Apprendre d'un renard qui ne sait pas chasser une poule [Pv Eiji]

Il y a des jours où il ne faudrait pas se lever, pas du tout. Kira depuis plusieurs jours devait subir sa femme, son ex et sa « veuve ». Le tout réunis en une seule et même personne. Si la cohabitation n’était pas si intense qu’il voulait bien le laisser croire, le fait d’avoir vu son petit monde bousculé de façon aussi inattendue.

Ainsi, ce fut pour un prétexte futile, une enquête soi-gisement qu’il profita d’un peu de temps libre pour se rendre dans un bar qu’il fréquentait assez régulièrement. Le détective y décompressait assez souvent, a tel point que le barman avait fini par le connaître, il s’agissait de la même personne, un jeune de 22 ans, qui cumulé deux travails pour survivre, serveur dans un café le matin et barman la soirée dans un endroit un peu plus calme de la ville qu’un centre commercial.

- Monsieur Matsuda, la même chose, je suppose ?
- Oui comme d’habitude en double !
- Alors comment ça se passe avec votre femme ?
- Comment tu veux que ça se passe un mariage ?

Il avait parlé d’une voix un peu plus blasée alors qu’il recevait sa boisson, le jeune homme en face ne put s’empêcher de rire un peu avant de retourner vers un autre client. Kira de son côté prit son verre et le but presque cul-sec sur le coup. Le détective observa calmement les alentours, profitant d’un petit moment de paix et remarqua alors une femme se faisant vaguement accostée par un homme qui ne semblait pas des plus doués. Du moins, en conclut Kira lorsqu’il la vit se lever et partir avec un air outré.

Kira passa une mèche de cheveux derrière son oreille, il en profita au passage pour refaire sa queue-de-cheval tout en s’adressant au pauvre type qui venait de se prendre un râteau magnifique.

- Bah, ne t’en fais pas. Ce genre de femme n’est clairement pas là pour accepter les avances de n’importe qui. C’était bien tenté, mais son seul plaisir, c’est justement de se croire au-dessus du lot en envoyant bouler les personnes comme toi.

Il lui sourit avec un faux air peiné.

- Mais tu as déjà bien plus de courage qu’elle vu qu’au moins tu as fait un pas et tu n'as pas attendu qu’on vienne à toi. Faut juste un peu plus d’expérience pour savoir comment s’y prendre, c’est tout.

Kira rigola ensuite, amusée par la situation. Lui-même n’étant pas forcément le plus doué, car il n’avait jamais vraiment conclu une seule de ses relations sauf celle qu’on avait conclue pour lui. Le détective avait cependant parlé un peu vite et ne se doutait pas que ses mots puissent porter à confusion sur le moment, donnant probablement l’impression qu’il aiderait l’homme renié sur le moment. Le pire, c’est qu’il accepterait sans hésiter, ne serait-ce que pour avoir un bon prétexte lui permettant d’éviter de rentrer plus tôt chez lui.

Des jours comme ça où Eiji se laissait embarquer par ses collègues pour boire un verre. Il ne savait jamais vraiment très bien si l'invitation était sincère ou si on l'invitait juste parce qu'il était présent dans la pièce au moment où ça s'était décidé. Pure politesse. Dans le doute, Eiji préférait croire que ses collègues étaient sincères. C'était quand même bien plus sympa de voir les choses comme ça ! Puis bon, c'est vrai qu'ils rigolaient bien en général pendant ces sorties. Bon Eiji ne comprenait pas toutes les blagues, certes. Apparemment il devait être quelqu'un de très drôle vu que les autres riaient souvent après qu'il ait dit quelque chose. Ça le surprenait toujours un peu parce que c'était souvent à des moments où il n cherchait pas particulièrement à être drôle. Juste il parlait de ce qui l'intéressait...

Le plus simple c'était encore de ne pas y penser. Il avait donc suivi la petite troupe au bar. La conversation avait fusé et pour cette fois Eiji avait préféré rester silencieux, se contentant d'écouter sagement et de rire aux plaisanteries des uns et des autres au moment approprié. La conversation faisant son chemin, on finit par discuter des couples de chacun, ou bien de leurs récentes "conquêtes". Le genre de conversation dont Eiji se mettait en retrait. Il n'avait pas grand chose à partager sur le sujet, du moins pas "comme ça". Même s'il avit du mal à nommer ce qui pouvait le mettre aussi mal à l'aise dans ce genre de moment. On aurait dit qu'on ne parlait pas vraiment de vraies personnes.

"Et toi alors Eiji ?"

Silence soudain des collègues et regards rivés sur lui.

"Euh..."

Il n'y avait pas grand chose à dire. Eiji était célibataire malgré quelques histoires à l'occasion, qui finissaient généralement parce qu'on lui reprochait de ne pas prendre les choses assez au sérieux. Il n'était honnêtement pas bien sûr de ce que recouvrait l'accusation, mais c'était une autre histoire... Toujours est-il qu'il n'y avait rien à leur raconter. Aussitôt, le groupe se mit en tête de lui trouver une compagne. Parce que bien sûr ça devait être une femme. Étrangement, pour une fois, Eiji sentait bien qu'il ferait aussi bien de pas leur dire que les hommes lui allait bien aussi. Toujours est-il qu'ils le mirent au défi d'aller parler à une jeune femme tranquillement installée à une table de ses "trucs de geek". Rapidement, le comptable comprit qu'on ne lui lâcherait pas la grappe tant qu'il n'irait pas. Et puis peut-être qu'ils avaient raison, peut-être que ça l'intéresserait. Oui bon, il avait usé toute sa jugeotte du jour sur "ne pas parler de sa bisexualité à ses collègues", alors il ne restait plus rien pour "peut-être qu'aborder une inconnue pour lui parler de jeu de rôle dans un bar peut légèrement prêter à confusion. Ce qui fût bien dommage... Entre sa maladresse, le sujet choisi et le groupe hilare à trois tables, Eiji, bien que poli et courtois, fût assez mal reçu.

La déception fût légère. À la base, il n'avait rien demandé. Mais dans le fond, c'est vrai qu'elle avait l'air sympathique. Enfin il espérait ne pas avoir trop gâché sa soirée. La voix qui lui expliqua la situation ne venait pas de son groupe de collègue qui semblait avoir déjà oublié son existence pour passer au sujet de conversation suivante. Eiji écouta attentivement l'explication.

"Oh vous pensez ? En même temps ça peut se comprendre. Je veux dire, ce n'est pas non plus très agréable que n'importe qui vienne vous parler comme ça... En tout cas ça expliquerait les choses oui !"

Eiji ne releva pas du tout que c'était censé être un comportement vexant... et il ne voyait pas non plus en quoi il avait fait preuve du courage.

"Ha bon ? Enfin si vous le dîtes ! Vous en avez de l'expérience vous ?"

C'est vrai que ses principales histoires avaient presque toujours commencé sur d'heureux malentendus. Ou bien c'était des camarades de jeu et de fil en aiguille, les choses avaient évolué.

"Je veux dire, vous avez une façon de faire pour aborder les gens sans les faire fuir ? Ou les ennuyer ? Oh et comment vous savez quand les gens veulent juste se sentir supérieur ?"

Après tout son interlocuteur avait l'air d'avoir drôlement d'avance sur lui socialement... bon ce n'était pas vraiment dur... la preuve : Eiji faisait encore confiance au premier venu en considérant d'office que l'inconnu savait de quoi il parlait.

Il n’y jamais de bons moments pour apprendre ce qu’était la vie, Kira l’avait appris d’ailleurs à ses dépens au cours de la sienne. Les gens pouvaient parfois même être ignobles entre eux et ce pauvre homme venait d’en faire les frais après un magnifique râteau de la part d’une occupante du bar. Ce n’était pas la première fois que Kira la voyait d’ailleurs, elle traînait souvent ici et ne considérait clairement que l’aspect physique. Oh, bien sûr qu’il avait essayé et avait presque réussit, mais en vain, la belle lui avait clairement fait comprendre qu’elle attendait un autre genre de type. Peut-être le genre riche qui lui paierait tous ses caprices juste à coup de jolis sourires et d’œillades taquines. Mais là encore, ce n’était qu’une supposition.

Kira tenta alors de rassurer l’homme en lui confirmant que les soucis ne venait pas de lui, en soit, il n’avait même rien fait pour mériter pareille réaction. Cependant, l’inconnu sembla limite prendre le parti de la femme qui venait de le rembarrer en lui trouvant des excuses. Le détective ne put s’empêcher de sourire.

- Eh bien, l’un comme l’autre, ça ne l’empêche pas de rester poli. Je veux dire, tu n’es pas responsable des autres types qui l’ont accosté de diverse façon. Donc, en soi, ce n’est pas franchement une excuse, car à ce compte-là, on peut aussi bien t’accuser de vol, car des dizaines de types ont volé les dessous de verre juste avant toi. Tu as juste été maladroit, pas insultant !

Kira partait de ce principe, la présomption d’innocence. On ne pouvait accuser une personne qu’à partir du moment où elle avait commis une faute. Très rapidement, l’homme lui demanda ensuite s’il avait de l’expérience dans le domaine. Oui, pas qu’un peu même ! Bon, il n’avait jamais conclu, mais inutile de le dire, car cela nuirait à son image.

- En effet, je n’en suis clairement pas à ma première. En attendant de trouver la bonne, autant dire qu’il faut profiter de la vie non ?

Puis l’inconnu posa une petite série de questions, Kira se tourna alors en partie vers lui pour écouter avec un intérêt non dissimulé. Comment faire pour aborder quelqu’un ? En restant naturel, tout simplement. Si on aborde une personne en ne se montrant pas comme on est réellement, alors ça revient à enfiler un masque, ce qui peut rapidement se remarquer en plus de donner de fausses attentes à la personne en face. Kira toussa pour prendre la parole.

- Eh bien, il n’y a pas vraiment de recette miracle. Faut juste y aller, parfois ça passe et parfois un peu moi. Le principal est que tu es confiance en toi ! Ce ne sera pas simple au début, mais ça vient comme le vélo, à force de pratique ! Ensuite pour la personne juste avant, eh bien c’est très simple ! L’observation !

Il sourit et se tourna vers la femme en question pour y appliquer un rapide coup d’œil avant de reprendre d’une voix plus basse.

- Déjà, un indice, son verre est vides et si tu as vu ce qu’elle a commandé un peu plus tôt, tu aurais remarqué qu’elle a pris un petit truc pas cher rapide à boire. Donc, la meilleure tentative avec ce genre de femme, c’est de lui offrir à boire ! Mais attention, elle a gardé la carte sur la table prétextant sûrement qu’elle se commanderait une autre boisson. Sauf que c’est simplement pour aviser le prix de la boisson qu’on lui offrira, si elle estime qu’il est convenable, alors elle ouvrira la porte. Sinon, il faudrait vraiment que l’homme en question soit dans son critère de beauté pour qu’elle se laisse tenter. D’autant plus qu’elle s’est placé de façon à ce qu’on ne la rate pas en balayant la pièce du regard !

Kira fit un grand sourire avant d’attirer l’attention vers une autre femme plus au fond de la pièce, discrète depuis tout à l’heure. Il lâcha de la même voix analyste.

- En revanche, cette jolie demoiselle est clairement plus accessible. Son verre est encore à moitié plein, pas d’alcool. Ses petits coups d’œil ininterrompu vers son téléphone indiquent qu’elle attend quelqu’un et elle s’est mise dans un recoin pour justement avoir un maximum d’intimité avec ces personnes. Sauf que cette personne est soit en retard, soit elle s’est pris un lapin. Tu devrais essayer en te montrant gentil et avenant ! Si j’ai vu juste, même sans forcément chercher plus loin qu’une simple discussion amicale, ça lui fera du bien de voir qu’il y a une personne qui lui a montré un petit peu d’intérêt ce soir et si elle ne le souhaite pas, alors elle te le dira probablement avec délicatesse et politesse !

Se prendre un râteau ce n'était jamais agréable, mais dans le fond ce n'était pas bien grave. C'était un défi idiot lancé par ses collègues. Ce n'était pas vraiment comme s'il avait mis son coeur en jeu. Il s'en remettrait. Il avait surtout peur d'avoir dérangé la jeune femme dans ses occupations alors qu'elle ne demandait rien à personne. Toutefois, un nouveau venu ne semblait pas de cet avis. Le comptable hésite. D'un côté, il pense quand même qu'il n'aurait pas dû l'embêter, de l'autre, c'est vrai qu'il est resté civil là où elle s'est montrée presque agressive finalement, alors que justement, il avait pris toutes les précautions possibles pour ne pas se montrer menaçant. Eiji affiche un air choqué quand l'autre lui explique qu'on pourrait aussi bien l'accuser de vol.

"Quand même pas ???"

Ça serait bien une première!! Lui ?? Enfreindre la loi ??? Alors là ! C'était pas prêt d'arriver... l'argument le choque tellement qu'il en oublie de comprendre pleinement la logique... De toute façon, l'homme a l'air tellement sûr de lui, il a forcément raison ! Alors aussitôt, Eiji se dit qu'autant faire contre mauvaise fortune bon coeur, et lui demander des conseils. En plus, il est parfaitement d'accord avec lui, c'est vrai qu'il faut profiter de la vie tant qu'on le peut. C'est donc parti pour les questions. Il est sûr que l'inconnu saura quoi lui répondre, et sans se moquer, contrairement à ses collègues !

"L'observation ?"

Eiji lève un sourcil interloqué. L'observation ? On dirait presque qu'il parle d'espionner un animal sauvage. Mais ça ne s'arrête pas là puisque l'homme déroule aussitôt tout son argumentaire... ou plutôt, sa longue liste d'observations ! Pourtant, Eiji est bien du genre à tout observer autour de lui, mais tout ça, il ne l'a pas vu. Non plutôt... il l'a bien vu, mais il est incapable de l'interpréter correctement ! Alors que l'autre en face fait ça avec une facilité déconcertante ! Notre comptable est plus qu'admiratif. Il boit les paroles de l'autre comme si elles tenaient lui de vérité absolue. Ça c'est malin ! Ça explique tellement de choses effectivement !

"Mais... vous pensez vraiment qu'elle peut faire ça ? Je veux dire, évaluer quelqu'un sur le prix d'une consommation ???"

Ça lui paraît si étrange ! Ça n'a pas beaucoup de sens dans le fond non ? On ne juge pas les gens comme ça ! Il y a tellement d'autres raisons de le faire... mais pour une histoire de prix ? En plus, comment est-on censé deviner quel prix convient dans ce cas ?

"En plus, on ne va quand même pas choisir pour elle non ? Comment on peut savoir ce qu'elle aime ou non ?"

C'est vraiment bizarre ! Plus l'homme explique, et plus Eiji est confus. En plus, l'inconnu continue son expertise en analysant cette fois une autre jeune femme plus discrète. C'est vrai qu'elle semble beaucoup plus aimable et moins hautaine que la précédente. Toutefois, le comptable s'interroge à nouveau : est-ce qu'il ne va pas déranger ? C'est même une certitude si comme le dit l'homme, elle attend quelqu'un. Il ne va quand même pas s'interposer non ???

"Mais si elle attend quelqu'un, elle ne va pas avoir de parler avec quelqu'un d'autre non ? On pourrait déranger..."

Ce pari stupide ne vaut quand même pas de déranger toutes les jeunes femmes tranquillement installées à boire leur verre ? Et en même temps, l'homme marque un point. Peut-être qu'il y a moyen de l'aborder gentiment sans s'imposer ? Si elle souhaite papoter en attendant son rendez-vous, ça doit être possible ? Et si elle n'a pas envie... il serait vite fixé non ?

"Comment je peux faire pour l'aborder sans qu'elle se sente obligée de me parler si elle n'en a pas envie ?"

Parce que jusque là, il croyait qu'il faisait au moins cette partie-là correctement, mais maintenant, il doute un peu...