Une rencontre inattendue ft Eiji Watanabe

C'était un jour habituel. Carrément même la routine à la librairie, servir les clients, vérifier le stock des livres, refaire les rayons... En bref, une journée classique où j'avais à peine le temps de lire moi-même dû au nombre quand même important de clients. C'était ça le désavantage d'être dans une si grande librairie, mais heureusement je n'étais pas toute seule à gérer l'endroit. Je n'étais qu'une employée parmi d'autres, après tout. Et c'était très bien comme ça, je n'aimais pas trop attirer l'attention sur moi. On était trois, comme la plupart du temps, surtout aux heures d'influences. On devait recevoir les clients et les orienter parfois pour qu'ils trouvent ce qu'ils cherchent. Conseiller des lectures n'étaient pas choses aisées, car il fallait en général avoir lu une grande partie de ce qu'on vendait. Cela ne me dérangeait pas d'avoir beaucoup de livres à lire, heureusement qu'on avait le droit à des livres gratuits de temps en temps en tant qu'employé ici.

Bien sûr, je ne pouvais pas avoir lu tous les livres qui existent ni même tous les livres de la librairie, mais on avait tous plus ou moins des préférences et donc pour les questions pointues, on se demandait entre nous. Personnellement, j'aimais beaucoup les livres d'héroïques fantaisies, avec mon autrice préférée Robin Hobb. C'était alors une journée normale jusqu'à ce que je reconnaisse un client qui venait d'entrer à la librairie. Je n'avais pas vraiment envie qu'il me voit et qu'il vienne me parler, pas que je ne l'appréciais pas mais... J'étais déjà assez timide avec les clients, cela risquait d'être encore pire avec Eiji que je connaissais un peu. Je l'avais rencontré au cybercafé, pendant une période où mon ordinateur était HS et que je n'avais pas les moyens de le réparer. J'espérais qu'il n'allait pas me reconnaitre et venir me parler spontanément, je pourrais au moins essayer de faire semblant de ne pas le reconnaitre. Surtout que j'avais squatté durant quelques mois son compte Netflix en secret. En même temps, il a fallu que je le prévienne à un moment. Utiliser comme mot de passe "Azerty1234" n'était pas une bonne idée et que ses identifiants commençaient à tourner sur le dark web. Il était sympa, alors je l'avais prévenu de changer son mot de passe. J'ignorais s'il l'avait fait ou non, mais au moins, je l'avais prévenu...

Je faisais semblant d'être occupé, mais en levant les yeux, je venais de croiser son regard. J'étais grillée, il me restait plus qu'à espérer qu'il ne m'avait pas reconnu...

Eiji avait des heures supplémentaires à rattraper. Ça n'arrivait pas si souvent. Il détestait son travail, mais il le faisait bien, il était même plutôt efficace. Mais la semaine passée, un collègue était tombé malade et il avait fallu se répartir sa charge de travail dans l'urgence. Bien sûr, Eiji avait pris sa part pour soulager ses collègues. Même si ça voulait dire faire encore plus de comptabilité que d'habitude. Berk ! Il se demanderait toujours ce qui lui avait pris de choisir ce métier. Enfin, le bon côté c'était que cette semaine, il avait un après-midi disponible,et en pleine semaine ! Il n'aimait pas spécialement faire les magasins le weekend, c'était tellement toujours plein de gens. Pas qu'il était particulièrement misanthrope, mais c'était quand même moins agréable de flâner quand tout le monde vous bousculait !

Et là, l'anniversaire d'Hana, sa mère adoptive, approchait à grand pas. Comme tous les ans, Tsubaki, sa mère biologique, était nerveuse à l'idée de faire les choses de travers. Eiji trouvait ça mignon qu'elles fassent toujours autant d'efforts l'une pour l'autre... Et l'anniversaire de l'une ou de l'autre, c'était toujours un événement ! Alors comme tous les ans, Eiji se mettait en quête du cadeau parfait. Pour ça, flâner, glaner des idées, c'était quand même l'idéal ! D'où sa présence au centre commercial.

Faut dire qu'Hana faisait partie de ses gens qui "avaient tout" et "n'avaient besoin de rien". Mais Eiji, en bon fils, ou en éternel rêveur, aimait trouver le cadeau qui mettrait de la légèreté dans sa vie ! Voilà. Il était donc là, à errer, sans savoir ce qu'il cherchait. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il le saurait quand il trouverait ! Alors pourquoi est-ce qu'il avait été attiré par cette libraire ? Il ne le saurait le dire. Mais il avait senti qu'il FALLAIT qu'il aille là. C'était le destin. Pourtant Hana ne lisait pas plus que ça. Pas grave. Il avait le temps et si son instinct lui disait d'aller là, c'était sans doute pas pour rien !

Eiji entra donc, et se mit à parcourir les rayons, se laissant appeler, là par un titre, là par une couverture... là par un regard. Il la connaissait cette personne non ? Mais oui !

"Mieko-san ?!"

L'interpela-t-il avec un immense sourire, se plantant devant en la saluant. Ça faisait longtemps depuis qu'il ne l'avait pas vu en vrai ! Pas depuis qu'ils s'étaient croisés au cybercafé où il s'était installé parce qu'un ami allait avoir plus d'une heure de retard à leur rendez-vous.

"Ça fait vraiment plaisir de te croiser dis donc ! Tu vas bien ? Ça fait longtemps ! Qu'est-ce qui t'amène ici ?"

Il avisa ensuite le badge qu'elle portait.

"Oh mais tu travailles ici ? Pardon je savais pas ! C'est chouette dis donc."

Mais attendez ! C'était peut-être ça le destin !

"Mais alors peut-être que tu peux m'aider ? Enfin si tu n'es pas déjà occupée par d'autres missions bien sûr..."

Il voulait quand même pas abuser de son temps de travail !

Et voilà. Il m'avait vu... Et même pire que ça, il se dirigeait vers moi pour venir me parler. Je sentais déjà mes joues s'empourprer et la gêne qui commençait à monter en moi. Je n'avais pas beaucoup d'amis dans la vie - du moins, des amis que je voyais dans la vraie vie -, notre relation en ligne était bien suffisante pour moi, mais vraisemblablement, il n'était pas forcément dans le même cas que moi. Il était vrai que je ne l'avais pas vu depuis le cybercafé, et il le fait remarqué que ça faisait longtemps. Il y avait une raison pour cela, mais c'était trop tard maintenant. Il était là, devant moi et m'avait définitivement reconnu. Devais-je faire semblant de ne pas l'avoir reconnu et lui faire croire qu'il s'était trompé de personne ?

"Oh mais tu travailles ici ? Pardon je savais pas ! C'est chouette dis donc."

Et merde. Je n'avais pas encore répondu, ne sachant plus trop où me mettre, avant qu'il avisa que je travaillais ici et donc il avait repéré mon badge avec mon nom dessus. Je ne pouvais plus faire semblant de ne pas être moi. Il ne me croirait pas, il n'était si débile que ça... Si ? Je baissais les yeux, évitant son regard.

"Bon...Bonjour Eiji-...San..., balbutiais-je péniblement.


"Mais alors peut-être que tu peux m'aider ? Enfin si tu n'es pas déjà occupée par d'autres missions bien sûr..."

"Je... Je suis occupée, j'ai...", commençais-je, mentant éhontément pour essayer de refourguer ce client à un de mes collègues, mais l'un d'eux m'avait interrompu.

"Non, t'inquiète pas, occupe toi de ton ami ! On va prendre ta relève !" disait-il alors, avant de rire doucement en donnant un coup de coude complice à mon autre collègue. Décidément, ils aimaient me voir être embarrassée. J'allais devoir me coltiner Eiji, donc, je prenais une grande respiration essayant de reprendre mon calme et mon professionnalisme. Il fallait que je me souvienne que j'étais au travail et je pouvais faire comme tous les autres clients et éviter de le regarder directement en me concentrant sur l'ordinateur simulant que je recherche quelque chose ou bien en montrant un livre. Enfin bref, en évitant au maximum de croiser son regard, en somme.

"De quoi... as-tu besoin ?", demandais-je, doucement, d'une voix probablement à peine audible. J'espérais qu'il n'allait pas me faire répéter plus fort et que tout allait bien se passer. S'il voulait discuter plus en détail avec moi et de ma vie personnelle, ça allait devenir plus compliquée encore. Tant que ça restait pour le travail, ça pourrait... aller. J'espérais que tout allait bien se passer, désormais...

Ce n'est pas qu'il voit pas que Mieko est gênée, c'est plutôt qu'il ne voit pas pourquoi. Sans doute qu'elle s'inquiète qu'il aille raconter des trucs sur elle à ses collègues qu'elle n'a pas envie qu'ils sachent. Pas qu'il sache tant de chose que ça sur la jeune femme dans le fond, mais on ne peut jamais savoir ce que les gens veulent garder pour eux ou non. Et ça, Eiji est bien placé pour le savoir ! Il se garde bien de parler de ses passions à ses collègues. Alors Mieko peut être tranquille : il ne dira rien qui puisse la mettre mal à l'aise ! D'autant plus qu'elle est sur son lieu de travail. Alors même s'il a parfois tendance à déborder, il se doute bien qu'il ne peut pas s'accaparer son temps. Il y fera bien attention.

Il allait lui signaler que si elle était déjà sur autre chose, ce n'était pas bien grave, il pourrait toujours se débrouiller. Mais apparemment, ses collègues offrent de se réorganiser. Eiji n'est pas trop sûr de comprendre pourquoi ils rigolent. La même chose lui arrive souvent d'ailleurs avec ses propres collègues, et il ne comprend pas plus. Décidément... Dans le doute, il leur affiche un grand sourire.

"Ha ! C'est gentil de votre part ! Merci beaucoup !"

Parce que quand on avait un doute, le mieux c'était toujours d'être aussi poli que possible ! Inutile de créer des conflits inutiles avec les gens.

Retour sur Mieko. Toujours avec enthousiasme.

"En vrai, tu tombes vraiment bien. Ça doit être un signe du destin. Ou quelque chose du genre ! Je suis à la recherche d'un cadeau d'anniversaire pour ma mère, mais cette année je crains de m'y prend un peu tard. Je cherche l'illumination, tu sais l'idée qui fait "wouaou !", mais comme je manque un peu de temps, j'avoue que j'ai peur de ne pas pouvoir flâner autant qu'il le faudrait..."

Clairement, il se sent un peu bête. Il a été tellement pris par ces soudaines heures supplémentaires qu'il n'a pas eu l'espace mental disponible pour y réfléchir. Et sincèrement il s'en veut un peu. Hana n'étant pas sa mère biologique, il sait que des fois elle a peur de passer au second plan... alors qu'il l'aime autant que Tsubaki ! Alors vraiment, il ne veut pas lui offrir quelque chose de banal, à la va vite. Il faut vraiment qu'il trouve une idée.

"Tu aurais quelque chose à me conseiller toi ? Quelque chose qui sortirait un peu de l'ordinaire et qui pourrait la surprendre ?"

Oui bon, dit comme ça c'est un peur large. Mais tu as confiance entière en Mieko pour t'aider. Puis c'est son métier qui plus est... alors elle est sans doute mieux placée que toi pour savoir ce qui se fait ! Tu es confiant, tout va bien se passer !