser la tendance et mettre le favori K.O., j’vois pas trop comment tu veux t’y prendre… J’imagine que tu dois pas mal te battre, mais le mieux serait quand même d’éviter qu’il te repère non ? Etant donné qu’il était prêt à te faire revenir jusqu’à Kumoru les pieds devant, ça le dérangerait sûrement pas de te coller une balle entre les deux yeux, même en pleine foule… Et t’as beau être difficile à crever, à moins que tu sois genre un Terminator, tu risques de pas te relever… »

Son plan était vraiment dangereux mais… Je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir une certaine excitation malgré tout. Il ne restait plus à Kenji qu’à m’expliquer comment il comptait s’y prendre concrètement pour mettre son plan à exécution maintenant que j’avais approuvé son idée...

Tu ris un peu, c'est sûr qu'une arène de combat illégale, c'était moins sexy ! Ça t'amusait d'autant plus que ça montrait que même s'ils avaient changé de ville, certaines choses ne changeaient pas : le QG était toujours dans un bar à strip... à croire que sinon il était incapable de diriger ses affaires !

"À charge de revanche. Si ça peut te rassurer, d'expérience, c'est plutôt triste ce genre d'endroits en vrai."

Pour le coup, ça t'était souvent arrivé de devoir raccompagner des filles en fin de soirée, justement quand les rapports avec d'autres gangs s'étaient un peu trop tendus, ou juste qu'il y avait un peu trop de gens bourrés... Les fois où tu rejoignais Amelia après le travail, ça ne t'avait pas paru beaucoup, même si là où elle travaillait, c'était quand même moins glauque que d'autres endroits du genre... Sans doute que pour toi, ces endroits auraient toujours un goût de négociations foireuses.

"Et puis attends, c'est moi que tu traites de suicidaire, mais tu veux vraiment qu'on aille le cueillir à deux dans son QG avec toute de la bande ? Tu manques pas d'humour dis donc !"

Tu ris. En même temps, pas vraiment le moment d'avoir quelqu'un de trop raisonnable à tes côtés. Tôt ou tard, il va falloir prendre de sérieux risques. Mais pour le coup, tu avais retourné tout ça dans tous les sens possibles, laisser Tetsuya jouer à domicile, ça ne faisait pas partie des plans les plus viables. Ce qui en disait long vue la conclusion à laquelle tu avais fini par arriver !

Tu tiques un peu sur le fait qu'il ne connaisse pas, même un minimum, le fonctionnement de ce genre d'endroits. Pour un mercenaire, ça paraît un peu louche. D'autant qu'il y a toujours ce doute au fond de ta tête, que tu n'arrives pas à expliquer, comme un arrière pensée qui chuchote que quelque chose cloche. Mais toujours impossible de mettre le doigt dessus pour le moment. Et de toute façon, c'est trop tard. Tout le monde est un peu louche dans ce milieu, à commencer par toi d'une certaine façon... tu n'as pas éliminé la possibilité qu'il te plante un couteau dans le dos au pire moment, après tout c'est comme ça que vous vous êtes rencontré. Pas le même le plus fiable de la terre. Mais tu n'as pas l'embarras du choix, et tu as accepté de lui faire confiance. Plus qu'à espérer que tu ne te plantes pas sur ce coup-là. Ou pas trop.

Par contre tu éclates franchement de rire à l'entendre craindre la venue des flics.

"Pour les flics, tant qu'il y a pas de mort, y a pas à s'inquiéter. La plupart ferme les yeux. Ça les arrange trop d'avoir des nids de ce type quand ils ont besoin d'infos. Ou de faire une descente à l'occasion, histoire de rappeler qui commande. Savent trop bien que s'ils viennent trop, le lieu va juste changer, ça les emmerderait plus qu'autre chose. Et dans une ville comme celle-ci, avec une arène de cette taille, je serais pas surpris d'apprendre que les flics ont des parts dedans. On ferme vachement plus facilement les yeux avec des billets devant. Les cadavres, c'est ça qu'attirent les flics. Pour ça qu'on vise le KO. Enfin normalement. On peut pas éliminer la possibilité qu'on manque de chance et qu'ils fassent une descente pile ce soir-là, mais pour le reste, les flics sont pas franchement un problème."

Pour le coup, vue la situation de la ville, le scénario des flics pourris te semblait le plus probable. Mais on ne pouvait pas pour autant complètement éliminer cette possibilité... en même temps, dans ce milieu, on ne pouvait jamais éliminer la possibilité des flics non plus. De ton point de vue, le plus simple était de les considérer comme un gang comme un autre. De toute façon, flics ou yakuzas, ça se comportait pareil, à la différence que certains avaient la bénédiction de la loi pour cogner, voire tuer. Enfin, c'était un débat pour un autre jour. Reste que si tu avais toujours plus ou moins réussi à slalomer entre les arrestations, tu en connaissais quelques uns à Osaka qui n'attendaient qu'une bonne raison de te coffrer. Tu préférais donc éviter !

Tu souris, soupires un peu, passes ta main dans tes cheveux, histoire de remettre quelques mèches en place.

"En fait, j'avais plutôt l'intention de faire exactement l'inverse. Faire genre que t'es faible, c'est pas une super façon de truquer des paris, c'est pas trop la stratégie utilisée. Les spectateurs comme les parieurs viennent pour le show, si t'as rien à offrir, on te laisse pas revenir. D'autant que comme jte disais, faut éviter les cadavres. Non en général quand on parle de truquer un combat, on parle plutôt de faire rentrer des armes non règlementaires, de dopage, voire que d'un coup tu te retrouves à 2 ou 3 contre 1, avec la bénédiction des arbitres."

C'était ce qui t'était arrivé. Pour le coup, tu ne savais toujours pas si c'était Tetsuya qui avait planifié ça pour te filer une leçon et t'apprendre à obéir, ou un gang adverse qui trouvait que ça faisait trop longtemps que tu n'avais pas perdu... De le dire à haute voix, tu te rendais compte que c'était un détail qui pourrait potentiellement avoir son importance dans la suite des événements. Inutile de s'y arrête plus avant, il était impossible de savoir de toute façon.

"Et enfin, celle qu'on va viser. Truquer les livres de comptes. Ou s'en débarrasser purement et simplement. Tu sais que c'est toujours la banque qui gagne n'est-ce pas ? Sauf que si la banque perd ses registres, c'est l'anarchie."

Et ça pourrait créer un bordel monstre. Vraiment monstre. Le genre de bordel ou plus personne ne saurait qui doit quoi à qui. Ou plutôt, ferait comme si. Cette simple idée t'amusait énoooormément ! Vu le fric qu'on s'était fait sur ton dos à l'époque, l'idée que tout le monde perde tout était assez délicieuse.

"C'est là que t'interviens. Si je me bats, mon nom est encore assez connu pour que ça fasse du bruit. Pas mal de bruit. Ça devrait faire suffisamment diversion pour que t'aies le temps d'agir. L'avantage, c'est que dans la tête de beaucoup, je suis encore lié à Tetsuya de toute façon. Ça devrait produire une assez grosse coïncidence pour que ça suffise à l'accuser."

Si tu arrivais à disparaître dans les temps. Et si Finn acceptait. Le plan était à peu près aussi risqué pour lui que pour toi. De ton côté, il faudrait sans doute que tu enchaînes plusieurs combats, et dieu sait si avoir le statut de "légende" en motivait plus d'un à vous achever... Du côté de Finn, on allait sans doute pas le laisser accéder si facilement. Malgré tout, tu pouvais sentir l'adrénaline te brûler les doigts, creusant un sourire excité sur ton visage.

"T'en es ?"

Je gardai un léger sourire en coin en l’entendant me dire que les clubs de striptease avaient quand même un côté triste. Ça, je ne pouvais qu’approuver, surtout quand on se mettait de l’autre côté. En tant que client, forcément que t’allais y passer du bon temps en profitant de tout ce qui se trémoussait devant tes yeux, mais en tant qu’employé… Ça devait clairement pas être la même chanson. De toute façon, ça ne servait à rien de s’épancher sur le sujet étant donné que notre mission aurait donc lieu dans une arène de combats. Bien moins glamour de mon point de vue, mais bon… Je n’avais pas accepté de donner un coup de main à Kenji pour prendre du bon temps !

« Pourquoi pas ? Avec un plan super bien ficelé, j’suis sûr qu’on aurait pu réussir en s’en tirant pas trop mal ! »

Je pouffai avant de lui donner mon point de vue sur son plan, fronçant les sourcils en l’entendant rire franchement à l’évocation de mes collègues. Bon, pour le coup, il n’avait pas tort… Le Maire de la ville faisait tout pour éradiquer la vermine, mais les divers gangs, dont le Mitsubai-gumi, avaient tellement étendu leur influence que je savais bien que certains flics préféraient ne pas trop se frotter à eux. Certains préféraient faire l’autruche, pendant que moi et les autres, on voulait absolument tout faire pour enfin venir à bout de ce fléau. J’avais envie de râler et de lui donner un coup dans l’épaule en lui disant qu’il se trompait lourdement sur le fonctionnement de la police de Kumoru, mais ça serait fragiliser encore plus ma couverture. Je me contentai donc d’hausser les épaules, préférant plutôt jouer le rôle du mercenaire newbie qui avait encore plein de choses à apprendre.

« Je vois… On n’a plus qu’à prier pour avoir un peu de chance alors ! Ceci dit, s’ils finissaient par débarquer, ça foutrait justement un peu le bordel et ça nous permettrait peut-être d’arriver plus facilement à nos fins ! »

Mais Kenji avait visiblement un autre plan en tête. Je l’écoutai calmement en laissant mon regard dériver sur les gens qui passaient plus loin dans le parc. J’hochai machinalement la tête, ne pouvant pas retenir un certain sourire en coin étirer mes lèvres. Ça puait le danger et les risques à plein nez mais… C’était justement le genre de trucs qui me donnaient tellement d’adrénaline que je ne pouvais pas faire autrement que me jeter dans la mêlée à corps perdu.

« Ça m’a l’air super dangereux ton truc… T’es sûr de pouvoir tenir assez longtemps sans te faire descendre dans l’arène ? Perdre, bon, ça m’inquiète pas trop, mais si Tetsuya apprécie moyen la surprise, il serait peut-être capable de te descendre aussi sec non ? Enfin, je dis ça pour toi, c’est toi qui vas avoir toute l’attention braquée sur toi, moi j’vais juste avoir à jouer les ninjas pour arriver à mener à bien ma partie du plan. D’ailleurs… Si jamais j’y arrive, va falloir trouver le moyen de foutre le boxon pour te laisser l’occasion de te tirer de l’arène… ça, je devrais aussi pouvoir m’en occuper. »

Je relevai finalement la tête vers lui pour lui adresser un sourire qui montrait clairement ma volonté de le suivre dans son plan tout pourri.

« J’en suis ! On se planifie ça pour quand ? T’as un endroit où crécher en attendant ? Parce que j’imagine qu’on va pas se lancer genre… ce soir, non ? T’as besoin de matos ? J’peux réussir à trouver quelques armes au besoin, mais pas juste en claquant des doigts, il me faudra un peu de temps. J’te proposerai bien de squatter chez moi en attendant, mais étant donné qu’on n’est pas les meilleurs amis du monde, j’suis pas sûr que tu te reposerais vraiment en dormant que d’un œil. »

Je pouffai et jetai un regard à mon téléphone.

« Enfin, en attendant, j’peux toujours t’offrir à manger si ça te dit. On pourra continuer à peaufiner notre plan tranquillement sans craindre les oreilles indiscrètes comme ça. T’en dis quoi ? Par contre, t’attends pas à de la grande cuisine, mercenaire, ça paie pas si bien que ça. J’ai des nouilles instantanées à te proposer si tu veux. »