Colocation forcée |PV Kira|

Mi-mars 2022

Cela faisait déjà 15 jours qu’Anastasia était revenue à Kumoru, et autant dire que ces quelques jours avaient été des plus mouvementés ! Pour commencer, la Russe ne s’était pas attendue à retomber sur son mari qu’elle pensait disparu et mort depuis près de 7 ans. Ce n’était visiblement pas le cas et le comble dans tout ça, c’était qu’il était le détective qu’on lui avait recommandé pour retrouver son fils, qui était aussi celui de Kira. Anastasia avait bien évidemment omis ce détail, laissant son mari quitter le bar où ils s’étaient retrouvés sans chercher à le rattraper. Il allait sans doute commencer à travailler dès maintenant sur son affaire, mais l’un comme l’autre avaient également besoin d’un peu de temps pour digérer ces retrouvailles et tout ce qui avait pu être dit.

Anastasia n’avait pas recontacté Kira les jours suivants, préférant continuer à chercher un peu de son côté, se concentrant aussi et surtout sur sa recherche d’emploi. Il lui avait fallu plusieurs jours et une tonne de CV déposés pour qu’on la recontacte enfin et lui propose un travail à mi-temps dans une supérette ouverte 24h/24. Ce n’était clairement pas un boulot de rêve, surtout que la Russe héritait majoritairement des quarts de nuit, mais c’était déjà mieux que rien. Si elle voulait revoir son fils un jour, il fallait qu’elle devienne une mère acceptable, qu’elle ait un travail, une situation stable et un appartement. Il fallait qu’elle retourne dans le droit chemin…

Cela ne faisait que quelques jours qu’elle avait débuté ce nouvel emploi, mais son patron commençait déjà à présenter les signes typiques du parfait connard : les yeux qui se plantaient bien plus bas que ceux de la Russe quand il lui parlait, des paroles absolument déplacées, ainsi que des mains baladeuses. Anastasia se faisait violence pour ne pas déjà perdre son emploi ou même faire payer à ce type son comportement, préférant lui sourire et lui envoyer des petites piques pour lui faire comprendre qu’il avait plutôt intérêt à ne pas trop dépasser les limites. Autant donc dire que ce n’était pas forcément la joie, la Russe profitant de son temps libre pour recommencer à déposer quelques CV à droite et à gauche. Et comme un malheur ne survient jamais seul, le peu d’argent qu’elle avait pu emporter avec elle pour commencer sa nouvelle vie à Kumoru venait de totalement s’évaporer pour payer sa dernière nuit à l’hôtel. Ses économies lui avaient permis de tenir une quinzaine de jours, mais elle devait à présent rendre sa clé et quitter les lieux. Sa valise roulant derrière elle et son sac à main sur l’épaule, Anastasia ne semblait pourtant pas dérangée le moins du monde par la perspective de se retrouver sans toit au-dessus de la tête. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce qu’elle savait déjà depuis quelques jours qu’une merveilleuse solution de secours s’offrait à elle !

Ses pas la menèrent dans le centre-ville, son sourire s’étirant lorsqu’elle fixa la plaque du cabinet se trouvant au rez-de-chaussée du bâtiment face à elle. Son regard azur se releva ensuite jusqu’aux fenêtres à l’étage, puis elle jeta un coup d’œil à sa montre. L’après-midi touchait à sa fin et les lieux semblaient occupés. Parfait ! Ni une, ni deux, Anastasia se rendit à l’étage et frappa à la porte d’entrée de l’appartement qu’elle avait ciblé. La Russe prit bien soin de se décaler pour ne pas que l’occupant puisse la reconnaître par le judas de sa porte, attendant bien sagement que celle-ci s’ouvre pour plaquer sa main sur le battant.

« Bonsoir chéri, je suis de retour à la maison ! »

Anastasia afficha un grand sourire presque diabolique et força le passage pour entrer dans l’appartement avant que Kira n’ait le temps de lui fermer la porte au nez. Sa valise derrière elle, la Russe prit le temps de détailler rapidement les lieux, étonnée de voir à quel point son logement semblait effectivement confortable.

« Eh bien… Tu n’avais pas menti la dernière fois en disant que tu t’en sortais bien. Ah, attends… Tu es tout seul ? Ça m’embêterait de m’imposer si tu comptais passer du temps avec ta petite-amie. »

Bien évidemment, c’était faux. Si Anastasia s’était vraiment inquiétée de déranger, elle ne serait certainement pas venue à l’improviste ! Et si jamais le pauvre Kira avait effectivement une petite-amie et qu’elle était sur place ou prévoyait de venir… Elle serait sûrement ravie d’apprendre que son amant était en réalité un homme marié !

« Alors ? Tu avances dans l’affaire que je t’ai confiée ? Est-ce que tu as une chambre d’amis où je pourrais m’installer ? Sinon, ta chambre me va aussi très bien. »

Anastasia, sans-gêne ? Absolument ! Puisqu’ils étaient encore mariés tous les deux, c’était l’occasion ou jamais d’en profiter ! Après tout, tout ce qui était à lui, lui appartenait également !

Ça faisait 15 jours que Kira avait retrouvé son ex-femme et accepté le boulot qu’elle lui avait confié. Pourtant, de toutes les enquêtes qu’il avait pu faire, celle-ci était la plus perturbante. Malgré tout, il parvint à faire abstraction de toutes ses questions intérieures et avança tant bien que mal avec le peu d’info qu’il avait entre deux enquêtes officielles. Il fouillait donc quelques documents assis à son bureau.

De toutes les questions qu’il se posait, ce n’était pas tant la provenance du gamin qui l’inquiétait, mais plutôt ce qu’Anya avait en tête. Elle n’enlèverait jamais un enfant, ok, elle était différente de celle qu’il avait connue, mais quand même… Quoi que… elle venait bien d’une famille de mafieux tout comme lui non ? Kira observa le vide en haussant un sourcil avant de lâcher avec dérision.

- Naaaaaan !

Ce n’était pas son genre, clairement pas. De toute façon, retrouver un enfant qui était né sous X ne serait pas une chose bouclé en dix jours, alors il décala les documents et convint que le premier endroit où il devrait fouiller serait l’hôpital… Seul soucis, il allait devoir accéder aux archives de façon illégale, car ce n’était pas une affaire confiée par les forces de l’ordre… Il n’avait pas de mandat pour perquisitionner sur place.

Le téléphone sonna, sonnant au passage l’heure de sa pause et quand le numéro s’afficha, Kira fut instantanément transporté aux anges. Une ancienne cliente avec qui il avait réussi à aller un peu plus loin que d’habitude. Kira lui avait proposé de boire un verre et cette dernière avait promis de rappeler plus tard. Elle avait donc tenu parole et le détective dansa littéralement sur place au téléphone avec une voix mielleuse.

- Bien sûr, on pourrait aller prendre un verre dans un bar un peu chic ! Non, je n’ai pas d’autre obligation, pour vous, je suis même libre comme l’air ! Oh, vous arrivez dans 5 minutes à mon cabinet ? Non ne vous donnez pas cette peine, j’habite juste au-dessus, vous pouvez venir toquer directement à ma porte !

Très bien… Kira se précipita donc pour s’habiller, mais avant même qu’il ait eu le temps de trouver une chemise, on sonna à la porte et c’est en jean/t shirt qu’il se précipita pour ouvrir. Les cheveux détachés battant au vent. Cependant, la chute qu’il fit lorsqu’il découvrit que ce n’était pas la bonne cliente… si on devait la comparer en image, ce fut comme une chute du haut d’un building de 40 étages et autant dire que la rencontre avec le sol fut radical.

- Que, que, que, quoi ? De retour ? Retourne vers ta mère patrie plutôt non ?

En vain, sa charmante épouse ne se priva même pas de rentrer, envahissant l’endroit comme les Allemands envahissant la France durant la Seconde Guerre mondiale, ne laissant plus que la moitié du pays libre. Kira l’observait, encore un peu trop sur le cul pour réagir de façon posée. Écoutant la femme parlait, demandant tour à tour si elle ne le dérangeait pas et si il avait avancé dans son affaire. Sauf qu’un bruit alerta le détective, son autre convive « invité cette fois ! » Était déjà là, il n’avait pas refermé la porte et elle avait probablement tout entendu.

- Oh, je vois que monsieur voulait juste prendre du bon temps en plus de tromper sa femme ! Espèce de…

La claque qui suivit n’en fut que plus douloureuse avec le bruit qui allait avec, résonant dans la pièce. Kira tentant de se défendre en l’appelant pour revenir alors qu’elle redescendait les marches.

- Attend ! Je peux tout t’expliquer ! Ce n’est pas du tout ce que tu crois ! Ce n’est pas ma femme… enfin si, mais on ne vit plus ensemble et … Ah ben trop tard elle est sorti.

Il resta là, fixant les marches avec un regard légèrement écœuré en marmonnant d’une voix geignante.

- Ce n’est pas possible, je suis vraiment maudit.

C’est dans ce genre de moment qu’un nuage apparaît au-dessus de la victime de toute cette histoire. Mais bon, il se reprit bien vite et ne se donna même pas la peine de fixer Belka qui devait sûrement avoir pris son pied durant 15 secondes les plus longues de la vie de Kira. Le détective prit son paquet de cigarette et en sortit une en tapant en dessous d’un geste habitué avant de lâcher avec une irritation difficilement masqué.

- Bon ! Tu m’expliques ? C’est quoi ce cirque ?

Anastasia aurait pu s’offusquer quand Kira ouvrit la porte et lui lança de rentrer plutôt vers sa mère patrie, mais elle était beaucoup trop fière de la surprise qu’elle avait pu voir sur le visage de son mari. Franchement, elle regrettait presque de ne pas avoir planqué une caméra pour passer en boucle les images de sa tronche en la découvrant sur le pas de sa porte ! La Russe entra donc sans y être invitée dans l’appartement, lâchant sa valise pour commencer à regarder un peu partout autour d’elle. Et comme si le karma avait décidé de bien pourrir le pauvre Kira, ce fut au moment où Anastasia lui confia espérer ne pas le déranger qu’elle comprit qu’elle était effectivement arrivée au pire moment : une jeune femme était apparue juste après elle devant la porte d’entrée de l’appartement du détective. La Russe n’eut pas besoin de plus d’informations, comprenant aussitôt les tenants et aboutissants de cette histoire en voyant la scène se dérouler devant ses yeux : cette inconnue était très certainement une conquête potentielle de Kira ! Le bruit de la claque qui suivit résonna dans tout l’appartement, Anastasia se retenant vraiment très fort d’exploser de rire alors que son mari courait après la demoiselle en essayant de s’expliquer. Ce fut au moment où il revint dans l’appartement que la Russe laissa éclater franchement toute son hilarité.

« Oh mince ! Ce timing ! Je regrettais déjà de pas avoir mis une caméra cachée pour filmer la tronche que tu as faite en m’ouvrant la porte, mais je le regrette encore plus maintenant ! Mon pauvre chéri… Mais elle a raison, ce n’est pas bien de vouloir tromper sa femme ! »

Elle avait affiché un air faussement outré en disant ces derniers mots, mais son fou rire reprit bien vite le dessus, Anastasia devant passer son index sous ses yeux pour éviter que tout son maquillage ne coule à cause des larmes qui naissaient aux coins de ceux-ci.

« Je te dirais bien que je suis désolée, mais ça serait mentir ! C’était tellement improbable, je ne vais pas m’en remettre ! Tu y tenais vraiment à cette fille ? Non parce que bon, je veux bien être une ordure, mais j’peux bien faire un geste et lui expliquer qu’elle peut tout à fait avoir une aventure avec toi, même si tu es un homme marié, à condition que je sois là pour participer. On est censé tout partager après tout. »

Anastasia agita avec un grand sourire les doigts de sa main gauche devant son visage pour rappeler au pauvre Kira la présence de cette alliance à son annulaire, symbole de leur union.

La Russe parvint ensuite difficilement à calmer son fou rire, retirant quand même ses chaussures pour se plier aux règles de bienséance japonaises dans l’entrée, avant de s’assoir sans aucune gêne sur le canapé.

« Comme je te l’ai dit… Notre mariage est toujours d’actualité, donc ce qui est à toi est aussi à moi. Cet appartement, ton agence… »

Le sourire d’Anastasia s’étira, alors qu’elle fixait avec un air presque diabolique le pauvre Kira.

« Je ne fais que rentrer à la maison ! Tu ne vas quand même pas me mettre à la porte de chez moi, n’est-ce pas ? Je me demande si la police apprécierait de savoir que mon mari m’a sauvagement mise à la porte, tout ça pour pouvoir avoir des aventures avec d’autres femmes… »

La Russe, grande actrice, fit mine de jouer la femme éplorée, avant de pouffer.

« Ne t’inquiètes pas Shichimi, ce n’est que provisoire. Je viens juste de trouver un petit boulot, donc je n’ai besoin de squatter que le temps de mettre un peu d’argent de côté pour me prendre mon propre appartement. Alors ? Est-ce que tu as une chambre d’amis où je peux m’installer ? Ton canapé n’est pas très confortable et ça n’irait pas au teint d’un gentleman comme toi d’oser me faire dormir dessus. »

De toute façon, si Kira n’avait effectivement pas de chambre d’amis et qu’il l’obligeait à dormir sur ce vieux canapé, Anastasia savait déjà qu’elle se vengerait de la plus délicieuse des façons en venant squatter le lit de son mari, toujours sans aucune gêne ! Le pauvre détective n’était certainement pas au bout de ses peines !

Est-ce que toute vie avait abandonné le corps de Kira ? Totalement. Ce n’était pas la première fois qu’il se prenait une claque, mais celle-ci était particulièrement violente. Cependant, il ne se laissa pas gagner par la colère même lorsque Belka se mit à rire ouvertement sur sa situation, se moquant gratuitement de son malheur.

Le détective la laissa parler et se contenta de sortir une cigarette de son paquet pour l’allumer avec un geste habitué alors qu’elle lui expliquait que leur situation maritale lui permettait de venir s’installer ici… Kira grogna de mécontentement, mais n’était pas assez idiot pour contredire une vérité même si la façon de faire ne lui plaisait pas, à quoi bon tenter de se défendre tout en sachant qu’elle était malheureusement dans son droit.

Donc il la laissa jubiler en silence, écoutant calmement sa femme tout en lâchant d’une voix directe.

- Crois-moi, te mettre dehors là, tout de suite, me fait très envie. Mais tu as raison sur un point, techniquement, on est censé tout partager. J’en conviens dans la mesure où nous ne sommes pas officiellement divorcés. Je suis assez au courant des lois sur notre situation donc bienvenue à la maison, « Chérie ».

Il soupira, blasé par la situation et s’installa dans le canapé à côté de la femme tout en lui tendant une cigarette, qu’elle la prenne ou non ne changerait rien, mais c’était façon de lui faire comprendre qu’il ne lui en voulait pas alors qu’elle lui faisait comprendre qu’elle ne comptait pas dormir sur le canapé. Kira sourit doucement et avoua d’une voix amusée.

- Pourtant entre poltronne est sofa, vous êtes fait l’un pour l’autre, toi est ce canapé, aussi inconfortable l’une que l’autre. Oui, j’ai une chambre d’amis… Mais il y a un petit soucis.

Kira se leva et l’invita à le suivre jusqu’à la porte de la chambre d’Amis. L’appartement était composé d’un salon plutôt spacieux, d’un bureau pour permettre à Kira de travailler, d’une cuisine reliée au salon par un bar et de deux chambres, dont la plus grande pour lui. Il avait bien évidemment mis des meubles dans la seconde, mais avec le temps, elle avait fini par devenir une sorte de débarras faute d’être utilisé par quelqu’un. La plupart des dossiers mineurs que Kira avait gérés se trouvaient en divers tas ici et là dans la pièce. Chaque dossier comprenant son lot d’annexe suite à la recherche que le détective avait fait pour résoudre les enquêtes. Sauf que bon, la plupart étant aussi des enquêtes fait par pure charité, il n’avait pas pu les ranger avec les enquêtes importantes dans les casiers de son agence. Kira ouvrit donc la porte sur une chambre un petit peu en bordel et se contenta de rire en posant ses mains sur les épaules d’Anya.

- Eh bien voilà ! Bienvenu chez toi ! Je t’aurais bien aidé, mais je te rappelle que tu m’as donné du boulot de ton côté et que visiblement, j’ai beaucoup plus de temps libre grâce à toi ! Alors je vais me remettre sur ton dossier et te laissais prendre tes aises.

Il s’écarta l'heureux de voir la situation se retourner de façon aussi inattendue. Anya étant de dos par rapport à lui, il ne put malheureusement pas voir son visage. Mais il avoua avec amusement non masqué.

- Évidemment, rien n’est à jeter, je pense que tu peux tout rassembler dans un coin de la pièce, il y a des draps dans l’armoire, mais je suppose que je t’en passerais à moi pour ce soir une fois que le lit sera… ben disons accessible !

Kira ne se fit pas prier pour prendre la poudre d’escampette, mais en passant devant sa propre chambre, il eut un éclair de lucidité et ferma la porte à clé par précaution. Cette sale bête était bien capable de tout lui mettre de son côté après tout. Il rejoignit son bureau et s’installa derrière en se massant les tempes et lâcha à voix basse.

- Mais qu’est-ce que j’ai fait au monde pour mériter ça !?

Anastasia ne put vraiment pas s’empêcher de se moquer du pauvre Kira qui venait de se prendre une claque magistrale à cause d’un énorme malentendu. C’était triste pour lui, mais tellement hilarant ! La Russe ne s’était certainement pas attendue à une telle scène, s’amusant bien plus du mauvais timing que du malheur de son mari. Elle lui en voulait toujours beaucoup, mais la jeune femme n’était pas mauvaise au fond, et jamais elle ne pourrait souhaiter réellement le malheur de quelqu’un, même si elle y avait beaucoup pensé au moment où il avait décidé de disparaître de sa vie. Elle avait sincèrement de la peine pour lui, pour de vrai ! Même si elle s’amusa à enfoncer le clou en lui rappelant que leur situation maritale lui permettait de venir s’installer ici sans qu’il ne puisse s’y opposer. Ce grognement qu’il émit étira davantage les lèvres d’Anastasia, celle-ci attrapant sans hésiter une cigarette dans le paquet qu’il lui tendait. Elle attrapa le briquet dans la foulée, allumant son bâtonnet de nicotine pour le glisser entre ses lèvres. Ne jamais refuser quelque chose de gratuit !

« Laisse-moi deviner… Tu aimerais bien qu’on officialise notre divorce, maintenant que tu m’as sur le dos ? Après tout, ça risque de pas mal compliquer tes plans avec d’autres filles si elles apprennent que ta femme t’attend à la maison. »

Anastasia afficha à nouveau un sourire mauvais, avant de souffler la fumée de sa cigarette hors de ses poumons. Pauvre Kira… Même s’il voulait ardemment que leur divorce soit officiellement prononcé, il était hors de question pour la Russe de signer ces papiers ! Du moins, pas tant qu’elle pourrait profiter de la situation ! Elle plissa toutefois les yeux aux mots du détective, ne préférant rien répliquer quand il fit la comparaison entre le canapé et elle. Qu’il fanfaronne autant qu’il le souhaitait, la Russe trouverait bien un moyen de lui rabattre son caquet !

Quoi qu’il en soit, après avoir écrasé son mégot dans le cendrier le plus proche, Anastasia ne se fit pas prier pour suivre Kira jusqu’à cette fameuse chambre d’amis en trainant sa valise derrière elle. Quelle ne fut alors pas sa surprise de découvrir que cette pièce était en réalité le débarras du Japonais ! C’était un bordel sans nom et le lit n’était même pas accessible, ni même visible ! La Russe se figea et resta interdite en fixant les diverses piles de papiers qui menaçaient de s’écrouler au moindre courant d’air. La surprise laissa ensuite place à l’agacement, ses doigts se serrant un peu trop fort sur la poignée de sa valise alors que la voix amusée de Kira parvenait jusqu’à son oreille, tel un vilain lutin qui se serait trouvé sur son épaule.

Le détective décampa ensuite aussi vite qu’il le put, laissant une Anastasia sur le pas de sa chambre en pleine séance de canalisation de ses sentiments. Elle avait envie de casser quelque chose ou de faire la pire crasse de l’univers à Kira pour son sale coup ! Se tournant vivement vers la porte qui devait être celle de sa chambre, la Russe n’hésita pas une seule seconde et traîna sa valise jusqu’à celle-ci, bien décidée à s’installer dans la chambre de Kira et le mettre à la porte par la même occasion. Ce n’était certainement pas à elle de ranger son foutoir ! Sauf que le détective l’avait devancée et avait fermé la porte à clé… Un flot continu de jurons, lancés dans sa langue natale, passèrent donc les lèvres de la jeune femme qui dut se résoudre à retourner dans sa « chambre » en traînant sa valise derrière elle, ne se privant pas pour claquer la porte aussi fort qu’elle le put pour montrer à Kira tout son mécontentement.

« Mudak… Il m’a prise pour sa secrétaire ou quoi ? »

Anastasia grogna et soupira profondément, avant de laisser son regard azur détailler à nouveau la pièce. Le pire, c’était qu’elle ne pouvait pas nier qu’il avait sacrément bien joué son coup. Il l’avait piégée en beauté, et, si elle voulait vraiment éviter d’avoir à dormir sur le canapé, il allait bien falloir qu’elle se mette au travail…

« Qu’est-ce que c’est que tout ça en plus ? Il n’a vraiment que ça à faire, de prendre des affaires gratuitement ? Qu’il ne me sorte pas qu’il accepte mon affaire gracieusement pour se faire pardonner si après il me piège pour faire son ménage ! »

Un nouveau soupir passa les lèvres de la Russe qui finit par se retrousser les manches et commencer à faire du tri. Sérieusement… Il avait empilé ça n’importe comment ! Il ne pouvait pas embaucher quelqu’un pour s’occuper de ça, plutôt que de piéger sa pauvre femme qui n’avait fait que chercher un toit à se mettre au-dessus de la tête pour la nuit ? Anastasia le maudit du plus profond de son être, même si une part d’elle ne pouvait s’empêcher d’admirer son dévouement pour les autres. Kira n’avait pas changé, il était toujours aussi gentil malgré son caractère de sale gosse. Et elle, en comparaison ? La Russe s’était tellement refermée sur elle-même qu’elle avait abandonné toute envie de se lier ou de se préoccuper des autres… Si Kira était resté le même, Anastasia avait, elle, diamétralement changé, et pas pour le meilleur…

Quoi qu’il en soit, après deux bonnes heures à essayer d’y voir un peu plus clair, Anastasia constata qu’elle n’avait absolument rien rangé, le lit étant toujours aussi inaccessible. Malgré tout, la Russe avait pris la tâche très au sérieux et avait commencé à réorganiser la majorité des piles de papiers. On aurait donc pu croire, au premier coup d’œil, qu’elle n’avait absolument rien fait, mais le travail avait bien été effectué ! Il ne restait plus qu’à dégager tous ces documents du sol et des autres meubles présents dans la pièce ! Mais Anastasia jugeait qu’elle en avait déjà bien assez fait, surtout que son estomac commençait à crier famine. Elle sortit donc de sa « chambre » et se dirigea vers la cuisine, ouvrant le frigo sans aucune gêne ni permission de la part de Kira. Elle inspecta les divers aliments présents, soupirant en se disant qu’il faudrait sérieusement aller faire des courses, puis elle commença à préparer le repas. Elle aurait pu jouer les égoïstes en ne se préparant qu’une portion pour elle, mais puisqu’elle avait appuyé sur le fait qu’ils étaient encore mariés et que Kira avait quand même été sympa de ne pas la mettre dehors, Anastasia se dit que c’était un moindre mal. Elle ne comptait toutefois pas le prévenir que le dîner était prêt, pas vraiment à l’aise avec l’idée de jouer à nouveau les parfaites femmes mariées.