Dentelle, broderie, tulle, satin ou organza ? |PV Eiji|

Depuis qu’elle était devenue mannequin à temps complet, Purificación avait bien plus de temps libre pour penser à elle. Les cours arrivaient parfois à lui manquer, elle ne pouvait le nier, mais elle comblait souvent ce manque par la lecture d’ouvrages sur la psychologie, simplement pour ne pas finir par perdre des connaissances qui pourraient se révéler nécessaires dès lors qu’elle arrêtait le mannequinat pour se lancer à corps perdu dans la psychologie pour enfants. Résultat, aujourd’hui était une journée libre pour l’Espagnole. Elle devait profiter à fond de ce samedi parce qu’elle savait que le weekend suivant, elle devrait monter dans un avion pour partir faire un défilé à Paris. En effet, depuis la fin de ses études, la demoiselle était bien plus sollicitée à l’étranger. Ça ne la gênait pas trop de voyager, mais Purificación devait avouer que ça lui faisait de plus en plus mal au cœur de devoir partir loin de son petit cocon à Kumoru…

L’Espagnole n’avait pas voulu mettre de réveil le matin-même, ce qui lui valut d’émerger à midi passé, grognant en voyant le soleil trop présent dans la pièce pour ses petits yeux juste ouverts. Purificación mit près de 30 minutes à assembler tout son courage pour se lever, filant à la salle de bains pour se doucher, se préparer et se réveiller un peu plus. Chose faite, elle enfila un jean slim de couleur kaki, surmonté d’une chemise légère aux imprimés fleuris qui cachaient bien l’ensemble de ses bras. Attrapant des chaussures d’un magnifique orange foncé et aux talons de près de 10 centimètres de haut, l’Espagnole prit ensuite son sac à main noir, enfila une veste bien chaude de la même couleur et secoua sa chevelure ébène pour qu’elle retombe bien sur son dos sans être prise sous ses vêtements. Bien maquillée, comme à son habitude, Purificación entreprit alors d’aller se manger un petit en-cas en ville. Elle avait bien souvent la flemme de se préparer à manger quand elle était toute seule et il faisait beau, alors elle avait envie d’en profiter.

Ses lunettes de soleil sur le nez et ses talons claquant à chacun de ses pas, l’Espagnole profitait des rayons du soleil qui caressaient sa peau tout en marchant. Si son ventre ne l’avait pas rappelée à l’ordre, elle aurait sans doute continué à flâner un long moment comme ça, dans la rue, sans aucun but précis. Purificación s’arrêta donc dans… un McDo. Oui, oui, un McDo. Elle avait beau être mannequin, elle ne prenait pas un gramme quoi qu’elle puisse manger et elle aimait ce qui était gras et pas du tout diététique. Il fallait aussi dire que son estomac et son appétit étant plus que petits, ça aidait aussi pas mal à rester svelte. D’ailleurs, c’était même rageant quand on était aussi gourmande que l’Espagnole, qui se retrouvait toujours frustrée de ne pas pouvoir finir son assiette, et encore plus quand il s’agissait d’un bon dessert. Quelques nuggets, des frites, et la jeune femme sortit après seulement une demi-heure du restaurant rapide, son frappé aux fruits rouges dans les mains, le sirotant tranquillement pendant qu’elle flânait à nouveau. Bon... Et maintenant ? Elle était rassasiée jusqu’au soir et elle n’avait rien de spécial à faire…

Ce fut en s’arrêtant devant la vitrine d’une boutique de sous-vêtements, sirotant bruyamment la fin de son frappé, que Purificación eut l’idée du siècle : ça faisait longtemps qu’elle ne s’était pas fait une virée shopping ! Il fallait dire qu’avec son boulot, elle pouvait récupérer tous les vêtements, chaussures et accessoires qu’elle voulait, mais elle aimait bien pouvoir choisir elle-même dans les rayons et essayer en cabine. Et le plus gros pêché mignon de l’Espagnole, après les chaussures, c’étaient les sous-vêtements ! Elle en avait des tiroirs remplis chez elle, mais elle ne se lassait jamais d’acheter de nouveaux ensembles. Purificación aimait être belle, mais elle aimait encore plus être sexy et désirable avec de beaux sous-vêtements. Le sourire aux lèvres, l’Espagnole fit donc demi-tour et se dirigea vers le grand centre commercial en centre-ville. Elle n’était pas du genre à aimer dépenser son argent, sans doute des restes de sa vie modeste en Espagne, mais quand il s’agissait de vêtements… On ne l’arrêtait plus !

Plutôt que d’opter pour une boutique spécialisée qui serait envahie de greluches qui piailleraient dans ses oreilles à cause de l’étroitesse du lieu, Purificación opta pour un magasin de vêtements assez généraliste, mais qui avait tout un rayon de lingerie féminine, allant du classique au bien plus sexy. Remontant ses lunettes de soleil sur le sommet de sa tête pour mieux voir les articles, l’Espagnole commença à fouiner dans les divers articles proposés. De la dentelle, des rubans, des lacets… Il y avait vraiment de tout, et si Purificación s’écoutait, elle dévaliserait certainement le rayon sans même prendre le temps de passer par la case essayage. Mais il fallait qu’elle soit raisonnable. 3 ensembles, ça serait suffisant. Ou peut-être un ou deux, ou même trois de plus si elle craquait. Ses doigts parfaitement manucurés se saisirent finalement d’un ensemble 3 pièces noir, avec de la dentelle rouge bordeaux. Ses yeux sombres détaillèrent le soutien-gorge, le string et le porte-jarretelle avec professionnalisme, se demandant si ça pourrait lui aller.

Complètement dans sa bulle, hésitant avec un autre modèle plus clair, Purificación ne vit pas du tout que quelqu’un s’approchait d’elle, bien trop occupée à fixer les deux modèles, les posant tour à tour sur elle, par-dessus ses vêtements, comme si ça pouvait lui donner une meilleure idée de ce qu’elle voulait. Le plus simple serait de repartir avec les deux, mais ce n’était vraiment pas raisonnable…

Le weekend c'était toujours son moment préféré de la semaine. Là, Eiji avait enfin le temps de faire sa vie tranquillement. Alors on aurait pu dire qu'il avait une routine à suivre... mais non. Sorti de sa garde-robe de semaine, Eiji ne donnait pas trop dans le cliché du comptable. Son appartement n'avait ni queue ni tête. Chaque surface plane étant recouverte de mangas, de dessins en cours, ou même d'éléments de maquette en cours de montage. Sur le frigo étaient aimantés tout un paquet de facture à payer et de listes de choses à faire. Le tout avait l'air désordonné, pourtant l'appartement était propre et les factures toujours payées à l'heure. Simplement, ranger n'était pas le fort d'Eiji. Et puis pourquoi s'embêter ? De cette façon il avait toujours tout sous la main ! C'était bien la preuve que ça marchait ! Et puis il faisait bien assez d'efforts pour être ordonné et propre et tout carré au boulot. Alors s'il fallait aussi qu'il fasse ça chez lui !

Ce samedi, Eiji émerge donc vers 11h. Comme souvent, son premier réflexe est d'aller saluer Gengis l'iguane, occupé à se pavaner tranquillement au soleil qui donne pile sur son terrarium. Le vue du reptile a toujours le don de lui donner le sourire. Il lui donne à manger et lui raconte deux trois trucs. Il ne sait pas vraiment si l'iguane comprend ce qu'il lui dit mais ça n'a pas grande importance. Tiens d'ailleurs, il faudrait qu'il mange lui aussi, il a faim.

Mais le terrarium est dans le "bureau". Bureau qui est en fait une salle remplie de maquette. Plus exactement, une immense maquette à échelle humaine d'un monde imaginaire sur lequel il travaille depuis l'adolescence. Aujourd'hui, la pièce recèle un monde entier qu'il a fabriqué de A à Z. Hier soir, il s'était lancé dans la construction de l'école de magie. Le temps avait passé et avant qu'il ait le temps de s'en rendre compte, il était 3h du matin. Ce qui expliquait l'horaire décalée... et voilà, à peine vue la tour qu'il avait commencé à assembler la veille, qu'il a aussitôt oublié sa faim pour s'y remettre. Il faudra attendre que le facteur sonne à sa porte vers 13h30 pour qu'il lève son nez et sorte de là. Livraison de la nourriture de Gengis ! Parfait. Il pose le carton sur la table de la cuisine et se décide enfin pour aller au frigo noter la prochaine date où il faudra qu'il fasse le plein. Il allait aussi en profiter pour acheter à manger. Sauf que... le calendrier lui signale que demain, ses deux mères viennent manger à l'appartement. Panique ! Parce que les placards ne sont pas forcément très très pleins... Son mochi à moitié mangé dans la bouche, il se précipite dans sa chambre pour se changer... un jean, un tshirt Doctor Who, et une veste à capuche.Passage rapide par la salle de bain, brossage de dents... bon les cheveux il laisse tomber. Il sait d'avance que ça ne sert pas à grand chose de se battre avec... il enfile ses tennis et direction le centre commercial.

Il lui faut un moment pour se rendre compte qu'il fait froid. Et pour cause : il n'a pas de blouson. Ça fait une semaine qu'il l'a oublié dans le bus. Il s'en rappelle maintenant alors qu'il remonte la fermeture de son sweat et son écharpe sur son nez. Une semaine et toujours pas de nouvelle de la gestion des bus... il peut s'assoir dessus. Un détour par une boutique de vêtement semble obligé ! Soupir... acheter des vêtements ce n'est pas vraiment ce qu'il préfère faire. Il est très heureux d'attraper la première chose qu'il trouve. Sauf que quand il faut il faut !

Eiji rentre donc dans la première boutique de vêtement qu'il trouve. Pas trop de monde. Alors qu'il commence à fouiller, son regard est attiré par un effet de lumière étrange, mais très joli. La devanture du centre est couverte de panneaux de couleurs, et alors que le soleil passe à travers les vitres, des tâches de couleur apparaissent ici et là sur les vêtements. Tout absorbé qu'il est à suivre les tâches de lumière colorée, notre comptable ne fait pas vraiment attention à ce qui l'entoure... jusqu'à percuter une jeune femme en train de faire son shopping.

"Oh ! Toutes mes excuses vraiment... je ne faisais pas attention... Ça va je ne vous ai fait pas fait mal ?"

Décidément... en plus il se rend compte seulement maintenant d'où il a atterri : rayon sous-vêtements féminins. Oups. Eiji préfère en rire pour s'excuser.

"Promis je ne suis pas un pervers ! J'avais juste le nez en l'air. Vous avez vu les lumières ? C'était trop joli... enfin je suis vraiment désolé, je vous dérange en plein choix ! J'étais venu acheter un blouson mais je crois que je suis un peu loin du but visé je crois... Je ne vais jamais trouvé ma taille ici."

Purificación fut tirée de son dilemme intérieur par un choc qui la déstabilisa et manqua de lui faire lâcher un des ensembles qu’elle avait dans les mains. Elle fit un pas, puis deux, pour se rattraper, ses talons claquant sur le sol de la boutique tandis que ses sourcils se fronçaient. Elle se redressa et se tourna vivement vers le coupable qui s’excusa en lui demandant si tout allait bien, avant de bien vite s’expliquer sur sa présence ici. L’Espagnole l’écouta sans rien dire, détaillant du regard et sans aucune gêne le jeune homme qui se tenait devant elle, ainsi que son style vestimentaire. Mouais… On était bien loin de la grande classe, ce type avait plutôt l’air d’un geek un peu dans la lune, en témoignait l’air léger qu’il prenait après s’être rendu compte que ses pas l’avaient mené malgré lui dans le rayon des sous-vêtements pour femmes. Purificación aurait pu s’énerver et tempêter contre cet inconnu en lui intimant de regarder devant lui, mais, contre toute attente, un pouffement passa ses lèvres.

« Effectivement… Je pense que vous pourriez trouver quelques articles à votre taille, mais je ne suis pas certaine qu’ils vous offriront autant de protection contre le froid qu’un vrai manteau. »

Non, Purificación n’avait pas envie de s’énerver, pas aujourd’hui. Pas avec ces deux sublimes ensembles dans les mains. Par contre, comme l’Espagnole avait décidé de ne pas pourrir ce pauvre inconnu pour sa maladresse… Il lui en devait une !

« Heureusement que j’ai un minimum de réflexes et que je tiens plutôt bien sur mes talons, j’ai réussi à éviter un beau vol plané à cause de votre maladresse. Par contre, ce n’est pas pour autant que je vais vous pardonner. Tenez, rendez-vous utile ! »

Purificación posa ses mains sur les épaules de l’inconnu pour le placer bien droit devant elle, puis elle fit quelques pas en arrière, positionnant le premier ensemble devant elle en fixant son interlocuteur.

« Alors ? Selon vous, lequel m’irait le mieux ? Attention, si jamais vous me conseillez mal, je me verrai dans l’obligation de signaler au personnel du magasin qu’un pervers, qui ne prétend pas en être un, rôde dans les allées de lingerie féminine ! »

L’Espagnole sentit un petit sourire malicieux étirer ses lèvres, alors qu’elle plaçait tour à tour les deux ensembles devant elle pour que l’homme lui donne son avis. Bon, et comme Purificación était de plutôt bonne humeur…

« Dans ma grande mansuétude, si jamais vous me conseillez bien, j’accepte de vous aider à trouver ce fameux manteau que vous êtes venu chercher. Cela vous convient-il ? »

En tout cas, vu la manière dont il lui avait parlé, Purificación avait comme dans l’idée que ce type ne la connaissait pas, ce qui avait pour effet de grandement lui faire relâcher la pression. Si elle s’était retrouvée face à quelqu’un qui l’avait reconnue, nul doute qu’elle n’aurait pas été aussi agréable !

À force d'avoir le nez en l'air et de ne pas faire attention, l'inévitable s'était produit, et voilà qu'Eiji avait percuté quelqu'un. Le jeune homme s'en était voulu, d'autant que la jeune femme avait failli tomber... enfin, failli tomber... elle avait fait une espèce de danse étrange avant de se retrouver son équilibre sur ses talons. Pour le coup, Eiji était presque impressionné ! C'était une sorte de talent non ? Du coup il lui fallu quelques secondes avant de se reprendre et de s'excuser correctement. Au moins, la jeune femme avait l'air plus amusé qu'autre chose, alors même qu'il avait failli la faire tomber ! Puis elle avait l'air drôle.

"Non c'est vrai. Je crois qu'à part me faire un cache-nez ça sera compliqué. Mais là pour le coup, on me croira encore moins quand j'expliquerai que je ne suis pas un pervers..."

Un ami lui avait montré cette histoire de héro avec une culotte de collégienne sur la tête comme costume... il avait trouvé ça ... étrange. Et pour le coup il n'était pas sûr d'avoir bien compris l'intérêt. D'un point de vue pragmatique, oui, clairement, il aurait toujours aussi froid s'il se contentait des articles de ce rayon.

"Oh oui d'ailleurs c'était très impressionnant comment vous vous êtes rattrapée sur vos talons ! Vous êtes vraiment une experte... vous vous entraînez ???"

La question était très sérieuse. Eiji avait été sincèrement impressionné. En vrai, quand on regardait bien, il y avait plein de choses absolument incroyables dans la vie qui nous entourait, et les gens eux-mêmes étaient plein de richesses et de petits trésors insoupçonnés. Marcher sur des talons ça n'avait peut-être l'air de rien, mais lui il en serait bien incapable. OR ! non seulement la jeune femme en était capable, mais elle avait effectivement eu des réflexes impressionnants ! Alors oui, il était impressionné...

Par contre il eut un regard interloqué quand elle le déplaça pour le positionner comme elle le souhaitait. Pour un peu, on pouvait voir les points d'interrogation autour du visage d'Eiji avant qu'elle ne lui explique. Évidemment, quand elle le menace de prévenir la vendeuse, le comptable la prend au sérieux et n'y voit pas du tout une blague. En plus bon, elle a raison, techniquement, il lui doit bien ça. Il l'a dérangé dans sa journée, il a failli la faire tomber, et si ça se trouve il lui a vraiment fait peur.

"Oui c'est un bon deal !"

Pas qu'il ait spécialement besoin d'aide. Un blouson ça doit être confortable et chaud. Mais si ça lui fait plaisir et que ça peut aider à améliorer les choses, il veut bien se prêter au jeu. Eiji se concentre donc fort fort fort pour essayer de trouver la meilleure tenue. Il détaille rapidement la jeune femme, puis les deux ensembles qu'elle tient dans chaque main. Certes, il constate bien que c'est une très belle femme, mais pour le reste, il n'est pas en train de se faire des films en l'imaginant nue... Non, elle lui a posé une question importante, alors il faut rester concentré. Même si c'est un peu curieux de demander ça à un inconnu... il préfère prendre ça comme une preuve de confiance ! et il se sent un peu honoré, alors il veut lui répondre du mieux possible !

"Je pense que les couleurs de celui de droite vous irait mieux, ça devrait faire un très bel effet avec vos cheveux. Mais la forme de celui de gauche mettre vos formes plus en valeur. Alors j'imagine que ça dépend ce que vous voulez privilégier. Ou alors peut-être que vous aviez vu autre chose qui pourrait réunir ces deux éléments ?"

Il regarde rapidement autour, justement pour voir si un autre modèle pourrait réunir ces deux critères. Eiji en avise finalement un qui lui semblerait pas mal.

"Peut-être quelque chose comme ça ? Ça reste proche du style que vous aimez et le rapport forme / couleur me semble plus idéal... mais ce n'est pas la même matière je crois... je ne sais pas si vous aviez des préférences là dessus ?"

Purificación avait préféré s’amuser de la situation plutôt que de s’énerver comme elle savait si bien le faire, mais elle avait été à des lieues de s’imaginer que le jeune homme face à elle serait un tel phénomène ! Si ses premiers mots sur le cache-nez firent pouffer l’Espagnole, elle ne put toutefois pas retenir un rire franc quand il lui demanda avec le plus grand sérieux du monde si elle s’entraînait pour avoir aussi bien réussi à se rattraper avec ses talons. Bon, elle en était maintenant quasiment sûre : cet inconnu ne la connaissait absolument pas, et c’était tant mieux !

« Évidemment ! Ce que vous avez vu là est une parfaite démonstration de trèèès longues années d’entraînement ! Pour vous dire, je ne marche presque plus avec des chaussures plates tant mes chaussures à talons sont devenues comme un prolongement de moi-même ! Si ça vous impressionne tant que ça, je pourrais vous donner quelques tuyaux pour que vous vous y essayiez, vous aussi ! Bon, par contre, évitez de le faire avec un cache-nez récupéré dans ce rayon… Je pense que vous finiriez assez rapidement au poste de police sinon. »

Purificación pouffa et passa brièvement son index sous ses yeux pour en chasser les larmes naissantes d’hilarité qui y étaient apparues. Ce serait quand même dommage de faire couler tout son maquillage maintenant, parce qu’elle avait comme dans l’idée que cet homme ne cesserait de la surprendre et de l’amuser s’ils restaient encore un peu ensemble à discuter.

Et histoire d’avoir justement d’autres occasions de s’amuser, Purificación proposa à l’homme de l’aider à se choisir un manteau si lui l’aidait à choisir entre les deux ensembles qu’elle tenait entre les mains, appuyant bien sur le fait qu’il lui devait bien ça pour l’avoir bousculée. Et le pire dans tout ça, c’était que l’inconnu se prêta vraiment au jeu ! Il lui fit part de critiques très constructives, laissant une mannequin interdite avec ses deux cintres entre les doigts pendant qu’il lui présentait un autre ensemble. Mais c’était qu’il avait l’œil en plus ! Et mieux encore, il avait fait tout ça avec un réel professionnalisme là où beaucoup d’autres auraient profité de la situation pour tenter de la séduire ou insinuer des choses on ne peut plus graveleuses. Non, vraiment, Purificación était surprise, ses grands yeux sombres se posant sur son interlocuteur pour le fixer alors qu’elle restait silencieuse. Il lui fallut quelques secondes pour revenir sur Terre, reposant les deux ensembles qu’elle avait encore dans les mains sur le rayon le plus proche pour se saisir délicatement de celui que l’homme lui présentait.

« Eh bien… Vous avez l’œil ! Il est effectivement parfait au niveau de la couleur et de la forme, et la matière est agréable au toucher… Dites-moi, c’est indiscret de vous demander ce que vous faites dans la vie ? »

Purificación le fixa avec curiosité, se demandant s’il était possible que cet homme puisse travailler, comme elle, dans le monde de la mode.

« En tout cas, vous avez plus qu’honoré votre part du marché, cet ensemble est effectivement magnifique ! Je le garde avec moi pour passer à la caisse une fois que nous aurons trouvé votre manteau. »

Purificación lui offrit un beau sourire, rangeant les deux autres ensembles pour garder uniquement celui choisi par son interlocuteur. Elle releva ensuite les yeux pour chercher du regard le rayon qui les intéressait, pointant une direction du doigt.

« Je pense que ce que vous cherchez se trouve par là-bas. Vous êtes prêt à y aller, ou est-ce que vous songez vraiment à vous choisir un cache-nez en organza ? En tout cas, je le redis, mais je suis très surprise de voir à quel point vous avez eu l’œil, je suis persuadée que n’importe quel employé de cette boutique ne m’aurait pas aussi bien conseillée que vous ! »

Eiji écoute avec le plus grand sérieux et la plus grande attention les explications de la jeune femme sur son talent en talons. Il le savait ! Bien sûr qu'il fallait s'entraîner ! Roooh, ça avait dû lui en prendre du temps et de la dévotion pour en arriver à un niveau pareil ! Bien sûr, il entend bien qu'elle rigole, mais pour lui, c'est sans doute plus qu'elle rit de la situation. C'est vrai que toute cette situation est légèrement absurde, il y a de quoi rire ! C'est un rire de bonne humeur, en plus c'est contagieux. Il rigole aussi, finalement cet étrange incident ne tourne pas si mal.

"Je le savais ! Ça a dû vous demander tellement de temps et d'énergie ! Je suis tout admiratif. Bravo à vous. Pourquoi pas pour les conseils, même si je ne sais pas si j'aurais trop l'occasion de porter des talons... même sans cache-nez de ce rayon d'ailleurs ! Il faudrait déjà que j'arrive à en trouver à ma taille... et j'aurais tellement peur de m'emmêler les jambes ! Je ne saurai pas comment faire pour me dépatouiller de ça..."

Même s'ils faisaient tous les deux la même taille, ils n'avaient pas tout à fait la même carrure... Mais après, peut-être qu'avec ses précieux conseils, il arriverait à faire quelque chose ! Après tout, il ne fallait jamais dire non à une opportunité d'apprendre quelque chose de nouveau !

Elle décréta ensuite qu'il devait l'aider à choisir un ensemble pour se faire pardonner de l'avoir bousculé. Et s'il y arrivait, elle l'aiderait en retour. Pas qu'il ait spécialement besoin d'aide, les vêtements c'était fait pour être pratique... mais après tout, c'était un bon deal ! Eiji aimait bien l'idée de faire un échange comme ça... et puis peut-être que ça ne lui ferait pas de mal pour une fois d'aller un peu plus loin que juste la première chose dans laquelle il rentre ! Le comptable se plie donc à l'exercice avec le plus grand sérieux possible. Tentant d'essayer de comprendre ce qui a plu à la jeune femme dans les deux modèles qu'elle a choisis, et de visualiser ce qui pourrait le mieux lui convenir... Et finalement, Eiji avait choisi de sortir du choix qu'elle avait fait pour prendre le risque de lui proposer autre chose. C'était un petit risque parce qu'elle avait l'air sûre d'elle et de ses goûts, mais il préférait tenter, parce qu'il croyait sincèrement qu'il avait trouvé une réponse qui pourrait lui plaire ! Son visage s'illumina quand elle confirma son choix. Ha ! Il ne s'était pas trompé ! Il était bigrement fier de lui ! Par contre il fût complètement surpris par sa question. Qu'est-ce que ça venait faire dans l'histoire ? Un peu surpris, il lui répondit donc.

"Ha non, bien sûr que non. Mon métier n'est pas vraiment un secret d'état... pas vraiment intéressant non plus d'ailleurs ceci dit ! Je suis comptable."

Eiji ne comprenait pas très bien pourquoi ça pouvait l'intéresser... mais après tout, vu comment cette conversation avait démarré, il y avait plus bizarre comme question. De toute façon, il n'était pas forcément très doué pour reconnaître le bizarre quand il se présentait à lui. Elle avait sans doute ses raisons après tout !

"Et bien je suis vraiment content que ça vous plaise alors ! Content d'avoir pu honorer ma part du marché."

Sans trop savoir pourquoi, il est touché par le compliment. Il avait simplement fait de son mieux, et ça le ravissait sincèrement de voir qu'il avait visé juste et que ça rendait la jeune femme heureuse. C'était toujours agréable de pouvoir faire quelque chose de bien pour quelqu'un ! Blouson ou pas, ce moment allait illuminer sa journée.

"Peut-être pas à ce point là ! Mais si vous êtes contente, c'est le principal alors. Vous allez faire des étincelles ! Et je pense que je peux parfaitement me passer de cache-nez... je pense que je vais continuer de le cacher dans mon écharpe tout simplement. Donc je dirais qu'on peut directement se diriger vers le bon rayon !"

Et cette fois-ci pour de vrai, et sans se laisser déconcentrer... De toute façon, si ça devait arriver, nul doute que la jeune femme le rappellerait à l'ordre... Mais non, il arrive bien au rayon des blousons, regardant dépité les choix offerts. Grimaçant un peu, il se retrouve vers elle.

"Comment vous faîtes vous pour choisir ? Moi je ne sais jamais comment faire, je finis en général par piocher des choses au hasard et si je ne suis pas trop mal dedans ça va. Mais peut-être qu'il y a des meilleures façons de faire. Comme vous vous y prenez ?"

« Il ne faut jamais dire jamais vous savez ! Il suffit parfois d’un défi lancé ou d’une opportunité soudaine pour que vous vous retrouviez à gérer des situations que vous n’auriez même pas imaginées ! Alors, certes, vous n’irez sans doute jamais préciser sur votre CV que vous avez un certain talent pour la marche en talons, mais, qui sait, ça pourrait peut-être vous être utile un jour ! Alors si je peux vous donner un coup de main avec mon expérience d’une dizaine d’années dans le domaine, n’hésitez pas ! »

Surtout que, en vrai, donner des cours de marche en talons à cet inconnu l’amusait déjà beaucoup et Purificación avait comme dans l’idée qu’elle pourrait, à nouveau, être agréablement surprise ! Le comptable venait en effet de la laisser interdite en la conseillant à merveille et en l’aiguillant sur un tout autre choix d’ensemble. L’Espagnole n’en revenait pas… Ce type était-il vraiment comptable ? Il avait loupé sa vocation !

« Eh bien… Je dois avouer que vous venez à nouveau de me surprendre… Je me fie certainement à des clichés, mais je ne pensais pas que les comptables pouvaient être d’aussi bons conseillers en matière de mode ! Mais… Ce n’est pas un métier qui vous plaît ? Vous avez dit qu’il n’était pas très intéressant… »

La curiosité de Purificación était piquée à vif, la mannequin gardant finalement l’ensemble choisi par son interlocuteur dans les mains tout en détaillant celui-ci du regard. Elle essayait d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler son quotidien dans son bureau de comptable... C’était certes un métier qui ne vendait absolument pas de rêve à l’Espagnole, bien plus attirée par les paillettes, mais il fallait bien des gens pour chaque profession !

Quoi qu’il en soit, Purificación pouffa aux mots du jeune homme. Elle allait faire des étincelles, hein ? C’était parfait, puisqu’il s’agissait de son objectif ! Cet ensemble, elle l’achetait évidemment pour elle-même, mais aussi pour ravir les yeux de son petit-ami. Elle éviterait peut-être toutefois de lui raconter que c’était un parfait inconnu qui lui avait conseillé de l’acheter !

Les deux jeunes gens partirent donc ensuite en direction du rayon des blousons, Purificación ne perdant pas une seconde de plus pour commencer à fouiller parmi les différents articles, les analysant de son regard professionnel. Elle fut toutefois coupée dans son élan par le comptable qui lui demanda comment elle s’y prenait pour choisir. L’Espagnole se redressa et attrapa un manteau pour illustrer ses dires.

« Eh bien… Le fait de se sentir à l’aise dans un vêtement est sans doute la chose la plus importante à prendre en compte, mais il faut aussi que vous ayez un coup de cœur ! Si vous choisissez un article au hasard, vous finirez forcément par vous lasser et arrêter de le porter, alors que si vous en choisissez un qui a une coupe ou une couleur qui vous plaisent tout particulièrement, vous ne l’oublierez jamais au fond d’un placard et vous serez même ravi de le porter plutôt que de simplement le mettre par commodité ! »

Purificación attrapa un autre manteau, son regard sombre allant de son interlocuteur aux deux articles qu’elle tenait entre les mains, une petite moue pleine de réflexion déformant ses lèvres.

« Bon, après, comme je travaille justement dans la mode, j’ai sans doute un œil un peu trop critique et ce n’est pas forcément le mieux pour choisir un vêtement. Je fonctionne un peu plus à la raison qu’au coup de cœur. Je fais par exemple attention à la matière, je vérifie les coutures… Non, je pense que le meilleur conseil que je peux vous donner, c’est de choisir un blouson qui vous plait et qui reflète la personne que vous êtes ! »

Purificación offrit un grand sourire à son interlocuteur et sortit deux autres manteaux qu’elle lui montra en se postant face à lui. Chacun avait un style, une coupe, une matière et une couleur différente.

« Je ne vous connais pas encore bien, mais je pense qu’un blouson coloré et d’un style détendu vous irait mieux qu’un manteau sombre et bien cintré. Quelque chose qui ferait parfaitement ressortir votre côté rafraîchissant ! Dites-moi… Quel est le blouson que vous préférez parmi ces quatre ? Ah, et est-ce que vous avez des passions ? Des choses qui vous mettent particulièrement de bonne humeur ? »

Ces questions pouvaient paraître un peu étranges, mais Purificación était persuadée qu’en en apprenant plus sur ce comptable absolument pas banal, elle pourrait mieux le conseiller !

Non c'est sûr que pour un comptable, savoir marcher en talon, ça n'allait pas lui servir à grand chose. Ce serait même le contraire d'ailleurs ! Plus personne ne le prendrait au sérieux ! Enfin... techniquement, il y avait déjà beaucoup de gens qui ne le prenaient pas au sérieux, simplement, aussi moqueurs soient ses collègues, ils étaient bien obligés de reconnaître qu'Eiji était compétent ! Mais bon il y avait des limites, s'il arrivait en talons hauts au bureau... encore que, ce serait quand même impressionnant un peu non ?

"Vous avez raison ! Et puis on apprend jamais trop de choses dans la vie non ?"

Chassez le naturel il revient au galop... Eiji n'avait toujours eu qu'une maîtrise très limitée des apparences à sauver, et une faible capacité à dire non. Ou à se rendre compte de la réalité des choses. Comme de ce que ça voulait dire d'être comptable. Il était doué avec les chiffres, n'avait pas très envie de rester à l'école longtemps. On lui avait promis des études courtes et qu'il aurait vite du travail. Et là dessus on ne lui avait pas menti ! Sa mère lui avait appris l'importance de ne dépendre de personne, alors il s'était assuré de pouvoir se débrouiller seul. Mais maintenant... il soupira.

"Non pas vraiment... je n'étais pas forcément très bon à l'école, sauf en math ça ne m'intéressait pas beaucoup et je voulais pouvoir travailler vite. On m'a conseillé de faire ça et j'ai trouvé que c'était une bonne idée sur le moment. Mais comment dire... c'est un métier qui manque cruellement de poésie on va dire. Je suis doué pour le faire mais c'est ennuyeux à mourir. Des chiffres qui deviennent des nombres plus gros qui se répartissent dans des colonnes pour devenir plus gros ou plus petits... C'est limité ! Et pas très imaginatif. Enfin, pas une imagination très poétique."

Il ne savait pas vraiment s'il était très clair. En général soit les gens lui répondaient que c'était l'évidence même et qu'il fallait être bête pour ne pas y avoir pensé plus tôt, soit les gens se lançaient dans une grande explication comme quoi la poésie était là où on la cherchait et qu'il pouvait toujours la créer lui-même. La première catégorie était blessante, c'était sa faute à lui si à tout juste 17ans il ne savait pas qui faire de sa vie ? Quant à la deuxième, elle était agaçante mais il avait du mal à expliquer pourquoi. Peut-être parce qu'il avait toujours du mal à expliquer et partager ce que lui trouvait beau et poétique. Bref, dans tous les cas, c'était rarement une conversation agréable. Mais après tout, la jeune femme avait l'air assez différente des gens qu'il fréquentait habituellement, alors peut-être que pour une fois, il aurait une réponse différente !

Quoiqu'il en soit, direction le rayon homme afin de trouver un blouson ! Mais n'étant définitivement pas très au fait de ces choses-là, le jeune homme décide de lui demander comment on est censé faire pour choisir. Après tout, elle a l'air très au fait de ce genre de choses ! Alors autant profiter de son expertise non ?

Et pour le coup, ce qu'elle dit fait sens. Eiji hoche la tête alors qu'elle lui explique. C'est vrai que quand il se prend de passion pour une figurine ou une maquette, il ne s'en lasse pas. Alors la même logique doit bien s'adapter aux vêtements, même si c'est différent !

"La personne que je suis ?"

Ça ça l'intrigue un peu. Pas qu'Eiji soit une personne très mystérieuse. Non au contraire, même si certaines subtilités ou certaines raisons restent bien cachées à l'abri, il est plutôt du genre "livre ouvert" que "coffre fort". Mais disons plutôt qu'il avait du mal à voir comment résumer ça, et encore moins comment on faisait pour mettre ça dans un vêtement ! Loin d'être plongé en pleine crise existentielle par la question, Eiji y réfléchit sérieusement, comme on règlerait un problème de math. Mais pour une fois, il y a un peu de la poésie qu'il cherche et qui lui manque tant dans son métier. Alors quand elle lui demande s'il a des passions, Eiji n'hésite pas une seconde à répondre sans crainte.

"J'aime beaucoup la fantasy et les dragons. J'adore faire des maquettes et des modèles réduits. En fait depuis que je suis ado je travaille à construire tout un monde. Au début c'était juste des dessins mais depuis que j'ai mon appartement, j'y ai réservé une pièce pour faire un modèle réduit qui puisse vraiment complètement s'étendre. J'anime aussi des plateaux de jeux de rôles dans différents univers SF ou fantasy, y compris le mien...J'adore inventer des histoires et surtout donner aux gens la possibilité de raconter celle qu'ils veulent et vivre des choses "grandes", vous voyez ?"

En tout cas plus grandes que juste payer ses factures.

"Oh et j'aime bien les iguanes aussi. C'est un peu comme nos dragons à nous !"

Conclue-t-il en souriant avant d'observer attentivement le choix de blousons proposé par la jeune femme, prenant le temps de les observer.

"Je n'aime pas celui-là, on dirait celui de mon responsable de bureau et... erf. Je n'aime pas critiquer les gens, mais j'aime bien quand on a pas les mêmes horaires. Alors c'est peut-être idiot, mais je n'ai pas envie de lui ressembler... Celui-ci est très beau, mais j'aurais trop peur de l'abîmer, il a l'air fragile..."

Bon, il en avait déjà éliminé deux sur quatre... c'était un début !

Purificación afficha une petite moue en écoutant Eiji lui parler de son travail. Elle se sentait triste pour lui, coincé dans un boulot qui ne lui plaisait pas uniquement parce qu’il avait décidé de se lancer dans cette voie afin de vite trouver du travail après ses études. Ils étaient nombreux dans ce cas et l’Espagnole se sentait d’autant plus triste pour lui parce qu’elle, de son côté, faisait justement un métier qu’elle avait toujours eu envie de faire.

« Je veux bien vous croire quand vous dites que la comptabilité manque de poésie, c’est certain que les chiffres, ce n’est pas ce qu’il y a de plus glamour. Surtout qu’être doué pour quelque chose ne nous fait pas forcément aimer ce quelque chose. En tout cas, je suis sincèrement désolée d’apprendre que ce travail ne vous plaît pas. J’imagine que vous avez déjà essayé de vous reconvertir ? »

Purificación savait bien qu’elle ne pouvait pas sauver ou aider tout le monde, mais ce pauvre comptable lui faisait de la peine. Il était trop gentil pour rester dans un quotidien aussi triste ! Et puis, si c’étaient les pistes de reconversion qui lui manquaient, alors elle en aurait une toute prête à lui coller sous le nez ! Il avait été tellement professionnel pour la conseiller un peu plus tôt que Purificación était prête à lui proposer un travail au sein de son agence ! Ça ne serait peut-être pas la poésie qu’il recherchait, mais ce serait toujours mieux que d’être plongé dans des flots de chiffres à longueur de journée, non ? Et puis, si jamais ça ne lui plaisait pas… Alors ça ferait toujours une expérience en plus à ajouter à son CV, ce n’était pas négligeable !

Quoi qu’il en soit, les deux compères partirent donc en direction des blousons pour qu’Eiji puisse trouver son bonheur. Afin de mieux le conseiller et lui trouver le manteau parfait qui reflèterait la personne qu’il était, Purificación lui demanda un peu plus d’informations sur ses passions. Quand le comptable s’élança dans un long discours passionné, l’Espagnole ne put s’empêcher de sourire tout en l’écoutant, lâchant même un nouveau rire franc lorsqu’il compara les dragons et les iguanes.

« Eh bien ! Il y a clairement un fossé entre la manière dont votre visage s’illumine quand vous me parlez de vos passions et l’air affreusement morose que vous affichiez en me parlant de votre travail ! Et vous imaginez bien que c’est cet engouement qui vous va le mieux ! »

Purificación remit en place les quatre blousons qu’elle avait dans les mains, préférant repartir sur un tout nouveau choix. Elle se décida toutefois à répondre à Eiji pendant que ses doigts parfaitement manucurés faisaient défiler les blousons sous son œil critique.

« Vous avez de très belles passions en tout cas, et je serais curieuse de voir cette fameuse maquette ! Est-ce que vous auriez une photo à me montrer ? J’imagine que c’est un univers de fantasy que vous êtes en train de créer, c’est bien ça ? Je ne suis malheureusement pas une adepte de ce genre de jeux, mais je trouve ça vraiment beau que vous fassiez tout ça pour permettre aux gens de raconter et vivre des histoires qui puissent leur permettre de s’évader. Est-ce que vous croyez que vous pourriez m’initier ? Après tout, comme vous le disiez, on n’apprend jamais trop de choses dans la vie ! »

Et s’il y avait des traits de caractère qui ressortaient vraiment chez Purificación, c’étaient bien sa curiosité et son envie de s’ouvrir à la nouveauté. Alors même si on aurait pu croire qu’elle disait tout ça uniquement pour être gentille, l’Espagnole était sincère : elle avait vraiment envie d’entrer dans le monde de ce comptable pour l’observer d’elle-même. Qui sait, peut-être même qu’elle se découvrirait une nouvelle passion !

Quoi qu’il en soit, après avoir changé deux fois de portant, Purificación finit par trouver son bonheur, levant un blouson devant son visage en le regardant avec un grand sourire satisfait.

« Voilà ! Dites-moi, que pensez-vous de celui-ci ? »

L’Espagnole tourna le blouson vers Eiji pour qu’il puisse le regarder, avant de bien vite le faire glisser du cintre pour le lui tendre.

« Essayez-le plutôt. Il faut qu’il vous plaise visuellement, mais il faut aussi que vous vous sentiez bien en le portant et, pour ça, il faut que vous l’ayez sur le dos. Alors ? »

Purificación espérait vraiment ne pas s’être trompée dans son choix, s’étant basée sur tout ce qu’Eiji avait pu dire ou faire depuis leur rencontre pour s’arrêter sur ce blouson.

Surprise : il avait eu raison. La jeune femme ne lui répondit par aucun des discours tout faits auxquels il était habitué, et elle semblait même plutôt bien comprendre le soucis. C'était vraiment rafraichissant ! Aucun regret donc d'avoir parlé sincèrement... ce qui était un agréable changement par rapport à la plupart des gens !

"En fait j'y réfléchis, mais si je veux vraiment faire ce que je veux, il faut que je prépare bien les choses, sinon je vais droit dans le mur..."

Explique-t-il avec un sourire désolé. On ne se réinventait pas créateur de jeu de rôle du jour au lendemain ! Ou plutôt si, on pouvait, mais en vivre était une autre histoire. Il fallait donc qu'il assure la transition, ce qui voulait dire qu'en attendant, Eiji devait serrer les dents. Enfin il s'accrochait !

"Pour le moment je me dis que même si je ne fais pas un travail très intéressant, il me permet de vivre le temps de construire la suite. Ce n'est pas si mal non plus !"

C'est vrai qu'il n'aime pas son travail, mais Eiji préfère rester optimiste. Au moins ce n'était pas un travail qui le faisait souffrir ou qui le rendait malheureux. C'était juste ennuyeux. Mais comme il était doué, ça lui laissait le temps de nourrir ses autres passions sans s'angoisser de comment payer son loyer. Alors il ne s'estimait pas si mal placé que ça. C'était important de s'en rappeler ! Il fallait juste qu'il travaille pour améliorer le reste, et il refusait de s'avouer vaincu ! C'est bien ce que l'histoire de sa mère lui avait appris, alors il lui ferait honneur... à sa façon.

Si bien qu'il n'est pas vraiment surpris quand elle lui dit que cet enthousiasme lui va mieux... C'est vrai que même lui s'en rend bien compte de l'intérieur ! Quand il parle de tout ça, c'est comme si le monde était plus chaud et plus coloré, alors que quand il doit parler de son travail, c'est plutôt comme sil fallait simplement empiler des carrés les uns sur les autres.

"Il paraît oui !"

Finalement, la jeune femme range sa première sélection, se ravisant. Est-ce que ça peut tellement changer maintenant qu'elle a ces informations ? Enfin à ce stade, Eiji lui fait pleinement confiance ! Bon, ça ne veut pas dire grand chose puisque le comptable a tendance à faire trop facilement confiance au premier qui passe. Il est même plutôt réputé pour ça... Mais là c'est légèrement différent, elle ne lui en a pas voulu de l'avoir percuté, et elle ne s'est pas moqué de lui. Alors forcément, il a d'autant plus envie de la croire et de prendre ses précieux conseils en la matière ! Comme elle lui demande, il plonge la main dans sa poche pour trouver son portable dans lequel il a bien entendu toute une collection de photos de sa progression. Avant de se mettre à chercher, il lui répond, toujours plein d'enthousiasme.

"Bien sûr ! Si vous avez envie d'essayer ça sera avec grand plaisir ! Qu'est-ce que vous aimez comme univers ? C'est un peu comme les romans ou les films, il y a des jeux de rôle dans tous les univers possibles, alors il y a forcément quelque chose qui peut vous plaire. Et puis on peut aussi varier les mécanismes en fonction de ce que vous recherchez. Il faut juste trouver le bon type de jeu pour vous, et les bons partenaires aussi..."

Parce qu'il avait déjà vu des parties où les joueurs se tiraient dans les pattes, comme pour se venger de choses du monde réel... La partie avait été une torture pour certains membres et un échec totale rapport au jeu... À force de fouiner, il finit par trouver dans son portable une photo d'ensemble de la pièce spéciale qu'il lui montre fièrement. Autour du terrarium de Gengis on peut voir se dresser un château à l'architecture étrange, des ponts suspendus, des arbres aux branches emmêlées dans lesquelles sont perchées des cabanes.

"Voilà où j'en suis ! il faut encore que j'améliore tout l'aspect verdure et forêt je trouve..."

En vrai, Eiji trouvait toujours des choses à ajouter ici ou là, et il avait toujours une nouvelle idée. Au fil des années, certains éléments disparaissaient parfois pour laisser la place à d'autres. Ça avait beau être "encombrant", l'installation restait suffisamment souple pour pouvoir évoluer au fil de ses envies et de ses idées.

Finalement, la jeune femme finit par trouver quelque chose qu'elle lui montre fièrement. Eiji ne saurait dire pourquoi, mais il avait effectivement l'impression qu'il se dégageait quelque chose de particulier de ce vêtement, même s'il n'aurait pas su dire quoi. Puis c'était comme une évidence. Rangeant son téléphone, il l'attrape pour le passer aussitôt. La coupe est différente de ce qu'il a l'habitude de porter, mais clairement il s'y sent bien ! Comme une seconde peau. Il relève la tête vers elle.

"Alors ? Vous me trouvez comment ?"

En tout cas lui il est tout sourire. Ça c'est une mission accomplie avec succès ! D'ailleurs, ça lui fait penser qu'avec tout ça, ils n'ont même pas échangé les bases élémentaires... Alors aussitôt, il rattrape le tir, et s'inclinant légèrement, se présente enfin.

"Au fait ! Je m'appelle Watanabe Eiji. Enchanté de faire votre connaissance !"

Mieux vaut tard que jamais ! Puis ils ont bien eu le temps d'échanger d'autres choses bien plus personnelles qu'un nom finalement...

Purificación afficha une petite moue compréhensive en écoutant le comptable parler de la préparation de ce changement qu’il souhaiterait opérer dans sa vie professionnelle. C’était un discours profondément réaliste et sérieux, l’Espagnole ne pouvant que comprendre le fait qu’il ne souhaitait pas se jeter à corps perdu dans sa passion, sans assurer un minimum ses arrières. Elle lui adressa donc un regard compatissant, avant d’afficher un sourire encourageant.

« Je vous souhaite de tout cœur de pouvoir vite vous réorienter en tout cas ! Ce sera compliqué, mais vous faites bien d’assurer vos arrières. Ce serait dommage de vous lancer et de vous retrouver avec le bec dans l’eau après quelques mois. Vous devriez alors chercher un autre travail et, qui sait, vous vous retrouveriez sans doute à faire quelque chose d’encore moins passionnant que de la comptabilité ! »

En tout cas, ce jeune homme dégageait vraiment quelque chose de spécial qui donnait envie à Purificación de le soutenir. Il était tellement passionné que ça lui faisait chaud au cœur de l’entendre parler de cet univers qu’il créait de ses propres mains ! L’Espagnole avait même été contaminée par tout cet enthousiasme, demandant à son interlocuteur s’il accepterait de l’initier au jeu de rôle. À ses questions, Purificación croisa les bras sous sa poitrine et vint tapoter son index parfaitement manucuré contre ses lèvres, les yeux levés vers le plafond de la boutique.

« Hum… C’est une excellente question… Je connais bien évidemment les classiques comme le Seigneur des Anneaux, mais à part ça, je suis une grande néophyte dans l’univers de la fantaisie… Les films ou séries que je regarde, ou encore les livres que je lis, sont bien plus axés sur le réalisme. Et hum… J’avoue avoir un faible pour les histoires d’amour impossibles… C’est pour ça que je voudrais que vous m’initiiez à cet univers ! J’aimerais sortir de ma zone de confort et essayer quelque chose de nouveau ! Par contre, vous n’avez pas à avoir peur ! Si je décide de me lancer là-dedans, je ne ferai pas les choses à moitié et je ferai les recherches nécessaires pour ne pas être un boulet ! Quel univers conseillerez-vous donc à une grande débutante ? »

Purificación avait vraiment envie de se donner à fond si le comptable lui permettait de s’essayer à cette discipline qui lui était parfaitement inconnue ! Elle espérait juste que si elle devait jouer avec d’autres gens, ces personnes ne la connaîtraient pas… Si elle racontait à sa manager qu’elle avait prévu de faire du jeu de rôle avec un type qu’elle avait rencontré dans un magasin de vêtements, celle-ci n’allait sans doute pas trop apprécier la blague !

« Eh bien ! Vous ne faites clairement pas dans la demi-mesure ! C’est incroyable ! Ce que je vais dire n’aura sans doute pas beaucoup de valeur étant donné que je ne connais rien à cet univers, mais avec une telle démonstration de vos talents, je ne doute pas une seule seconde que vous pourrez percer dans ce domaine dès que vous vous lancerez ! »

Quoi qu’il en soit, avant de continuer à parler de la passion du jeune homme, Purificación devait encore remplir sa part de leur marché, à savoir trouver le manteau parfait pour son interlocuteur ! L’Espagnole en dégota un qui lui semblait absolument parfait, son sourire satisfait s’étirant encore plus en voyant celui qui illuminait le visage du comptable quand il l’enfila.

« Il vous va vraiment comme un gant ! Mais, il y a plus important ! Comment est-ce que vous vous sentez en le portant ? Il n’est pas trop petit ? La matière n’est pas désagréable ? »

Purificación tournait tout autour du jeune homme pour scruter chaque pli, à la recherche d’un éventuel défaut. Mais elle fut coupée dans son élan par le jeune homme qui se présentait. L’Espagnole se redressa avec un air surpris, avant de se mettre à rire.

« Quelle impolie je fais ! Je n’ai même pas pensé à me présenter ni à vous demander comment vous vous appeliez avec notre échange ! Mais c’est vrai qu’il sera plus simple de s’adresser l’un à l’autre en connaissant nos noms ! Je m’appelle Purificación Velázquez, mais vous pouvez m’appeler tout simplement Puri si vous préférez. Je suis habituée à ce qu’on utilise mon diminutif, parce que mon prénom est un peu compliqué à prononcer pour les Japonais. »

Purificación accompagna ses mots d’une petite courbette polie, avant de redresser son regard sombre vers Eiji pour le plonger dans ses yeux. Des yeux d’un beau bleu qui n’avait rien de japonais, contrairement à son nom et son prénom. Était-il métisse ? L’Espagnole était vraiment curieuse, mais questionner un presque inconnu sur ses origines d’entrée de jeu, c’était peut-être un peu déplacé.

« Bon eh bien… Il semblerait que nous ayons tous les deux remplis notre mission ! Que diriez-vous d’aller boire un café et grignoter une petite pâtisserie pour fêter ça ? Il y a un nouveau salon de thé qui a ouvert pas loin, je comptais aller y faire un tour pour jouer les curieuses, mais si vous n’avez rien de prévu, vous pourriez peut-être m’accompagner. Qu’en pensez-vous ? Vous pourrez continuer à me parler de votre univers comme ça ! »

Purificación offrit un grand sourire à Eiji, espérant vraiment qu’il allait accepter de passer encore un peu de temps avec elle. Après tout, ce n’était pas en étant lâchée dans le grand bain dès sa première partie qu’elle pourrait s’en sortir ! Il fallait que le comptable la coache un minimum !

Eiji ouvre des yeux ronds, horrifiés. Pire que la comptabilité ? Bien sûr que ça existait, mais c'est vrai que dit comme ça, ça paraissait vraiment horrible, insoutenable même ! Enfin il en avait quand même bien conscience... bien pour ça qu'il préférait assurer ses arrières. Et pour une fois que le jeune homme faisait preuve d'un peu de raison, c'était dire ! Enfin en vrai, on avait toujours besoin de comptable. Un fait qui le dépassait sincèrement. Comment on pouvait toujours avoir besoin d'un métier aussi ennuyeux où on ne créait rien si ce n'est des tableaux excell ?? Bref, il ne pouvait faire que confirmer son accord avec ce que disait la jeune femme...

Heureusement la conversation revient sur des sujets bien plus agréables, et pour cause ! Puisqu'il s'agit de l'une des plus grande passion d'Eiji. Et en plus, il a l'occasion de faire découvrir tout cet univers et sa pratique à quelqu'un de nouveau ! Il n'a aucun doute, si la jeune femme est aussi motivée qu'elle le dit à se lancer, il est sûr qu'il peut trouver quelque chose qui lui plaira ! Alors il écoute attentivement sa réponse et ses explications, réfléchissant aussitôt à ce qu'il pouvait lui proposer.

"Et bien il y a deux façons de faire ! Soit on part de ce que vous connaissez dans un univers que vous connaissez et vous n'aurez qu'à apprendre à faire du jeu de rôle. Par exemple, il y a des jeux qui existent basés sur l'univers du seigneur des anneaux. On peut tout à fait trouver un scénario adapté, et même si vous voulez, je suis sûr qu'on doit pouvoir trouver une façon de faire des scénarios avec des enjeux romantiques."

C'est vrai qu'avec sa bande habituelle, ce n'était pas forcément ce qu'il menait le plus. Mais après tout, lui aussi ça le ferait sortir de sa zone de confort, et l'idée l'emballait ! Puis si ça permettait à sa nouvelle amie de se lancer sans craindre d'être perdue, alors c'était encore mieux !

"Sinon, si vous voulez complètement sortir de votre zone de confort, on peut partir sur un nouvel univers, dans ce cas là je vous conseillerai quelque chose avec un lore qui ne soit pas trop gros, ou plutôt, où on n'a pas besoin d'apprendre un bouquin de 500 pages par coeur pour s'amuser..."

Il connaissait des joueurs comme ça... et si Eiji n'était pas le dernier à se passionner pour le lore d'un univers ou d'un autre, pouvant passer des heures à lire et apprendre toutes les subtilités possibles et imaginables, il comprenait aussi parfaitement qu'on veuille venir à une table de JDR comme on vient à un jeu de société : pour jouer et se reposer. On prend quinze minutes pour comprendre les règles et faire son personnage, et puis on se lance pour mieux apprécier. C'était important aussi de ne pas transformer tous les loisirs en devoirs !

"Et on peut trouver des jeux avec des règles assez simples. Comme ça vous sortez des univers et des histoires que vous connaissez déjà mais vous n'êtes pas écrasée par trop de nouvelles choses d'un coup et vous pourrez rapidement vous amuser !"

Oh mince ! Dans son enthousiasme il a failli oublier.

"Est-ce qu'il y a des choses où des sujets que vous ne voulez pas jouer du tout ou aborder ? Ce n'est pas que vous me racontiez votre vie promis ! Seulement des fois quand on joue un personnage, ça peut remuer des choses... alors autant éviter de se mettre en danger inutilement... sortir de sa zone de confort c'est bien, se jeter d'une falaise sans parachute en revanche c'est moins bien..."

Conclue-t-il avec un petit air désolé. Bien sûr, Eiji prendra simplement note sans poser de questions ni demander pourquoi... Il a déjà eu le cas avec des joueurs ou des joueuses, et il sait que ça peut être dur de demander à un inconnu de ne pas évoquer tel sujet, de ne pas mettre leur personnage dans telle situation. Inutile d'en rajouter avec de la curiosité mal placée ! Ce qui est important, c'est que tout le monde s'amuse. Et pour ça, il faut parfois protéger les joueurs.

N'empêche que c'est bête, mais le compliment le touche. Il espère vraiment qu'elle a raison et qu'il a suffisamment de talent pour réussir à se faire un chemin dans ce monde-là... Eiji affiche un grand sourire modeste, mais très visiblement touché. Il y met tellement tout son coeur dans cette maquette, ça lui fait plaisir qu'elle apprécie, même sans rien y connaître, et sans se moquer ! C'est vraiment quelqu'un de doux...

...et en plus elle semble avoir trouvé le manteau parfait !

"Et bien non, je crois que je me sens vraiment très bien dedans ! C'est presque comme s'il m'attendait on dirait ! Vous êtes drôlement douée vous savez. Merci beaucoup !"

La différence était subtile, pas qu'il se sente mal dans ses vêtements habituels. Plutôt que la plupart du temps, il n'y faisait pas attention. Ils étaient là, voilà tout. Mais là, il se sentait vraiment bien dedans ! Un vrai petit bonheur. Après une telle aide, il était difficile de ne pas pouvoir la remercier dignement, et sans s'être présenté, c'était quand même compliqué ! Et pour le coup... il est bien surpris des noms et prénoms qu'elle lui donne ! Tant de sons qu'il ne connaît pas...

"Pu-li...fi-ca...tion... C'est joli oui, mais c'est vrai que j'aurais moins de chance de l'abîmer en utilisant votre diminutif ! J'espère que vous ne m'en voudrez pas, ce serait dommage quand même !"

Mais c'est vrai que dans le fond, ils se rencontraient à peine, alors déjà utiliser un diminutif... en même temps c'était elle qui proposait. Alors Eiji n'allait pas se faire prier. Ce serait bizarre de sa part de proposer si ça la dérangeait ! En plus, voilà qu'elle lui proposait de continuer cette discussion ! Vraiment, Eiji était ravi.

"Avec grand plaisir. Je crois que je vois exactement duquel vous parlez. Je suis passé devant l'autre jour et c'est vrai que ça avait l'air des plus adorables comme endroit ! C'est une belle occasion pour aller voir ce qui s'y passe !"

Juste le temps de payer leurs achats, et les voilà dehors. Il y a un peu de monde, forcément, on est samedi. Mais ce n'est pas non plus la cohue. Histoire de continuer la conversation le temps de faire les quelques mètres qui les séparent du salon du thé, Eiji l'intéresse.

"Et vous alors ? Qu'est-ce qui vous passionne dans la vie ? J'ai cru comprendre que vous non plus ce n'était pas la comptabilité !"

Purificación ouvrit de grands yeux ronds quand Eiji lui parla d’apprendre un bouquin de 500 pages par cœur pour faire du jeu de rôle. Ce n’était pas que l’Espagnole n’aimait pas lire, ni qu’elle n’était pas foncièrement motivée par l’idée de se lancer dans cette nouvelle expérience, mais c’était un peu trop lui demander pour un premier test, en effet !

« Il existe vraiment des univers où il faut apprendre des bouquins aussi gros par cœur ?! J’aime beaucoup lire, mais je pense qu’il vaut mieux commencer par quelque chose de simple et d’accessible oui, au moins pour voir si c’est quelque chose qui pourrait me plaire. Et s’il s’avère que l’exercice me donne envie de réessayer… Eh bien, pourquoi pas me plonger dans quelques bouquins ! Ça me changera de mes romans à l’eau de rose pendant mes longs trajets en avion ! »

Nul doute que l’ensemble de son équipe la regarderait avec de grands yeux ronds s’ils voyaient la mannequin en train d’étudier le plus sérieusement du monde un bouquin décrivant l’univers et le bestiaire d’un monde de fantasy !

En tout cas, les questions qui suivirent firent naître un doux sourire sur les lèvres de Purificación. Il était vraiment très attentionné ce maître du jeu, à lui demander au préalable les sujets qui pourraient la déranger ! L’Espagnole ne savait pas trop si c’était monnaie courante dans le domaine, mais la démarche lui fit particulièrement chaud au cœur.

« C’est vraiment très prévenant de votre part ! Je pense être capable de jouer de tout, mais si on peut éviter tout ce qui est sévices sur des enfants, ça m’arrangerait. C’est un sujet beaucoup trop grave de mon point de vue pour qu’on puisse s’amuser avec de telles choses comme base. Oh et je pense aussi être incapable de jouer un personnage qui se laisse trop marcher sur les pieds, je ne sais pas si c’est un point important à préciser… »

Quoi qu’il en soit, après ces quelques échanges, Purificación se mit à rire tout en faisant une petite courbette quand Eiji la complimenta sur le choix de manteau qu’elle avait fait pour lui.

« Eh bien merci beaucoup ! Votre compliment me touche ! Ça aurait quand même été un comble que quelqu’un qui travaille dans le monde de la mode ne soit pas capable de conseiller quelqu’un ! Même si bon, d’ordinaire, c’est plutôt moi qu’on habille et pas l’inverse. »

L’Espagnole rechignait habituellement beaucoup à parler de sa profession, mais elle avait l’impression de pouvoir discuter de tout avec Eiji. Il inspirait naturellement confiance et Purificación avait comme dans l’idée qu’il ne connaissait certainement rien au monde dans lequel elle évoluait. La preuve étant que, même en lui donnant son nom, celui sous lequel le monde entier la connaissait comme mannequin de renommée internationale, il ne tiqua pas, s’inquiétant bien plus d’écorcher le prénom de l’Espagnole. Celle-ci pouffa et secoua la main pour le rassurer.

« Pas de souci ! Je suis habituée à ce que tout le monde utilise mon diminutif dans mon entourage, et je crois d’ailleurs que je préfère qu’on m’appelle Puri… En général, quand on utilise mon prénom en entier, c’est que la conversation promet d’être pompeuse à souhait. »

Purificación fronça le nez en pensant à tous les gens qui gravitaient autour d’elle dans son travail et qui ne faisaient pas partie de son équipe. Dès lors qu’on l’appelait par son prénom en entier, l’Espagnole savait que ses interlocuteurs ne voyaient, en général, que la mannequin et pas vraiment la personne qui se cachait derrière ce statut et cette célébrité.

Quoi qu’il en soit, puisqu’Eiji avait accepté de poursuivre cette discussion dans le nouveau petit salon de thé qui avait récemment ouvert non loin, les deux jeunes se dirigèrent vers les caisses, Purificación s’empressant de remettre ses lunettes de soleil sur son nez dès lors qu’ils furent à l’extérieur. Ce n’était pas vraiment pour se protéger du soleil, mais bien pour éviter qu’un passant ne la reconnaisse ! En tout cas, la nouvelle question d’Eiji fit rire l’Espagnole.

« En effet ! Je n’ai jamais été une grande amoureuse des chiffres ! Comme je le disais tout à l’heure, j’aime beaucoup lire ! J’aime aussi la mode, la danse, voyager, me balader… Je crois que je suis quelqu’un d’assez simple dans ses goûts au final… J’aime aussi énormément les enfants ! »

Purificación pouffa et tourna son visage vers son voisin.

« Ça ne vend sans doute pas autant de rêve que vos passions à vous, mais qui sait… Peut-être que, bientôt, je pourrai ajouter le jeu de rôle à cette liste grâce à vous ! »

L’Espagnole fronça le nez et attrapa la poignée de la porte d’entrée du salon de thé pour l’ouvrir et inviter Eiji à passer le premier avec une petite courbette. Elle salua ensuite la serveuse qui les accueillit, puis s’assit à la petite table qu’on leur avait désignée. Purificación soupira profondément d’aise une fois installée, s’adossant confortablement contre le dossier de sa chaise, avant de se redresser brusquement en voyant une petite boule de poils déambuler dans la grande pièce.

« Mon dieu ! Regardez Watanabe-san ! Il est tellement mignon ! »

L’Espagnole s’était empressée de retirer ses lunettes de soleil et de se pencher sur le côté pour essayer d’appâter le chat avec ses ongles parfaitement manucurés. Nul doute qu’avec une telle réaction, son interlocuteur aurait vite compris que les chats étaient aussi l’une des passions de la jeune femme !

Eiji rigole gentiment devant la réaction, tout à fait normale, de la jeune femme.

"En vrai, je crois que ça dépend surtout de comment on aime jouer... Par exemple, vous aimez le film du seigneur des anneaux, mais vous n'avez peut-être pas lu tout ce qui existait autour de cette univers, toute la mythologie correspondante etc. Et ça ne vous empêche pas d'apprécier le film. C'est pareil pour le jeu de rôle. Certaines personnes apprécient de connaître tous les recoins et tous les secrets, d'autres préfèrent se plonger à coeur perdu et découvrir sur le tas. Ça fait partie du travail du maître de jeu de faire en sorte que chacun y trouve son compte et puisse profiter de sa partie."

Après, c'est vrai que c'était parfois compliqué de tout faire cohabiter. Parfois, c'était mieux de faire des groupes en fonction des façons de jouer. Mais en vrai, à partir du moment où les gens avaient envie de jouer ensemble, on trouvait toujours un moyen. Et après tout, c'était quand même souvent une affaire de collaboration dans les jeux !

"Je me note ça ! Promis ça n'arrivera pas. Quant à votre personnage... c'est de toute façon à vous de le construire, à vous de décider ce que vous voulez essayer. Après comme c'est votre première fois je pourrai vous aider à faire votre fiche perso si vous avez peur de faire des bêtises."

Mais de toute façon, il ferait attention à choisir un jeu où la construction de personnage n'est pas trop compliqué. Si ça lui plaisait, elle pourrait toujours par la suite découvrir des mécaniques plus compliquées.

Enfin, il était quand même temps d'échanger les politesses de base ! C'est marrant comme vous aviez pu parler de plein de choses finalement avant même d'échanger vos noms... et que tu apprennes qu'elle était mannequin. Oh ! ça expliquait donc effectivement son intérêt et sa connaissance de tout ça ! mais oui bien sûr ! Comme quoi, finalement tu avais eu un peu de chance en tombant sur elle ! De toutes les personnes que tu aurais pu bousculer, tu avais bousculé la jeune femme qui avait de l'humour, de la gentillesse et des compétences pour t'aider !

"D'accord, alors ça sera Puri ! Les conversations pompeuses ce n'est pas vraiment ma spécialité..."

Eiji est plutôt content de voir la conversation se poursuivre et même si ce n'était pas prévu, l'opportunité de prendre un café avec sa nouvelle amie lui fait grand plaisir ! Puis c'était une bonne occasion d'en apprendre un peu plus sur qui elle était dans le fond. Non parce que même en travaillant dans le monde de la mode, elle ne passait sans doute pas sa vie rayon lingerie !

"En vrai si, ça peut vendre du rêve... je veux dire le voyage, vous avez dû voir plein de choses incroyables non ? Vous êtes allée où déjà ? Et la danse, c'est plutôt comme spectatrice ou vous pratiquez aussi ? Comment vous en êtes venue à travailler dans la mode ?"

Ola ! Ça faisait beaucoup de questions d'un coup, mais quand le comptable est lancé, on ne l'arrête plus ! Rencontrer et découvrir les gens, c'était beaucoup trop intéressant... d'autant plus que Puri semblait évoluer dans des mondes tellement différents du sien que ça attisait forcément sa curiosité. Bien sûr, il se dit vaguement que peut-être c'était trop de questions d'un coup, mais même s'il venait juste de la rencontrer, il n'avait aucun doute sur la capacité de Purificacion de l'envoyer bouler !

Arrivés dans le salon de thé, on les installa rapidement à une petite table. Alors qu'Eiji allait demander à sa camarade du moment si elle portait ses lunettes de soleil parce qu'elle avait mal à la tête ou aux yeux, elle les retira soudainement avec un genre d'exclamation de joie. Le regard d'Eiji se porta alors sur ce qu'elle lui montrait : un chat.

"Oh ! C'est vrai qu'il est beau !"

Il n'avait pas fait attention qu'il s'agissait en fait d'un Cat Café. Mais maintenant qu'il regardait mieux autour de lui, il put voir les installations sur les murs et les jeux pour chat qui traînaient ici et là.

"Je crois qu'il y en a un autre qui dort dans le panier en hauteur derrière vous."

Effectivement, on pouvait voir une queue en panache rousse dépasser d'un panier en hauteur derrière Puri et se balancer tranquillement. Après quoi, l'attention du jeune se reporta sur le chat que lui montrait Puri pour voir s'il se décidait à se rapprocher de leur table.

"Vous saviez que c'était un Cat café ? Ou vous aussi c'est une surprise ? On a le droit de les caresser vous croyez ?"

C'était la première fois qu'il allait dans ce genre de lieu ! Et pour le coup, il était ravi de la découverte. C'était une belle surprise, et il espérait vraiment que la jeune femme allait réussir à appâter le félin qui pour le moment s'était assis et les dévisageait comme les chats savent si bien le faire...