Tripping in the world could be dangerous [AXeL & ALeX ♥]

Break me down and build me up

La salle de tir était, contre toute attente, un vrai melting-pot. Le public y était varié : professionnels en pratique, passionnés en pleins kifs, amis mis au défi en plein amusement... Mais à cette heure-ci, il n’y avait généralement pas grand monde, dans le meilleur des cas personne. Ça faisait mon affaire.

Par ailleurs, vu ma tête aujourd’hui, je préférais ne pas rencontrer trop de monde. Pour le retrouver et dépasser ce fichu traumatisme, je voulais être moi-même, alors pas d’artifice. Adieu les yeux charbonneux pour faire fondre ces messieurs et ses dames, adieu le bustier sexy qui avait fait tourner la tête de Brian, adieu la robe moulante que Chandini avait finalement à peine regarder... place au simplissime. Mon sweat gris préféré, avec écrit sur une imitation d’avertissement de paquet de cigarettes français « Chapeau point tue. », qu’aucun non francophone ne pouvait comprendre, mais que j’adorais. Un jeans vieux comme le monde qui en avait vu des vertes et des pas mûres avec moi, et possédait autant de trous que moi de neurones -je vous laisse en déduire ce que vous voulez au sujet des uns ou des autres. Mes boots fétiches, dont le cuir autrefois rigide avait ramolli au point d’épouser parfaitement la forme de mes pieds, en faisant presque des chaussons. Mes cheveux noués un peu trop rapidement en un chignon négligé venaient parfaire le tableau.  J’avais la tête typique de la nana qui comptait passer son dimanche enfermée chez elle devant son ordi. Mais encore une fois, étant donné l’activité du jour et le peu de gens que je risquais de rencontrer, je m’en secouais un peu les plumes.

Le chemin m’était plus que familier, je pouvais presque le faire les yeux fermés. Et si tôt le matin, il n’y avait pas grand monde dans la rue non plus, c’était agréable, cette sensation d’avoir la ville pour soi. Je ne mis pas longtemps à arriver à destination. C’était la salle la plus proche de chez moi, et le hasard voulait que c’était aussi la mieux équipée, je savais que les policiers s’y rendaient de temps à autre lorsqu’ils ne s’entraînaient pas dans leur salles privées.

J’ouvris les portes, me retrouvant devant le guichet servant d’accueil.

« Bonjour Miss Laval »

L’accent à couper au couteau de Kyosuke réveillait toujours immanquablement ma bonne humeur. Il connaissait à tout casser 3 phrases en français mais se faisait toujours une joie de me les exprimer, et c’était franchement trop mignon. Ça et son sourire chaleureux, on ne pouvait rêver meilleur accueil de bon matin.

« Bonjour Kyosuke »

Je le gratifiai d’un petit sourire avant d’enchaîner en japonais cette fois :

« Comme d’habitude pour moi »

Je sonnais comme la vieille habituée d'un bar, et on n'était pas si loin du compte à bien y penser. Le tir, au même titre que l'alcool, était une drogue pour certains. Pour moi, c'était un peu différent. Je n'aimais pas celà, je n'en avais pas non plus besoin en tant que tel, mais j'avais toujours l'espoir que cela m'aide. Kyo me tendit la clef d’un casier et me dit signe que je pouvais passer. Je payais toujours à la fin, ne sachant jamais vraiment quand la séance allait se conclure.

Récupérer mon équipement fut rapide, j’étais une habituée des lieux. Casque sur la tête, arme et recharges sur la ceinture de sécurité, je rejoignis les couloirs de tir. En poussant la porte anti-bruit, je constatai avec satisfaction qu’il n’y avait, comme prévu, pas un chat. C’était parfait. Je partis me mettre en position.
Jusque là, tout allait pour le mieux. Ma main était stable, ma volonté de fer. Je m’installais face à l’une des cible, j’avais l’embarras du choix. Le casque déjà bien vissé sur ma tête étouffait tous les bruits alentours, me plongeant dans une bulle de silence réconfortante, comme si personne ne pouvait m’atteindre. Ça commençait toujours comme ça. Ça finissait, malheureusement, généralement mal.

J’avais cela dit déjà fait de considérables progrès. Au début, la simple vue d’une arme à feu déclenchait mes cauchemars diurnes. Maintenant je pouvais non seulement les regarder, mais aussi les prendre en main. C’était après, le problème. Mais je ne désespérais pas de parvenir, un jour, à surmonter complètement mon blocage.

Une main sur le manche, une main en soutien, un œil fermé pour viser. Dès que mon index effleura la gâchette, tout s’écroula. Je fus soudainement prise d’un violent tournis, immédiatement relayé par une image qui s’imposa à ma vue, comme si elle se superposait à la réalité.

Grégoire est là, devant moi, à genoux. Un bruit assourdissant et le voilà qui bascule, s’effondre, le sang jaillit de son crâne et le peinturlure comme une vulgaire toile. Un rideau de sang sembla se dérouler devant mes yeux, effaçant tout mais surtout Grégoire du paysage. J’étais à nouveau dans la salle de tir. Tout était flou, je réalisai rapidement que c’était parce que mes yeux étaient embués de larmes. Ma main se mit à trembler comme si on m’électrocutait, prise de soubresauts incontrôlables qui finirent par me faire jeter mon arme par terre. Les spasmes continuèrent un moment alors que j’essayais de retenir mon souffle, prise de hoquet.

Enfin, tout se calma, comme si la terreur était retournée se terrer dans sa tanière, laissant derrière elle une sorte de carcasse vide : Moi. Dans la panique, j’avais reculé jusqu’à prendre appui contre le mur derrière moi. J’étais encore sonnée, totalement inconsciente du monde qui m’entourait. Il me fallut encore quelques secondes pour retrouver contenance, trop concentrée sur mon état pour remarquer quoique ce soit autour de moi.

« Merde ! Merde ! MERDE ! »

Les mots s’échappèrent, hurlant, au même moment que j’envoyais valdinguer mon casque de protection contre l’un des murs. Je n’étais pas assez inconsciente pour ramasser et jeter au loin mon arme, tout de même.
Mes cris de fureur eurent droit à un écho, là desertion de la salle en faisait une vraie caisse de résonance. Je me demandais un instant si Kyosuke m’entendait depuis l’accueil. Probablement que non : ce n’était pas la première fois que je laissais éclater ma colère, et il ne semblait toujours pas effrayé par moi.

Quoiqu’il en soit, c’était encore un échec, et je sentais une frustration dévorante se répandre en moi, me faisant serrer les poings à m’en blanchir les jointures. J’étais persuadée d’adopter la bonne méthode. Alors pourquoi ce foutu blocage ?
Je laissai échapper un nouveau cri de rage, espérant ainsi évacuer ma colère. Manifestement, en vain.

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Ma première réaction instinctive fut de lui hurler dessus comme j’avais hurlé sur du vide. Heureusement pour moi mon instinct social se réveilla rapidement me rappelant qu’on ne faisait pas ça, habituellement, crier sur des inconnus. Et surtout, que ça n’allait pas franchement m’aider à quoique ce soit. J’inspirai un grand coup, ravalant cette fichue colère qui m’avait submergée quelques minutes à peine, me faisant au passage passer pour une folle. Je détestais qu’on me voit dans un tel moment de faiblesse… C’était pathétique, ça attirait la pitié, et je détestais faire pitié. Rien de pire que le regard attendri de quelqu’un me prenant pour une demoiselle en détresse ! Heureusement pour ce type, et pour moi, pas de pitié à l’horizon. Juste une espèce de sympathie bienvenue. Il approcha sa main de mon épaule, et si je lui aurais probablement collé mon poing dans la gueule s’il avait osé m’offrir sa pitié, là, je le laissai faire. Finalement, ce n’était pas si désagréable une main amie.

« Désolée je dois passer pour une psychopathe... »

Répondis-je, esquivant le « ça va », un léger sourire au coin des lèvres. Je me mettais à la place du pauvre bougre : si j’étais rentrée dans la salle pour voir une furie hurler et balancer ses affaires… Je me serais sans doute posée quelques questions. Quoique… J’avais toujours été attirée par les cas sociaux, alors il était probable que j’aurais trouvé le moyen de sympathiser avec l’hypothétique furie. Mais bon, la plupart des gens saint d’esprit aurait plutôt tendance à fuir.

« C’est le niveau au dessus de ceux qui parlent tous seuls »

Ajoutai-je dans un petit rire. Faire de l’humour pour éviter du parler du vrai souci, tellement typique de moi ! Et tellement efficace aussi… En même temps, ce pauvre bougre pris à parti bien malgré lui n’allait pour sûr pas insister pour connaître les tréfonds de mon inconscient et de mes traumatismes… Ce n’était pas franchement intéressant, et s’il voulait des histoires sordides, il en aurait fait son métier, il serait devenu psy, sans doute. Remarquez…. A ce stade je ne savais pas ce qu’il faisait !

« Rassure moi, t’es pas psy ? »

Demandai-je, à moitié pour rigoler, à moitié sérieuse. Non parce que bon, les psys, j’avais déjà donné, et j’aimais moyennement. Je ne voulais pas avoir l’air de TROP éviter la question non plus, car ça attirait généralement encore plus l’attention, alors je décidai de répondre, évasive.

« Oui, on peut dire ça comme ça »

Je le regardai ramasser mon arme et la garder pour lui. Je pouvais comprendre qu’après m’avoir vu hurler comme une démente il n’avait pas trop envie de me la remettre dans les mains, de toute façon je n’avais pas plus que ça envie de recommencer à tirer dans l’immédiat. Il fallait d’abord que je me remette un peu de mes émotions.

« Salut Alex le matinal, alors. Moi c’est Axel… Ca devrait pas être trop dur à retenir pour l’un comme pour l’autre »

C’était amusant, deux prénoms si proches. Une petite lettre à inverser, et le tour était joué. Je ne croyais certainement pas aux signes du destin, mais je trouvais cela très drôle malgré tout, de tomber sur un quasi homonyme au Japon, où nos deux prénoms étaient loins d’être courants.

« Et ouais, j’ai comme un blocage dès que j’essaye de presser la détente. Ca me met dans… un drôle d’état. Enfin je vais pas te faire un dessin, tu as vu quoi »

Peut être qu’il était vraiment psy, en fait ? Parce qu’il m’avait amenée à me dévoiler sans trop rien faire, et ça, c’était vraiment une technique secrète de psy, d’endormir la méfiance des gens. Ca devait être son sourire. Je détestais ce genre de sourire, ça nous rendait tous vulnérables, et moi, ça me rendait méfiante. Mais le sien était vraiment redoutable, car pour le moment j’avais plus envie de discuter avec lui que de m’enfuir. Je tirai sur l’élastique qui retenait mes cheveux pour libérer le chignon qui commençait à me faire mal au crâne à force de tirer sur les racines, laissant mon flot de cheveux bruns retomber sur mes épaules avec pleins de jolis faux plis… Ah que je devais avoir l’air maligne ! Mais qu’importe, au moins c’était plus agréable.

« Alors, Alex le matinal, tu viens souvent ici ? Tu vois souvent des cas ? »

Autant dédramatiser la situation, hein. Je n’étais pas du genre à pleurer sur mon sort, encore moins en public. Et si la colère était montée en pic, elle était redescendue aussi rapidement. Tant mieux, ça m’aurait ennuyé d’égratigner un joli visage de si bon matin à cause d’une petite saute d’humeur. Bon, l’ennui avec moi, c’était qu’il n’y avait jamais de PETITE saute d’humeur, que d’énormes crises de rage. Heureusement, la présence de ce Alex avait semblé l’endiguer pour de bon. Je me sentais drainée, fatiguée, mais plus enragée. Peut être qu’Alex était magicien, en fait ?

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« Olah je ne peux que être d’accord avec toi sur ce point… »

Répondis-je, l’air amusée. Pour sûr, chacun était le psychopathe de quelqu’un d’autre. Mais je devais admettre que ce Alex m’intriguait. Il croisait souvent des psychopathes ? Et il n’était pas psy… Que pouvait-il donc bien faire dans la vie pour fréquenter de manière régulière des psychos ? C’était plus fort que moi : dès que je flairais le danger quelque part, il FALLAIT que je plonge mon nez dedans.
Peut être qu’il était un genre d’agent secret ? Avec ses petits sourires en coin et son air charmeur, il avait un petit air James Bond.
Je dus d’ailleurs m’infliger une baffe mentale pour me remettre sur les rails : ce n’était pas le moment de me laisser avoir au jeu d’un inconnu, si tentant cela soit-il…

Cela ne nous empêchait pas d’échanger nos noms, évidemment. La ressemblance de nos prénoms le fit rire également.

« Clairement, je ne vois pas d’autres explications »

Fut ma réponse à sa théorie sur le destin, un sourire venant retrousser le coin de mes lèvres. Je n’y croyais pas plus que lui, mais ça restait amusant de partir dans ces sous-entendus.
Bien plus amusant que d’aborder le sujet de mon blocage psychologique, ça c’était certain. En temps normal, je fuyais ce sujet comme la peste, mais depuis le début, ce type m’inspirait confiance, sans trop que je ne sache pourquoi. Une fois de plus, je me trouvai à déballer mon sac plus que de nature, et plus que de raison.

« Pas sûre que ce soit le blocage du débutant là… J’ai vu un type se faire tirer dessus sous mes yeux, et depuis, impossible pour moi de prendre une arme en main sans que les images ne reviennent »

Evidemment, je n’allais pas non plus tout raconter. Personne sur terre ne savait que la personne que j’avais vu mourir sous mes yeux, c’était moi qui lui avais tiré dessus. Enfin, si. Une personne savait. Major, mon frère. Mais il ne le dirait probablement jamais, et je ne comptais pas non plus le faire. Pas après avoir assuré à la police Marseillaise que je n’avais été que témoin du meurtre de leur collègue…
Heureusement pour moi, Alex vint lui-même détourner la conversation, me simplifiant considérablement la tâche.

« Flic ? Ah mais… Là c’est moi qui vais finir par croire au destin ! »

Dis-je dans un petit rire. Ok, du coup ce n’était pas James Bond mais… Un policier, ça m’allait très bien aussi. Ca me rappelait pleins de bons souvenirs, ce qui était d’ailleurs assez bizarre, quand on savait que c’était aussi le moment où j’avais le plus risqué ma vie. Je mis un peu de temps à réaliser que ma phrase pouvait être un peu bizarre, et potentiellement mal interprétée… Oups, à moi de rattraper le coup !

« Euh… Pas que j’ai quelque chose contre les flics. Ou que j’ai eu souvent à faire à eux… Mais j’ai collaboré avec la police sur une affaire il y a quelques années alors…. Forcément j’ai un historique avec les flics, pour ainsi dire »

A tant me justifier, je sonnais en fait encore plus suspecte ! Je me sentais soudainement un peu con… Mais il était trop tard pour faire machine arrière dans tous les cas. Je décidai donc de jouer la carte de l’humour.

« Mais moi je suis rangée. Je ne suis qu’une innocente informaticienne, consultante à ses heures perdues »

Evidemment, avec mon sourire de canaille et mon air pseudo-angélique, il ne fallait pas sortir de Polytechnique  pour savoir que j’étais à des kilomètres de l’innocence… Mais enfin, de toute façon, je ne voudrais pas donner une fausse image de moi. Haussant les épaules, j’ajoutai :

« Et… tireuse foireuse à ses heures encore plus perdues »

J’éclatai de rire à sa question. Il avait le don de me détendre, c’était impressionnant.

« Je viens souvent ici, mais je ne défonce pas tout ce qu’il y a autour de moi à chaque fois. Je réserve ce superbe spectacle aux meilleurs »

Je ponctuai ma réponse d’un petit clin d’œil, ne me faisant la réflexion qu’après coup que ça faisait un peu drague à deux balles comme réplique. Tant pis. Je n’étais plus à ça près, après tout, il y a quelques minutes à peine il m’avait surprise en train de hurler toute seule.

« C’est d’ailleurs la première fois que je m’exécute devant un public ! Imagine le privilège… »

Ajoutai-je dans une petite pirouette théatrale. A croire que ma petite crise de panique m’avait grillé un neurone ou deux… Entre ça et les tensions qui me couraient dans la dos après m’être crispée de la sorte, il n’y avait plus grand-chose de fonctionnel chez moi. J’étais bonne pour un bain chaud et du repos, comme une vieille mamie. Tu parles d’un programme piteux ! Dans la mesure où tous mes passages au stand de tir finissaient comme ça, ce n’était plus vraiment nouveau. Par contre, pourrir la matinée d’un charmant inconnu, ça c’était nouveau !

« Désolée de pourrir ta séance d’ailleurs… J’imagine que tu n’avais pas forcément prévu de réconforter une psychopathe psychosée dans ton programme »

Le principe de venir tôt le matin, c’est bien d’être tranquille, non ? De ce côté-là, on pouvait dire que j’avais bien pourri la journée d’Alex. Mais bon… Je ne pouvais pas dire que je regrettais totalement.

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Je hochai la tête tout en laissant s’échapper un petit rire nerveux : ce sujet était toujours un peu difficile pour moi, même après toutes ces années.

« J’espère aussi… Ca commence à dater un peu, et même si je n’ai pas de cauchemar ou conneries du genre, on ne peut pas vraiment dire que je sois totalement guérie… »

Et ça m’emmerdait. Ca m’emmerdait beaucoup même, parce que concrètement, si je veux me relancer dans ce genre d’enquête ou d’infiltration, je ne pouvais pas être traumatisée des flingues, c’était juste impossible.  Bon évidemment, ça serait nettement plus difficile de décrocher ce genre de mission sans un Jérôme pour me la donner, mais je ne désespérais pas. Il suffisait juste de se rapprocher de quelqu’un dans la police, non ? Quelqu’un comme… Alex par exemple. Et puis, ne nous mentons pas : il était mignon, il avait un charme fou, et on avait une bonne alchimie tous les deux… C’était très naturel entre nous alors que nous ne nous connaissions ni d’Eve ni d’Adam il y a quelques minutes à peine.

Quoiqu’il en soit, il avait toujours le bon mot pour me détendre, alors que ça n’était pas gagné vu l’état dans lequel je me trouvais.

« Oho… Je rêve où tu te proposes pour devenir mon coach particulier ? C’est une offre que je ne peux pas refuser ça… »

J’éclatai de rire lorsqu’il me demanda si je comptais tout dézinguer à chaque fois.

« Non, t’inquiètes pas, ça c’est juste pour les grands jours. Et puis… pas sûr que Kyosuke me laisse encore rentrer si je lui mets un tel boxon à chaque fois »

Il fallait admettre que j’avais particulièrement dérapé cette fois-ci ! D’habitude, il m’arrivait de hurler ou d’avoir une crise, mais je ne faisais normalement pas de dégat matériel. Comme quoi, il fallait bien une première fois à tout… Je m’en serais passée de celle-ci cela dit.
Et là, il dégaina LA question improbable, me faisant même hausser les sourcils.

« Eh bah... non ! Le destin n’a pas été jusqu’au bout, je ne suis pas prof là bas ! »

Ça aurait quand même été énorme !

« Attends… Me dis pas que t’es prof là bas en plus d’être flic quand même ? »

Non parce que bon… Être flic, ça devait prendre un sacré paquet de temps mine de rien, donc je l’imaginais mal aller donner des cours de moral aux gamins entre deux enquêtes. Enfin… Je disais enquête, mais si ça se trouve c’était monsieur PV. Ca en jetait moins, c’est clair, mais il en fallait !

« D’ailleurs, tu bosses dans quel département de la police ? »

Autant lui demander, comme ça je serais fixée. Ce ne fut qu’après avoir formulé ma question que je réalisais à quel point ça pouvait sonner louche. Eclatant à nouveau de rire, je me pris le bas du visage entre les mains.

« Désolée, curiosité mal placée… Ca fait quand même la meuf louche qui essaye de soutirer des infos à la police mine de rien »

D’un autre côté… Il semblerait bien que je ne sois pas la seule à agir avec une idée derrière la tête. Alex et son petit sourire en coin, et son faux air innocent… Je le voyais venir à des kilomètres. Mais je m’en fichais, au fond, qu’il essaye de tirer quelques ficelles, parce que moi, ça m’amusait. Et à vrai dire, j’étais certaine que s’il avait voulu VRAIMENT faire dans la subtilité, il y serait parvenu comme un chef. Si je le voyais venir avec sa combine, c’était qu’il le voulait bien. Il semblait avoir parfaitement cerné la joueuse que j’étais. Ca me plaisait bien tout ça…

« Rangée… rangée… Tu sais c’est comme tout : on se range pour mieux se faire déranger. Prends une chambre par exemple : pourquoi y mettre de l’ordre si ce n’est pas pour y foutre le bordel ensuite ? »

Ok, tout le monde ne partageait sans doute pas ma théorie mais… Qu’importe. Moi, c’était ma façon de voir les choses. Il n’y avait qu’à voir comment mes yeux s’étaient allumés quand il avait juste évoqué le fait de replonger dans les histoires tordues pour comprendre que je n’attendais en fait que ça, de me faire déranger.

« Pourquoi, t’as une idée particulière derrière la tête ? J’adoooore aider les gens moi, je m’en voudrais de ne pas te filer un coup de main alors que je le pourrais »

Certes, je minaudais un peu, mais bon… C’était un jeu, non, entre nous ? Je m’étais un peu rapprochée de lui, penchant la tête sur le côté, le dévisageant avec un air de sainte qui ne m’allait probablement pas du tout. Mais là, il avait plus qu’éveillé ma curiosité : il l’avait chauffée à vif. S’il retirait maintenant son offre, pour sûr, il ferait de moi la plus grande des aventurières frustrées. Il n’oserait quand même pas, si ?

Son « compliment » me tira un autre petit rire. Un grain de sable psychosé ? Le pire, c’était que c’était probablement la meilleure description qu’on pouvait faire de moi… Mais je n’étais pas certaine de devoir m’en réjouir. Pour la plupart des gens, ce n’était pas exactement une qualité.

« Eh beh…Tu sais parler aux femmes toi ! Je suis sûre que tu es un grand tombeur de ces dames »

Le charriai-je gentiment, sans trop non plus lui cacher le fait que son petit descriptif m’avait au fond plutôt fait plaisir. Je n’étais pas particulièrement sensible à la flatterie, mais apparemment, la moquerie marchait d’enfer sur moi. Comme quoi, quand je disais que j’étais montée à l’envers, je n’avais pas totalement tort…
Il dut sentir que je ne restais pas indifférente à son « beau » parler, car il se rapprocha de moi à son tour, glissant sa main dans mon dos. Je me gardai bien de lui faire remarquer que j’avais fait une clef de bras à certains pour moins que ça parce que… ma foi c’était plutôt agréable. Et puis, entraîné comme il l’était, il aurait probablement retourné la situation à son avantage avec une facilité déconcertante.

Et là contre toutes attentes il se mit à me faire…. Un massage ? Ce type était définitivement pleins de surprise. Je me laissai faire, essayant de ne pas contracter mon dos. Je pouvais sentir les points de tension, et aussi sentir un certain savoir-faire dans sa technique. Il se décala pour pouvoir me regarder tout en continuant son petit jeu de doigt.

« Mais dis donc… tu proposes souvent des massages comme ça  aux filles que tu viens de rencontrer ? »

Je pris un air faussement offusqué, mais mon sourire trahissait mon jeu et le fait que j’étais très très loin d’être offensée. Penchant un peu la tête pour dégager ma chevelure et lui laisser tout le champ libre, j’ajoutai :

« L’offre de massage est particulièrement tentante… Surtout si tu es doué pour ça, ça serait criminel de refuser »

Non et puis, on ne se faisait pas proposer des massages tous les jours non plus… Encore moins par un mec mignon et drôle. Moi faible ? Ok. Peut être un peu…  Mais l’essentiel, c’était d’être en paix avec moi-même, et c’était le cas.

« On peut cumuler les offres ? Non parce que je ne suis pas non plus contre un café après… »

Ajoutai-je dans un sourire taquin. Ca faisait un peu grosse opportuniste mais… C’était lui qui avait commencé, non ?

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Kyosuke était pour sûr quelqu’un de plutôt sympathique et arrangeant, mais comme le supposait si justement Alex, je doutais qu’il apprécie qu’on saccage son matériel, et accessoirement son gagne-pain. Et ce n’était pas parce qu’il avait l’air d’un fil de fer qu’il ne pouvait pas se montrer redoutable, ça, mon expérience me l’avait déjà appris, parfois à mes dépends.

« Ah oui… pas donné comment ? »

Répondis-je dans un sourire. Concrètement, un vrai coach ne me ferait probablement pas de mal dans la mesure où j’étais complètement paumée dans ma vie… Mais bon, mes finances ne me permettaient clairement pas de me payer un coach, ou un psy ou… quoique ce soit. Les mauvaises langues diraient que je pourrais dans ce cas me passer de mes séances de tir mais… Je n’avais pas pour habitude d’écouter les mauvaises langues, ou d’écouter quique ce soit avec un avis contraire au mien, au demeurant. Se remettre en question, tout ça, c’était pas trop mon fort, alors tant pis…

« Tu acceptes des paiements alternatifs ? »

Ca sonnait quand même vachement comment une proposition graveleuse… Si ça en était une ? Oh que non ! J’étais encore traumatisée de ma mésaventure avec Brian… Il fallait vraiment que j’arrête de me laisser guider par mes hormones, surtout si c’était pour me mettre dans la panade ensuite. Non vraiment… Il fallait que je me maîtrise. Et ce même si concrètement Alex était TRES mignon, et TRES sexy. Entre ça et le fait que j’étais de nature très joueuse, ça n’allait pas être simple. C’était plus fort que moi : j’adorais beaucoup trop flirter et faire des sous-entendus, alors quand en plus j’étais face à quelqu’un qui me plaisait... J’étais parfois incorrigible, mais promis, j’essaye de me soigner. Pour le moment, ça ne marche pas tellement…  Mais je garde espoir. Probablement à tort. Bordel, plus j’y pense et moins j’ai envie de tenir mes bonnes résolutions.

Heureusement pour moi, Alex offrit de lui-même un beau détournement d’attention en me questionnant sur mes activités professionnelles.

« Ca peut s’arranger hein, je suis sûre qu’ils ont besoin de prof d’informatique »

Répliquai-je dans un sourire. Même si honnêtement… Je ne suis pas certaine de supporter des étudiants. La patience et moi, on n’était pas tellement copines, et de la patience, il en fallait probablement un certain paquet pour supporter ces grandes tiges plus préoccupées par les soirées beuveries que par tout le reste.

Et alors qu’il s’engageant sur la piste généralement très glissante de l’age, je ne pus m’empêcher de sauter sur l’occasion pour le charrier un peu.

« Tu me donnes quel age ? »

Je pris un air presque offusqué en lui demandant cela, comme s’il venait de sous entendre que j’étais BEAUCOUUUUP plus agée que je ne l’étais réellement. En vérité… on ne devait pas être si loin l’un de l’autre question age. Et surtout… je n’avais jamais vraiment porter trop d’importance aux années. J’étais parfois bien plus immature que je n’aurais dû l’être, et parfois beaucoup plus sage qu’une personne de mon age devrait l’être alors bon… Je savais que le compteur des années ne signifiait pas grand chose. Mais bon… j’avais l’impression de connaître Alex depuis toujours alors que l’on venait de se rencontrer, ce qui expliquait pourquoi je m’amusais tant à le taquiner : j’étais inhabituellement et étonnamment à l’aise en sa compagnie. Et ce devait être réciproque, puisqu’il n’était pas no plus le dernier à essayer de me faire tourner en bourrique. Agent de circulation, hein ?

« Terriblement, je rêve que tu me mettes un PV là, t’imagines même pas… »

Fut ma réponse, le dévisageant avec un air exagérément admiratif, comme une adolescente devant sa rockstar préférée. Il craqua finalement avant moi, cédant à l’hilarité le premier, et je le suivis de près. La crim’, hein. Ma curiosité était encore plus piquée, si c’était encore possible. Face à ses pseudo-suspicions, je plissai les yeux, un air faussement mystérieux sur le visage.

« Mm… et si c’était le cas ? Tu ferais quoi ? »

Et là, tentation ultime, le voilà qui se mit à sous-entendre que je pourrais l’aider sur une affaire… C’était la formule magique pour réveiller l’aventurière en moi, même si celle-ci ne sommeillait que rarement en vérité. Et là… sa proposition tomba. Pendant une demie-seconde, je faillis le croire. Comme quoi il restait encore des traces de naïveté en moi…

« Je savais que les flics étaient limités en budget, mais de là à ne même pas avoir un petit informaticien pour maintenir le matos… Vraiment, je vous plains »

Le charriai-je, rentrant dans son jeu, espérant au fond de moi qu’il plaisantait réellement. Je le connaissais peu, mais mon intuition me disait qu’il était joueur, lui aussi. J’allais vite découvrir qu’en effet, Alex pouvait facilement me tenir tête question provoc’, sous-entendus et taquinerie. Le voilà qui adoptait une approche frontale, me défiant de le contredire sur le fait qu’il ne me laissait pas indifférente.
J’haussai un sourcil, relevant silencieusement son challenge.

« Qui sait… Je ne révèle jamais mes secrets. Ou en tout cas… pas si facilement »

Enclenchant la vitesse supérieure, ce fut cette fois-ci par une approche tactile qu’il décida de passer à l’offensive. Sur ce coup, il avait été plutôt bien inspiré : j’étais particulièrement faible face à cela, mais je ne comptais pas le lui montrer trop facilement. Heureusement pour moi, je maîtrisais de manière honorable la pokerface, que je m’empressai d’enfiler.

« Je vois, j’ai donc beaucoup de chance de tomber sur un grand jour »

Tout en disant ceci, j’en profitai pour dégager mes cheveux de ma nuque et de mon dos, lui laissant ainsi le champ libre et, accessoirement, lui donnant carte blanche pour sa proposition.

« Waouw, je me sens VIP là… »

Murmurai-je en me tournant légèrement vers lui, juste assez pour pouvoir l’observer. Je pris une grande inspiration pour me détendre, fermer les yeux et profiter du massage autant que possible même si bon… Le contexte et le lieu ne s’y prêtaient pas trop. Manquait plus qu’une 3eme personne ne débarque pour s‘entraîner !

« En tout cas je note que passer pour une folle furieuse me fait récolter un massage, un café gratuit, et de la bonne compagnie… Je ne comprends pas que ce ne soit pas breveté comme technique de drague infaillible »

Je plaisantais, mais qu’à moitié finalement. Concrètement, c’était ce que j’avais connu de plus romantique depuis des années… Alors certes, ma vie amoureuse était LOIN de faire office de référence, mais tout de même, c’était à se poser des questions !

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Sur le coup, sa réponse me prit tellement au dépourvu qu’il y eut un blanc de quelques secondes… avant que je n’éclate de rire. Ok, il m’avait eue là. J’aimais bien ce côté décalé et impertinent, je devais l’admettre. C’était de plus très plaisant de se laisser surprendre. L’étonnement passé, je repris du poil de la bête pour pouvoir rentrer dans son jeu à nouveau.

« Ahem… définis « savoir cuisiner » ? Non parce que ça pourrait mal finir cette histoire quand même… »

Ok je n’étais pas SI nulle que ça en cuisine mais… En fait si, j’étais très très nulle. Ma notion du plat réussi, c’était se faire livrer chez moi de la bouffe. Je faisais partie des gens extrêmement doués qui arrivent à cramer l’extérieur de leur nourriture mais à la laisser crue à l’intérieur. Il y avait une place spéciale en enfer pour les mauvais cuisiniers dans mon genre. Pour sûr, je n’étais pas conforme au super cliché de la femme d’intérieur hyper douée en cuisine. D’ailleurs, à bien creuser, je n’étais pas conforme à beaucoup de clichés tout court, à part peut être les clichés d’informaticiens geeks, ça oui.

En tout cas, Alex ne perdait pas le nord, car après avoir fait mine de ne pas comprendre mon sous-entendu –même si je savais clairement qu’il l’avait très bien perçu- il revint de lui-même sur le terrain de l’ambigüité.

« Trouver quelque chose où je suis plus douée que la cuisine, ça ne va pas être bien difficile mais… Ouais, il y a bien une ou deux choses où je pense ne pas être trop mauvaise »

Répliquai-je dans un sourire plus qu’équivoque, lui jetant une œillade amusée, ne détaillant pas plus ces fameuses « choses » où je me débrouillais plutôt bien. Pourquoi expliciter quand on peut laisser parler l’imagination ?
Alex embraya sur le terrain très glissant de l’age, et je m’amusai bien à lui faire croire un moment que sa remarque m’avait vexée. Il effectua une pirouette plutôt agile pour se sortir de ce mauvais pas.

« Sache que… tu te rattrapes plutôt bien. J’ai failli m’offusquer »

Mon air amusé contredisait totalement mes dires : pas moyen qu’on me croit véritablement.

« Mais détrompe toi, ma famille est très vieux jeu. Si tu veux m’emmener au bal du lycée, c’est l’aval de toute la tribu que tu dois avoir »

Ajoutai-je dans un petit rire. Concrètement, dans la mesure où je n’avais plus contact ni avec ma mère, ni avec mon père, que ma grand-mère était morte, mon frère en prison, et que l’unique figure paternelle que j’ai jamais eu, Jérôme, était à l’autre bout du monde… Le tour de la tribu serait TRES vite fait. Je n’avais même pas un chat ou un chien à convaincre. Non vraiment, c’était une affaire presque trop facile. Mais bon, c’était de bonne guerre, car entre nous, ça virait vraiment à qui raconterait le plus de conneries. Ca nous amusait, tous les deux, et c’était le plus important. De toute évidence, on avait un bon feeling, lui et moi, et ça arrivait assez rarement pour que je ne passe pas à côté.

Lorsqu’il évoqua la possibilité que je veuille fuir pour préserver mes sombres secrets, je pris volontairement un air pseudo-mystérieux, levant les sourcils dans une mimique énigmatique.

« Eh bien… il faudra creuser pour le découvrir. Tu m’as tellement vanté tes talents de flic que je suis curieuse de voir ça maintenant. Alors…. Lourds secrets ou pas, je vais plutôt rester dans tes parages et voir ce que tu vaux… »

C’était presque un défi, ainsi dit, mais surtout une manière pas si subtile de lui dire qu’il ne se débarrasserait pas de moi aussi facilement. Maintenant qu’il s’était égaré dans mon filet de pêche, je comptais bel et bien l’y laisser s’y empêtrer.
Et lorsqu’il laissa sous-entendre que je pourrais l’aider dans ses affaires de police, ça me motiva encore plus, si c’était possible, à ne pas le laisser s’échapper… Et ce même s’il essayait de me faire tourner en bourrique en me faisant croire qu’il voulait se servir de moi comme agent d’entretien informatique. Son commentaire sur le look de l’informaticien me tira un nouveau petit rire.

« Ah ben bravo, je note que monsieur profite de l’entretien du matos informatique pour mater »

Lâchai-je du tac au tac, oubliant un peu les filtres que l’on a généralement avec des gens que l’on vient de rencontrer. Mes barrières étaient tombées étonnamment vite avec Alex.

« Et donc… les entretiens que tu mènes, ça ressemble à quoi ? Tu poses quel genre de questions ? »

Demandai-je ensuite, l’air parfaitement innocent, comme si je me rencardais juste sur le boulot pour y postuler ensuite. La situation était tout de même particulièrement originale, nous deux en train de discuter boulot et entretien alors même qu’il était en train de me masser le dos. C’était improbable, mais tout l’était depuis le début de notre rencontre alors vraiment… on n’allait pas se formaliser maintenant. Et Axel semblait du même avis que moi, à en croire sa remarque sur ma superbe technique de drague.

« Mouais… Je te soupçonne de dire ça uniquement pour éviter que j’aille tester ma technique de drague sur le tout venant »

Répliquai-je dans un sourire. Sous-entendre qu’il était jaloux alors qu’on se connaissait depuis une heure à peine, c’était tellement déplacé que ça s’inscrivait totalement dans notre petit jeu décalé. Il choisi ce moment là pour stopper son massage, retirant sa main, et je dus retenir un grognement de frustration. C’était cruel de me donner un avant-goût pour de se défiler, mais je n’allais certainement pas l’admettre. Je ravalai donc mon appétence, me redressant un peu alors que je me retournai vers lui.

Sa question m’arracha un rire, franc et massif, après quoi je lui fis remarquer :

« Je crois que c’est la première fois qu’on me demande de manière aussi frontale si je veux tirer un coup »

Après toutes ces petites allusions, à tourner autour du pot, je n’avais pas pu empêcher mon cerveau de faire cette connexion graveleuse, et ma réplique de s’échapper de ma bouche. Ceci étant fait, je pus retrouver mon sérieux et répondre de manière plus concrète à sa proposition.

« Outch non, j’ai eu ma dose d’entraînement aujourd’hui… Et puis, je voudrais pas me remettre à faire la folle furieuse à nouveau. Une fois, ok, mais une deuxième, je risquerais de te faire peur »

Et clairement, blague à part, un ascenseur émotionnel par jour c’était laaaargement suffisant pour moi. J’allais pas faire des vieux os si je m’infligeais plusieurs états de panique par jour. Ma rencontre avec Alex m’avait détendue, je n’allais pas tout foutre en l’air en réinitiant une tentative de tir.

« Et puis… Il faut bien que j’équilibre le fait que tu comptes me reluquer pendant que je m’occupe de ton ordi, alors ouais, je vais rester à te mater plutôt »

Ajoutai-je dans un sourire taquin.

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Break me down and build me up

Bon… le mec qui se marre quand je lui annonce être une catastrophe ambulante en cuisine que même Gordon Ramsay ne pourrait pas sauver, c’est plutôt bon pour moi. J’étais tombée sur un sacré paquet de mecs pour lesquels savoir cuisiner était un critère de premier choix pour une copine… Visiblement, Alex ne faisait pas partie de ces personnes, et c’était plutôt plaisant. Il était cependant assez sain d’esprit pour comprendre que se faire payer en repas si le repas venait de moi était une très mauvaise idée, et il se ravisa.

« Très sage décision… Tu as donc un bon instinct de survie »

Conclus-je comme si je l’analysais de près depuis le début, façon psychologue de comptoir. C’était plutôt amusant comme rôle, même si paradoxalement je DETESTAIS les psys. Mais être de l’autre côté de la thérapie, ouais, c’était nettement plus drôle.

« Et tu as l’amour du risque aussi… Tu ne sais pas dans quoi tu t’engages sur ces ‘autres moyens de rémunération’… »

J’avais mimé les guillemets autour des moyens de rémunération avec mes doigts, un sourire espiègle sur le visage. Mon cerveau turbinait à toute allure, réfléchissant à quels moyens de rémunération tordus mais drôles je pourrais lui proposer. Une coiffure atroce ? Une manucure ? Je ricanais intérieurement, déjà parce que ce serait une vraie arnaque, mais aussi et surtout parce que je n’étais douée ni pour l’un, ni pour l’autre. En fait concrètement à part en informatique, pour les jeux videos, pour mener des enquêtes bidons et me mettre dans le pétrin, je n’avais pas tellement de talents cachés… ou pas cachés d’ailleurs. Ah, si, j’étais une bonne pickpocket… Mais ce n’était probablement pas la meilleure chose à offrir à un flic.

Alex avait de l’humour, c’était certain, mais je le soupçonnais aussi d’avoir une conscience professionnelle, et pas sûr qu’il soit prêt à tout me laisser passer… D’autant qu’il me connaissait à peine, ce serait ridiculement inconscient de me faire une confiance aveugle. Mais il aimait jouer, ça c’était à peu près sûr, et sa petite mise en scène de soulagement était presque crédible, et à peiiiiiine surjouée, évidemment. Et, comme toujours, il avait un sens du compliment tout particulier mais qui me plaisait beaucoup.

« Ah, tu viens de briser mes rêves de jeune fille ! »

M’exclamai-je, un peu théatrale à mon tour, pour ne pas déroger à la règle tacite qui s’était installée entre nous.

« Je me voyais déjà reine du bal et tout… »

Haussant les épaules d’un air faussement résigné mêlé de déception, j’ajoutai, dans un soupir.

« …Bon ben, j’imagine qu’il me reste les soirées mousse pour l’heure de gloire ! »

Les soirées mousse… Je n’en avais jamais faites, mais c’était le bon gros cliché de la soirée dans les séries américaines. Si ça me tenterait ? Pas sûr ! Sur le principe, pourquoi pas, mais ça devait ramener son lot de gros lourds dont je me passais bien volontiers.

« Par contre pas sûr que ma robe de bal passe inapperçu dans un bar ou une boîte »

Ajoutai-je, un faux air songeur sur le visage. Bon, en vérité, je n’avais dans ma garde robe rien qui puisse de près ou de loin passer pour un bal. J’étais plus dans les tenues un peu osées ou alors dans le cuir –mais pas la moustache. La robe longue toute en poésie, ce n’était pas trop pour moi. D’ailleurs je détestais les trucs encombrants, ça avait le don de m’agacer. Ca faisait partie d’un des nombreux secrets –pas trop dur à percer cela dit- qu’Alex pourrait découvrir en creusant un peu, comme je venais de le mettre au défi. Je sentis à sa réaction qu’il aimait bien ça, les challenges, et je le notai dans un coin de ma tête. De ce côté-là, on allait bien s’entendre. D’ailleurs, sur bien des aspects, on pouvait TRES bien s’entendre…

« Mm… après m’avoir vendu autant de rêve, il va falloir assurer ! Tu viens de placer mes attentes très très haut ! »

Déclarai-je, tout en mimant une barre avec ma main. Dardant mes yeux sur lui, le fixant avec une intensité dont je n’avais pas fait preuve jusque là, j’esquissai un sourire.

« En tout cas, je suis curieuse de voir tes techniques d’extirpation d’informations… J’imagine que dans la police vous avez quelques bottes secrètes »

En tout cas, il semblerait qu’ils avaient des techniques de matage ! Sa réponse me tira un petit rire, avant que je n’hausse une épaule.

« Oh, je t’assure, que les hommes ont aussi de bons arguments… »

Bon, j’étais la première à trouver des arguments des deux côtés, on ne pouvait pas dire que je faisais de la discrimination, au moins. Cela dit, quand on voyait le désastre qu’était ma vie sentimentale, on pouvait se demander si je ne ferais pas mieux de me montrer un peu plus sélective… Peut être que je devrais faire des entretiens, moi aussi.

« Ah bah parfait, je pourrais donc te réciter par cœur ma liste de qualités parfaites pour tous les jobs du monde et mes défauts qui n’en sont pas vraiment parce que les VRAIS défauts me feraient sûrement virer de n’importe quel job… »

Répondis-je, une touche d’ironie dans la voix. Mon avis sur les entretiens d’embauche était… eh bien probablement comme celui de beaucoup de monde : c’était une farce sociale, un vrai théatre de boulevard auquel personne ne croyait mais dont tout le monde jouait le jeu, par nécessité ou par manque d’alternative.

La réaction d’Alex à ma petite vanne sur sa fausse jalousie en disait long sur lui : outre le fait que ma remarque ne pouvait être qu’une plaisanterie dans notre situation actuelle, il ne devait pas trop être sujet à la jalousie de manière générale. De ce côté-là, je ne pouvais que l’envier. J’étais moi-même d’une possessivité maladive. Alors, naturellement, pas après une conversation de 2h, mais dès que je devenais proche de quelqu’un, ça devenait vite… compliqué. Pas étonnant que mes relations soient toutes des fiascos… Rares sont les gens appréciant ce trait de caractère. Inexistants, même, plus que rares. Mais enfin, je ne comptais pas trop dévoiler cette partie de ma personnalité.

« Ah, merveilleux ! Moi qui m’imaginais déjà vieille fille à chats… Il y a donc encore de l’espoir pour moi ! »

Répondis-je, me foutant très clairement de ma propre gueule. En même temps, ce n’était pas exactement faux et puis… C’était une bonne réponse à une demande de mariage pour plaisanter ! Et enchaîner sur des propositions bien moins maritales et bien plus tendancieuses, c’était l’enchaînement parfait, digne du drôle de duo que l’on commençait à former.

« Mais non mais non… Pour avoir l’esprit mal placé, il faudrait déjà avoir de l’esprit voyons »

Répliquai-je, tout en m’installant sur un des bancs le long du mur pour pouvoir reluquer tranquillement Alex s’entraînant. Si déjà je l’avais annoncé, tout haut, il fallait que je tienne mon engagement.
Je ne retins pas un petit rire en le voyant me provoquer en agitant ses fesses. Il prenait beaucoup trop son pied à se faire observer, visiblement. Je laissai mon rire se calmer et ne fis aucun commentaire, le laissant se concentrer. Et là… le Axel jovial et plaisantin disparut totalement, laissant place à son double diablement sérieux. C’était impressionnant, cette transformation. Je sursautai un peu en entendant le premier coup. Ca ne me bloquait pas autant que de tenir une arme, mais ça restait associé à un très mauvais souvenir. Mais bon, c’était gérable, même si j’étais pour sûr un peu plus crispée que lors de notre discussion d’avant.

Il se tourna vers moi après avoir vidé deux chargeurs, et je chassai immédiatement l’ombre dans mes yeux, renfilant mon sourire provocateur.

« Absolument magnifique… Enfin, ton fessier je veux dire, honnêtement j’ai oublié de regarder le reste »

Mentis-je dans un grand sourire, le tout accompagné d’un clin d’œil taquin. En vérité, je n’avais pas loupé une seule seconde de sa prouesse, mais je préférais le charrier.
J’esquissai une petite moue, penchant la tête sur le côté, avant d’ajouter :

« En tout cas, je note de ne JAMAIS t’énerver »

Parce que bordel, il visait sacrément bien. Rien à voir avec moi : je savais monter un flingue, appuyer sur la gachette, toucher une cible assez grosse et pas trop mouvante, mais ça s’arrêtait là. Quand il s’agissait de véritablement viser… Non clairement, je n’avais aucun talent. Ce n’était d’ailleurs pas pour cela que je venais ici, je voulais juste me forcer à me débarrasser de ce foutu trauma. Je voulais retourner sur le terrain, m’infilter, ressentir à nouveau l’adrénaline, et tout ceci était peu compatible avec ce traumatisme débile et handicapant.

« Tu repars pour un tour ou tu as assez frimé ? »

Lui demandai-je, histoire de la charrier un peu. Et puis, j’avais hâte d’avoir mon café et la suite de mon massage moi…

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Break me down and build me up

Je restai un instant muette, le fixant d’un air pensif, pesant le pour et le contre. Monsieur était joueur, c’était certain. Je l’étais aussi. A quel point avais-je envie de dépasser les limites normalement définies ? Beaucoup. Et il n’avait pas l’air d’être du genre farouche, ou à s’offusquer facilement alors… Je pouvais sans doute me le permettre. Et puis, surtout, j’avais envie de me le permettre.

Me rapprochant un peu de lui, même s’il n’était déjà pas très loin, je laissai mes yeux vagabonder un instant sur ses lèvres.

« Eh bien…. J’imagine que je peux te montrer un échantillon, puisque tu sembles si curieux… »

Et alors que j’avais fini de reluquer ouvertement sa bouche, je décidai de passer à l’offensive. Quoique offensive soit un mot un peu fort, mes gestes étant emprunt d’une lenteur et d’une douceur toutes maîtrisées. Je savais être l’agneau comme je savais être la louve, ça dépendait toujours de mon humeur. Mes mains s’étaient agrippées au col de son vêtement pour le faire se pencher vers moi, j’étais plus petite que lui. Et dès qu’il fut à portée, mes lèvres s’emparèrent des siennes, dans un baiser qui était loin d’être chaste, mais pas non plus totalement lubrique… Ne jamais dévoiler tout son jeu dès le début. Mais comme chasser le naturel ne marche jamais vraiment, je ne pus m’empêcher de me laisser à un léééééger mordillement avant de lui rendre sa liberté.

Et comme ça, je me soustrais à nouveau à lui, reculant juste assez pour remettre une distance de courtoisie entre nous deux.
Ne disait-on pas toujours qu’il fallait les laisser en vouloir plus, ne pas tout donner, juste donner envie de voir la suite ? Alors voilà, c’était le genre de conseils que je m’appliquais à suivre. Bizarrement, tous ceux visant à ce que j’ai une vie un peu plus équilibrée rentraient par une oreille pour mieux ressortir par l’autre.

« C’est ce qu’on pourrait qualifier… d’une avance sur salaire. »

Conclus-je, cherchant à peine à dissimuler mon côté aguicheur. Il m’avait cherchée, honnêtement. Je ne sautais le pas que si on m’acculait, et il avait insisté alors… Je ne pouvais pas le décevoir.

Je lui offris un sourire et une œillade taquine alors qu’il me faisait remarquer qu’il serait sûrement plus ravi que moi si je devais ôter ma robe de bal, baissant un peu la tête pour l’observer par le bas. J’étais flattée par son commentaire, quoique facile. Eh quoi ? Ca fait toujours plaisir de sentir que l’on plait à quelqu’un qui nous fait également de l’effet. Je n’allais certainement pas vivre dans le déni.

« Oh détrompe toi, me déshabiller est une vraie passion chez moi »

Et le pire, c’était que je ne plaisantais qu’à moitié en fait… Ce n’était pas tant le fait de se déshabiller qui m’émoustillait, que le simple fait d’être nue. Franchement, si ce n’était pas socialement bizarre, je vivrais nue H24, c’était TELLEMENT plus confortable. Evidemment, ça compliquerait un certain nombre d’interactions sociales… Mais bon. On ne pouvait pas tout avoir.

« Mais je ferai un effort, je sortirai un attirail un peu plus adéquat qu’une robe de bal pour t’accompagner »

Grand seigneur que j’étais. J’avais dans ma garde robe une ou deux tenues qui pourraient très bien se prêter à cette activité. Ou… d’autres activités du même acabit, par ailleurs. J’étais flexible, et arrangeante… tant que ça m’arrangeait aussi en tout cas.

« Donc monsieur n’aime pas le conventionnel ? Intéressant… »

De ce côté-là, on pouvait vraiment dire qu’on se rejoignait. En même temps, à y regarder de plus près, rien dans notre rencontre n’était conventionnelle, ça en disait long.

« En tout cas je dois admettre être TRES curieuse de voir ces méthodes à l’œuvre »

Vraiment. Alex venait de gagner au moins 15 points de sexytude avec l’information qu’il venait de me dévoiler. Et pourtant, il n’en avait vraiment pas besoin : question sex-appeal, il était déjà plutôt bien rôdé à mon goût. Et il en semblait très conscient, à en croire sa dernière remarque sur ses « arguments ».

« Ah oui ? »

Demandai-je dans un air de défi.

« Il va falloir me les montrer, alors, ces arguments »

Je levai un sourcil amusé, les bras croisés sous ma poitrine alors que je ne le lâchais pas des yeux pendant qu’il me demandait de dévoiler mon discours rôdé pour vendre ma petite personne. Mes lèvres s’étirèrent lentement en un sourire alors que je réfléchissais à ce que j’allais lui répondre. Décidant finalement que j’allais m’acheter un peu de temps, je finis par lui dire :

«  Ok, deal. Tu m’emmènes boire ce fameux verre, et je te sortirai mon grand numéro pour que tu me dises si oui ou non je suis… embauchable »

Voilà. Comme ça, je sécurisais la petite sortie qu’il avait évoquée un peu plus tôt. Je ne lâchais pas facilement l’affaire. Lui sûrement non plus. Ca promettait…

« Ah bon ? Pourtant je t’assure que j’ai déjà pas mal de symptômes… »

Relations foireuses ? Check. Vie sentimentale proche du néant absolu ? Check aussi. Tendance à repousser toute personne semblant vouloir faire preuve d’un peu de sérieux avec moi ? Check puissance un million. Envie beaucoup trop régulière de picoler pour oublier tous les autres check ? Check-check-check et re-check.
C’était quelque chose d’assez inconcevable pour la plupart des gens avec qui j’abordais le sujet –soit pas des masses de gens- car concrètement… j’étais tout de même loin du laideron.  Combien de fois est-ce que j’avais déjà entendu le fameux « Oh ça va, t’es une fille, t’as des seins, une jolie gueule, tu dois bien pouvoir ramasser ce que tu veux »… L’ennui, c’était que « ramasser », c’était pas trop mon délire, en fait.

« Je note la proposition cela dit… Je note aussi que tu vois quand même cela comme un sacrifice »

Le charriai-je, un sourire provocateur sur le bout des lèvres.

« Il faudra juste qu’on définisse ensemble à partir de quand on pourra considérer que je suis suffisamment un cas désespéré pour que tu me prennes en pitié »

Ajoutai-je d’un air faussement professionnel, comme si on était sur le point de négocier un contrat de la plus haute importance. J’étais sûre qu’Alex était dur en négociation… C’était un flic, il avait la peau dure, et sûrement l’habitude de bluffer.

M’appuyant sur mes bras alors que je me penchai en arrière, donnant un petit coup de tête pour faire passer ma chevelure derrière mon épaule dans un mouvement volontairement un peu aguicheur, je laissai courir mon regard sur lui de haut en bas, confirmant ainsi ce qu’il venait d’avancer.

« Oh, je connais un ou deux suspects qui pourraient en effet se laisser convaincre ainsi »

Répliquai-je, une bonne dose d’amusement dans la voix. Je m’abstins d’imaginer la scène plus en détails, me contentant de me mordre la lèvre pour retenir un petit rire. Clairement, il faudrait être d’une faiblesse assez impressionnante pour faire des aveux au nom d’une jolie vue. Même moi et ma frustration accumulée depuis beaucoup trop de temps on ne se laisserait pas avoir aussi facilement.

Je levai un sourcil alors qu’il m’expliquait être en vérité plus à l’aise dans le combat à mains nues qu’avec une arme.

« Ah… Alors je n’imagine même pas ce que tu fais avec tes mains »

Un petit éclat espiègle s’alluma dans mes yeux alors que je réalisai ce que ma bouche venait juste de dire, comme ça, naturellement, et l’air de rien.

« En combat, bien sûr »

Bien sûr. Ca ne m’étonnait pas tellement pour un flic, qu’il soit habile en combat. Par contre, qu’il préfère ses poings à une arme mortelle à distance, c’était déjà plus étonnant. Ca en disait assez long sur lui, à vrai dire, et ça me disait quelque chose qui me plaisait assez…

J’esquissai un sourire presque carnassier en réponse à son commentaire. Clairement, ce n’était pas mon genre de faire dans les faux-semblants, je n’avais pas grand-chose à cacher, et j’assumais généralement à peu près tout… Y compris ma connerie et mes pulsions.

« Je plaide totalement coupable pour les fesses… Et je peux effectivement continuer à me rincer l’œil autour d’un petit verre »

Sur ces bonnes paroles, j’attrapai la main qu’il me tendait, effectuant une petite révérence à mon tour, appuyée d’un petit sourire en coin. Je partis déposer le matériel dans la benne disposée à la sortie à cet effet.
Réalisant que je m’apprêtais à partir sans même lui demander son avis, je me stoppai dans mon élan, pivotant vers lui, penchant la tête sur le côté alors que je le fixais.

« Tu fais un détour par la douche ou on décolle directement ?Le café au coin de la rue fait des desserts à se rouler par terre »

Pour ma part, je n’avais pas prévu de vêtements de rechange… Car je n’avais pas non plus prévu de rencontrer quelqu’un, à vrai dire. Généralement, ma routine était bien rôdée : venir, essayer de tirer, ne pas réussir, repartir, aller faire la tronche dans mon chez-moi. Pour ça, ma tenue on ne peut moins sexy faisait AMPLEMENT l’affaire. Et puis, je devais admettre avoir un peu hâte de sortir de là et de passer à la suite des évènements.

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Break me down and build me up

Cette petite improvisation -car clairement, ce n'était pas prémédité de ma part- me laissa un peu de couleur sur les joues, pas tellement par gêne, mais parce qu'il faisait soudainement plutôt chaud dans cette pièce. Je ne poussai pas le vice jusqu'à me ventiler avec ma main, me contentant de laisser un sourire planer sur mes lèvres encore un peu rougies par leur récente activité. Et le voilà qui se léchait littéralement les babines... Non mais il voulait ma mort cérébrale ou quoi ?

« Pour le moment. »

répétai-je dans un hochement de tête entendu, l'oeil pétillant. Je dus m'infliger une baffe mentale pour remettre le train de mes pensées sur les rails... Ou pas, à en croire que les conneries que ma bouche pouvait encore déblatérer, balançant à qui mieux-mieux que me déshabiller était une passion. Au temps pour les messages inspirant le respect de soi, hein, mais franchement... J'avais toujours été de nature assez directe et ouverte, je n'allais pas commencer maintenant à me soucier de l'image que ça pouvait donner de moi.

« C'est fort aimable de ta part de m'encourager à vivre ma passion »

Fis-je remarquer, juste avant qu'il ne se mette en tête de renchérir sur mon avance sur salaire. J'ouvris la bouche, prête à le charrier, mais me retrouvai couper dans mon élan moqueur alors qu'il venait de s'emparer de ma main pour , court-circuitant au passage mon cerveau.

« Oh boy »

m'exclamai-je un peu malgré moi, constatant une fois de plus que j'étais BEAUCOUP TROP expressive... Au risque de passer pour une lycéenne émoustillée d'un rien. Il me fallut quelques secondes pour retrouver contenance, et laisser courir mes doigts un court instant là où il les avait placés. Dès que je le sentis se reculer, ma patte de velour se transforma en patte griffue, et je laissai mes ongles frôler son épiderme juste à temps pour lui laisser comme une promesse, mais pas assez pour laisser une trace durable... Je savais un minimum bien me tenir. Vraiment un minimum.

Je ramenai ma main bien sagement dans la poche ventrale de mon sweat, mes yeux s'attardant encore quelques secondes sur son torse dont on pouvait deviner la sculpture sous son vêtement.

« C’est pas plutôt le policier qui procède aux fouilles corporelles d’habitude ? »

Cerveau en arrêt technique ou pas, je ne comptais pas lever le pied sur les taquineries... C'était presque un réflex chez moi, quelque chose que je pouvais faire sans avoir besoin de trop de neurones... C'était par ailleurs un excellent mécanisme de self défense, notamment quand les hormones décidaient de totalement me faire perdre pied avec la raison.

« Par ailleurs... si c'est ta technique pour tripoter les seins des filles... ne compte t'en tirer aussi facilement, c'est un terrain sacré »

Je ponctuai ma petite provocation d'un sourire joueur. Je prenais beaucoup trop mon pied à m'aventurer sur des terrains glissants avec lui aujourd'hui... Ce Alex avait définitivement une mauvaise influence sur moi !

J'eus un petit rire alors qu'il minimisait mes fameux symptômes de future vieille fille.

« A part ce fameux breakdown psychotique… »

Commençai-je pour reprendre ses mots, tout en appuyant clairement mes mots pour souligner le fait que c’était déjà un truc assez conséquent pour une majorité de personnes.

« Je pense que je peux ajouter en tête de liste “se jeter sur les lèvres de quelqu’un qu’on connaît depuis 1 heure”... définitivement pas le genre de signaux qui crient « relation sérieuse et longue durée only » si tu veux mon avis »

C’était dit avec le sourire, mais… C'était un peu l'histoire de ma vie en vérité : je n'avais strictement aucun intérêt pour les histoires d'un soir, mais j'envoyais de toute évidence ce que les mecs et les nanas qui m'intéressaient appelaient des "mixed signals". Je commençais à me dire que mon côté très joueur et tactile allait finir par me jouer de très vilains tours, encore plus s'il se couplait avec un manque affectif assez criant.

« Maiiiis assez parlé de mes vices cachés… pas si cachés. C’est quoi les tiens ? Il doit bien y avoir une explication à ce qu’un mec comme toi soit encore célibataire »

Si je faisais dans la flatterie ? Oh, à peine. Disons que j’en profitais juste pour glaner quelques informations qui pourraient m’intéresser.

« Je vérifie juste si tu as le profil adéquat pour… THE mission »

ajoutai-je, accompagné d’un petit clin d’œil. J’esquissai une petite moue alors qu’il me suggérait d’éviter d’ébruiter son nom si j’en arrivais à casser la figure de quelques personnes en utilisant ses précieux conseils.

« Je ne promets rien. Quand on a un entraîneur privé aussi… talentueux, on a tendance à vouloir frimer un peu tu sais »

Et comme il l’avait sans doute déjà bien remarqué, je n’étais pas très douée pour tenir ma langue. Dans tous les sens possibles du terme d’ailleurs. Cette pensée peu sage me tira un léger sourire alors que je me remémorai le goût de ses lèvres…. Avant de me faire tirer de mes songes par une pensée toute aussi délicieuse, celle des fameux gateaux. Alex envoya valdinguer l’option douche, mais avait visiblement une toute autre proposition à me faire. Détour par chez lui après le goûter ? J’haussai un sourcil suggestif.

« Ça donnerait presque envie de les prendre à emporter ces pâtisseries »

Ayant eu son feu vert de décoller d’ici, je poussai la porte nous séparant des vestiaires, les traversant sans m’y attarder pour revenir à l’accueil. Kyosuke me fit un petit signe de la main en guise d’au revoir, signe qui resta en suspens en me voyant accompagnée… Chose qui n’arrivait jamais. Il m’adressa un sourire en coin qui se passa de tout commentaire et que je lui rendis avant de reporter toute mon attention sur mon compagnon.

Je poussai la porte de sortie, Alex sur mes pas, me prenant la fraîcheur de la rue en pleine face. Bon sang, je n’avais pas réalisé à quel point il faisait chaud enfermé là dedans...et je n’étais pas 100% sûre que ce n’était QUE la faute du chauffage. Je lui fis signe de la tête de me suivre alors que je me dirigeai vers ce fameux café qui n’était pas loin du club. En quelques minutes à peine nous y étions, ce qui était tant mieux car je commençai à me les peler sacrément, reserrant le col de mon sweat contre mon cou.

Je poussai la porte vitrée qui effectua un petit tintement comme dans les boulangeries françaises. La serveuse, qui commençait à me connaître à force de traîner dans le coin, m’offrit un sourire radieux, suivi d’un regard qui en disait long sur Alex. Si elle n’était pas à deux doigts de baver, alors je ne savais rien… Elle me fit signe de nous installer et qu’elle n’allait pas tarder à venir prendre notre commande. Je m’executai, tendant un bras pour piquer la carte des desserts sur une table voisine avant de l’ouvrir sur la table entre Alex et moi.

« Donc... tu es le genre de type à ramener les filles chez toi dès le premier rencard ? »

Demandai-je, taquine, comme à mon habitude, alors que j’enroulai mon épaisse chevelure sur elle-même afin de pouvoir la glisser sur une de mes épaules pour qu’elle ne me gène pas, les yeux fixés sur la carte.

Break me down and build me up

A ce stade, dire que j’aimais vivre dangereusement était sans doute un euphémisme, et je dus faire un effort monumental pour ne pas avoir soudainement le générique de “L’aaaaamour du risque” en tête… Ah ben, trop tard. Bon, au moins, ça détourna mon attention une demie-seconde du corps d’Alex qui venait visiblement de décider que “toucher avec les yeux” ne suffisait plus. Heureusement pour moi, l’humour était toujours une excellente porte de sortie, et le retour à nos taquineries mutuelles me permit de m’échapper de mon rôle d’adolescente prépubère.

J’eus un petit rire lorsqu’il me sortit son petit jeu d'acteur jaloux. C’était, à défaut d’être crédible, plutôt drôle !

« Non je ne fais pas ça à tout le monde… Juste à ceux qui encouragent les paiements en nature »

Répondis-je dans une petite moue faussement innocente, qui ne devait plus tellement faire effet après les récents évènements.

« Mais oui tu as raison… Je vais donc continuer à embrasser tous ceux que je rencontre jusqu’à trouver ce fameux amour de ma vie… Ca me parait être une stratégie saine et de valeur sûre »

Ajoutai-je dans un petit rire, m’imaginant sauter au cou de tous les passants. J’avais l’habitude de faire des chose étranges et de me faire passer pour quelqu’un de pas tout à fait net, mais là, je me surpasserais probablement moi-même.
Lorsque je retournais la question à Alex, celui-ci sembla un instant pris au dépourvu. Quelque chose me disait que contrairement à moi, il ne se posait pas tellement la question. Ca ne m’étonnait pas tellement, il avait l’air d’être plutôt sûr de lui de manière générale. Moi… c’était une autre histoire. Je donnais plutôt bien le change, et j’étais certaine que la majorité de mes connaissances étaient persuadés que j’avais un ego surdimmensionné, mais… il suffisait de creuser un peu pour comprendre que c’était plutôt l’inverse. Naturellement, il était plus facile de dresser des barrières que d’affronter ses peurs intérieures. Et sur cette note maussade, je chassais ces pensées de mon esprit, placardant mon habituel air mutin sur mon visage.

« Excellente idée ! Tu me passeras leurs noms et numéros pour que je fasse le sondage ? »

Demandai-je, faisant références à ces fameuses exs. La vie sentimentale d’Alex semblait nettement plus vivante et normale que la mienne… ce qui encore une fois n’était ni surprenant ni difficile ! Mais je ne comptais pas élaborer davantage sur le sujet, ayant déjà très largement plaidé contre ma propre cause.

« Ah ben voilà, elles n’avaient pas compris la stratégie ultime : celle de s’incruster pour travailler AVEC toi »

Répliquai-je dans un petit rire, faisant référence à notre échange précédent sur le fait de lui filer un coup de main “technique” sur ses affaires. Cela dit, je pouvais comprendre le souci. A l’époque où j’étais en infiltration, ma vie sociale passait clairement après ma mission. Depuis que j’étais revenue à un boulot “normal”, c’était une autre histoire. Je m’ennuyais, tout bonnement, et j’essayais désespérément de retrouver cette même adrénaline dans ma vie privée, mais ce n’était pas si simple.

On finit enfin par se mettre en mouvement pour quitter cette fichue salle de tir qui allait finir par me filer des cauchemars à force de m’acharner à y confronter mon traumatisme… Direction la pâtisserie dont j’avais fait la promotion à mon compagnon. J’esquissai un sourire lorsqu’il me fit remarquer que si on embarquait les pâtisseries chez lui, on ne leur accorderait peut être pas autant d’attention qu’elles le méritaient.

« Et ça serait clairement un sacrilège ! »

Confirmai-je, un air faussement grave sur le visage. Il nous fallut à peine quelques minutes pour nous retrouver assis tous les deux avec la carte des consommations ouverte devant nous et une serveuse toute émoustillée qui nous jetait des oeillades -enfin, qui lui jetait des oeillades, pour être exact. Ca me rappelait toutes ces sorties avec mon meilleur ami qui était selon la plupart des standards féminins à tomber par terre. Je ne comptais pas le nombre de regard meurtrier que j’avais attirés en traînant avec lui. J’en avais peut être même un peu joué parfois… Après tout, pourquoi leur dire tout de suite qu’il était aussi gay qu’on puisse l’être ?

La voix d’Alex me tira de ma contemplation passive, et je reposai mes yeux sur lui alors qu’il me parlait de son chez-lui et de sa famille. J’avais un peu honte mais… oui, c’était bien de la jalousie que je ressentais vis à vis de lui à ce moment précis. C’était sans doute un peu puéril mais… incontrôlable.

« Oh… ça doit être sympa comme ambiance »

Répondis-je dans un sourire un peu forcé, mais malgré tout crédible. Je vivais seule depuis des années maintenant, et je devais bien admettre que si ça avait bien certains avantages, ça pouvait s’accompagner également de grands moments de solitudes. En France, c’était différent. Je vivais seule mais je voyais Major tous les jours et j’allais régulièrement dîner chez Jérôme et sa compagne, ça faisait un bon semblant de vie familiale. Depuis que j’étais au Japon, c’était… compliqué. Major refusait de me parler ou même de m’écrire et Jérôme… Disons qu’avec le décalage horaire, les longues session skypes étaient limitées.

« Toute ta famille habite au Japon ? »

Demandai-je, me tirant de mon espèce de nostalgie intérieure qui n’était clairement pas la bienvenue au milieu de cette rencontre légère et agréable. M’infligeant une baffe mentale, je m’obligeai à retrouver mon naturel plaisantin. L’humour était toujours la meilleure porte de sortie, je n’en avais pour le moment pas trouvé de plus efficace.

« Donc… tu viens officiellement de passer du coureur de jupons qui ramène toutes les filles chez lui au mec émotionnellement trop engagé qui ramène les filles chez ses parents, félicitations ! »

Je lui jetai un regard malicieux qui vint souligner mon sourire en coin alors que je me reculai sur ma chaise, pivotant un peu pour pouvoir mieux le voir alors que je lui parlais.

« Avec moi qui suis la psychopathe qui contacte tous tes exs pour savoir pourquoi elles t’ont largué… on fait la paire »

Ajoutai-je en clin d’oeil à notre discussion à la salle de tir.

« D'ailleurs il faudra que tu me donnes la liste »

Demandai-je d’un air faussement solennel, comme s’il s’agissait d’une demande parfaitement sérieuse.
J’étais honnêtement presque capable de le faire juste pour rire… Pourrir la vie des gens pour mon bon amusement était devenu… une forme de loisir. Pas un loisir très sain, je peux vous l’accorder mais… pour ma défense, je ne faisais jamais rien de trop méchant ou de trop préjudiciable. Juste… de petites blagues.
Alex me ramena à la réalité en me parlant nourriture, et comme pour faire écho à ses mots, mon ventre se mit à grogner.

« Je vais prendre le café gourmand… J’adore me faire surprendre »

Je levai un sourcil amusé en disant celà, songeant qu’il avait probablement déjà cerné ce côté de ma personnalité. Le jeu. Les surprises. L’adrénaline. Mon leit motiv.
J’agitai ma main pour que la serveuse vienne prendre notre commande. Elle devait attendre l’occasion avec impatience car elle nous remarqua en 2 secondes à peine et nous rejoignit presqu’immédiatement, calepin à la main, sourire commercial ou charmeur -difficile de savoir- collé aux lèvres. Je lui dictai nos deux choix avant de la regarder s’éloigner.

« Si tu es sage, je te laisserai peut être goûter »

Quoique purement culinaire cette fois-ci, cette phrase fit un peu écho à notre “goûter” à la salle de tir, et je dus me retenir d’esquisser un sourire lascif, me mordant l’intérieur de la lèvre pour le contenir. Alex avait vraiment mauvaise influence sur moi… Quoique, mauvaise, c’était une question de point de vue.

Break me down and build me up

J’esquissai un sourire provocateur sans jamais le lâcher du regard.

« Effectivement, je suis sûre que si on participait à une super émission de téléréalité avec des matchmakers, on serait un match parfait »

Et je ne plaisantai qu’à moitié, en fait… Même si Alex et moi étions très différents sur de nombreux aspects, nous étions très… compatibles. D’ailleurs, heureusement que nous étions différents, j’étais à peu près certaine de ne pas réussir à me supporter moi-même… Glissant mes doigts dans mes cheveux d’un air pensif, j’ajoutai, dans un clin d’oeil.

« Par contre fais gaffe… Une fois que tu m’auras présentée à tes parents, tu ne pourras plus te débarrasser de moi. Ils seront tellement fan qu’ils n’accepteront plus jamais aucune autre belle fille »

Bon, en vrai je n’y croyais pas un seul instant, mais l’idée me faisait assez rire. Je pensais plutôt être rangée dans la catégorie des belle-filles qu’on ne souhaite pas à son gamin que dans celle des belles-filles idéales. Je n’étais pas bien élevée, pas spécialement charmante ou brillante, je n’étais pas spécialement altruiste non plus, je m’habillais plus souvent de manière inappropriée que l’inverse, et ma famille était tellement cassée que je n’avais AUCUNE idée de comment bien me comporter avec celle des autres. Heureusement pour moi, je n’avais jamais été assez loin dans une relation pour qu’on me présente aux parents, problème résolu… Même si je me doutais bien qu’un beau jour je devrais faire face à mon propre trauma familial si je voulais construire ma propre famille.

Je me débarrassai de la serveuse rapidement en l’envoyant nous préparer notre goûter, préférant passer un peu plus de temps seule avec Alex.

« En tant que flic, je suis sure que tu es bien placé pour savoir qu’il vaut mieux douter de tout et tout le monde »

Le charriai-je, opposant un sourcil levé provocateur à son air beaucoup trop adorable.

« Oh, je note que tu ne résistes pas à la tentation ! Oscar Wilde serait si fier… Et, moi… disons que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde »

Là, c’était carrément séducteur que mon regard et mon sourire se faisaient. En même temps, il était difficile d’ignorer la tension sensuelle qui s’était installée entre nous à force de jouer. Et colle pour confirmer mes pensées ou me défier, Alex vint glisser ses doigts contre les miens. C’était un geste somme toute assez inattendu à ce moment-là, mais loin d’être désagréable. J’étais ce qu’on pouvait appeler une “tactile sélective”... Je détestais qu’on me touche sans ma permission sauf… quelques personnes ou dans certains contextes. En revanche, avec les dites personnes ou dans les dits contextes, je pouvais muter en pot de glue tellement j’aimais toucher, sentir, les gens. Et visiblement… c’était le cas avec lui. Je le laissai faire courir ses doigts sur les miens en essayant de ne pas trop laisser mon imagination courrir vers d’autres endroits où ils pourraient les balader, un sourire flottant sur mes lèvres.

« Mm… j’admets que l’idée de te rendre accroc me plait un peu…. Beaucoup même en fait »

Répondis-je, sans même chercher à le nier.

Et ce fut pile à ce moment là que mon téléphone se mit à sonner. J’hésitai un moment à ignorer l’appel, mais constatant l’acharnement de la personne cherchant à me joindre, je capitulai. Retirant ma main à contre cœur de celle d’Alex, je jurai en français avant de me saisir de mon téléphone. Je restai un instant perplexe en voyant le nom de mon collègue sur l’écran. Il ne m’appelait jamais quand je ne travaillais pas, c’était bizarre.

Je décrochai et le laissai me noyer avec son flux verbal, mon visage se décomposant alors qu’il relatait toute sa mésaventure finissant par lui effaçant la moitié des données hyper critiques d’un de nos clients sur nos serveurs de sécurité.

« Ok… Goku, je suis là dans 30 minutes. Ça te laisse 30 minutes pour décamper de là ou pour appeler les pompes funèbres, car je te jure que si t’es encore là quand j’arrive je t’étripe. »

Je raccrochai sur ces paroles chaleureuses, inspirant profondément pour me calmer. J’étais juste dégoûtée de la tournure que prenait la journée. Tournant mon regard vers Alex, je lui offris un sourire crispé.

« Je crois que je vais devoir écourter notre… rendez-vous »

J’allais vraiment buter Goku et son timing de merde. Pour une fois que je prenais du bon temps, sérieusement ? Il fallait qu’il fasse tout foirer ? Je fermai un moment les yeux, pincant l’arrête de mon nez entre mon pouce et mon index dans l’espoir de faire fuir ma migraine naissante.
Je me levai soudainement, prête à partir, ne sachant soudainement plus trop comment me comporter. Cet imbecile de Goku m’avait coupé dans mon élan de flirt et je me retrouvais face à mon moi habituel, l’espèce d’inadaptée sociale de première.

« Bon et bien… Bonne journée ? »

Hasardai-je, subitement mal à l’aise alors qu’il y a une demie heure à peine je lui volais un baiser. Me voilà face à mes insécurités habituelles, et je me sentais d’un coup ridicule a lui demander son numéro, ou pire, à lui donner le mien s’il ne me recontactait jamais par la suite. J’avais déjà fait deux pas vers la sortie quand je m’infligeai une baffe mentale, m’interdisant de muter en midinette grotesque. Je fis demi-tour, revenant à la table. Je fouillai à nouveau dans mon sac, sortant un petit bloc de post-it et un stylo. Je me mis à griffonner mon numéro de téléphone et rien d’autre dessus avant de coller le post it sur le dos de sa main, après m’être emparée de son poignet de mon autre main. Je lui offris un sourire teinté d’une certaine réserve qui se dissimulait derrière mon habituel air joueur.

« Je viens de pratiquement confesser un meurtre avant de l’avoir fait devant un flic alors… Je te laisse ça. Au cas où tu aurais besoin de me recontacter… Genre pour m’arrêter pour le meurtre de Goku »

Et ceci étant fait, je partis prévenir la serveuse d’annuler mon café gourmand. Je la vis jeter un regard plein d’espoir en direction d’Alex lorsqu’elle comprit que je m’en allais. J’hésitai un court instant, avant de lui glisser à l’oreille : “Désolée, il n’est plus dispo”. Elle rougit à mes mots, et je partis avec un sourire triomphant sur les lèvres. OK, ce n’était pas très fairplay, mais je jouais rarement fairplay. Je disparus du café en direction de mon bureau de travail. J’avais laissé sa chance à Alex en lui donnant mon numéro perso, maintenant, les cartes étaient clairement dans ses mains...